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Tout ce qui a été posté par Wallaby

  1. https://www.lemonde.fr/international/article/2023/08/13/barbie-devient-une-icone-feministe-en-chine_6185268_3210.html Dans un pays où les poupées commercialisées par Mattel sont rares et le féminisme un sujet controversé, le film « Barbie » connaît un succès inattendu. « Je me suis dépêchée d’aller le voir parce que j’avais peur qu’il ne soit censuré ! J’avais entendu qu’en Corée du Sud, par exemple, des hommes avaient été très offensés. Je savais que la même chose risquait de se produire en Chine », commente Wang Yuqian, 27 ans, diplômée de journalisme. La production hollywoodienne avait aussi pris soin d’embrasser la vision chinoise de la géopolitique en dessinant sur une carte pourtant peu détaillée « la ligne des neuf points », qui représente les prétentions de Pékin sur l’essentiel de la mer de Chine méridionale. Ce choix a entraîné l’interdiction du film au Vietnam, qui revendique une partie de ces territoires.
  2. Le fil "Ukraine 3" est un fil d'histoire. Pourquoi ? Parce que l'actualité de l'Ukraine est traitée dans les fils sur la guerre d'Ukraine (opérations militaires, diplomatie, conséquences économiques) qui sont un fil "Ukraine 4" qui ne dit pas son nom. Lorsque la paix reviendra, je propose que nous ouvrions un nouveau fil "Ukraine 5". L'histoire est-elle anachronique ? C'est presque un truisme. L'histoire représente le passé, et comme le passé est passé, il n'est pas présent. Mais même si elle est passée, l'histoire est utile pour le présent. Faut-il que je cite Faulkner : « The past is not dead, it is not even past » (le passé n'est pas mort, il n'est pas même passé), ou bien Tocqueville : « le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres » ? Enfin, le passé est utile, non pas parce qu'il serait un miroir du présent, mais au contraire parce qu'il est pour nous une terre inconnue, à redécouvrir, qui nous oblige à remettre en question nos préjugés. Il nous oblige à nous débarrasser du présentisme. - https://warontherocks.com/2024/02/learning-lessons-from-the-prussian-past/ (12 février 2024) Le passé est un pays étranger (The past is a foreign country) dit la célèbre citation. Malheureusement, il semble souvent que les "guerres étrangères" menées avant 1900 soient trop lointaines pour trouver leur place dans notre analyse politique. Et si nous ne comprenons pas la guerre de Sept Ans, nous ne pouvons pas comprendre pleinement les avantages possibles de la patience stratégique en Ukraine aujourd'hui. Comme l'a récemment fait remarquer Paul Lockhart, historien militaire de renom, l'écrasante majorité des historiens militaires aux États-Unis se concentrent sur des sujets postérieurs à 1900. Ils sont encore moins nombreux, environ 20 %, à étudier l'histoire militaire avant 1815. Un article récent de War on the Rocks affirmait à juste titre que l'une des principales valeurs de la pensée historique était "la capacité de penser en dehors des paramètres du présent", plutôt que de tirer des leçons concrètes. Mais en même temps, les exemples spécifiques cités dans cet article ne remontaient pas plus loin dans le temps que 1938 - toujours de mémoire d'homme. Prenons le cas de la fin des guerres, une question urgente qui préoccupe les États-Unis en Ukraine. How Wars End de Dan Reiter, la principale étude universitaire sur le sujet, ne remonte qu'à la guerre de Sécession. L'ouvrage de Gideon Rose, intitulé de la même manière How Wars End : Why We Always Fight the Last Battle (Pourquoi nous livrons toujours la dernière bataille) de Gideon Rose examine une période encore plus courte, uniquement les guerres depuis la Première Guerre mondiale. Même des institutions telles que l'Académie militaire des États-Unis à West Point réduisent l'enseignement obligatoire de l'histoire militaire avant 1900 pour les élèves officiers. L'académie a supprimé ce contenu obligatoire en 2018, bien qu'il soit toujours possible de le suivre en tant qu'option. Il s'agit d'un problème non seulement dans l'enseignement militaire professionnel, mais aussi dans la profession d'historien au sens large. Entre 2004 et 2017, environ 80 % des historiens diplômés ont étudié des sujets postérieurs à 1800, le nombre de doctorants étudiant l'époque antérieure à 1800 ayant chuté précipitamment. Compte tenu de la formation spécialisée en langues et en paléographie nécessaire pour accéder à cette partie du passé humain, il n'est pas exagéré de dire que nous perdons la capacité de former les futures générations d'historiens qui souhaitent se spécialiser dans les sujets antérieurs à 1800. On ne peut pas très bien penser en dehors des paramètres du présent si tout le monde étudie le 20e siècle. Michel Winnock a écrit et redit : « la France n'est pas une géographie, c'est une histoire » [1]. Probablement, on peut dire la même chose de l'Ukraine : l'Ukraine n'est pas une géographie, c'est une histoire. Nous nous préparons à accueillir l'Ukraine comme nouvel état membre de l'Union Européenne. Est-ce qu'on peut faire un bon accueil à ce peuple en niant ou en passant par dessus la jambe son histoire ? Ou bien est-ce à dire que nous ne voulons pas vraiment accueillir les Ukrainiens, parce que nous cherchons seulement à les instrumentaliser et à les exploiter ? [1] 31 mars 2024, 28:24 https://www.lenouvelespritpublic.fr/podcasts/489
  3. https://www.lematin.ch/story/ces-etudiants-chinois-espions-qui-inquietent-berlin-958206049825 (29 juillet 2023) Le gouvernement allemand a appelé à la vigilance face aux risques d’espionnage scientifique par des étudiants chinois détenteurs de bourses d’État dans les universités outre-Rhin. Dans ce contexte, [La ministre allemande de l’Éducation] a salué la décision de l’université Friedrich-Alexander (FAU) d’Erlangen, en Bavière, qui, depuis le 1er juin, n’accepte plus de boursiers financés uniquement par le Conseil des bourses d’études de Chine («China Scholarship Council», CSC), un organisme public. Selon des recherches diffusées récemment par le service international de diffusion Deutsche Welle et la plateforme d’investigation Correctiv, les détenteurs de telles bourses doivent s’engager par contrat à être loyaux envers l’État chinois. Ceux qui ne respectent pas ces conditions doivent craindre des conséquences juridiques, ont affirmé ces médias. « La décision de la FAU devrait également inciter d’autres institutions à revoir les conditions de leur coopération avec le CSC », a insisté [la ministre].
  4. https://www.ege.fr/infoguerre/loffensive-cognitive-chinoise-dans-les-universites (20 novembre 2023) Le premier coup d’éclat date de 2005 avec l’affaire Valéo. Une étudiante chinoise, Li-li Wuang, est alors en stage à l’usine de Guyancourt de Valéo dans le cadre de ses études à l’Université de Technologie de Compiègne. En avril, l’équipementier dépose plainte à son encontre pour vol de données informatiques. Sont ensuite retrouvées chez elle des informations stratégiques confidentielles de l’entreprise, dont des documents sur des futurs modèles. À cela s’ajoute un nombre important de messages codés sur ses boîtes mails provenant de Chine. Elle sera condamnée pour “abus de confiance” et remise en liberté après 53 jours de détention. Cette affaire a permis de mettre en lumière l’état de l’infiltration informationnelle de la Chine dans les universités françaises. Cette infiltration s’est intensifiée par la suite ; en 2007 est signé un accord de reconnaissance des diplômes entre la Chine et la France. Le site de Campus France rappelle que cet accord a permis à la Chine de reconnaître “tout diplôme de l’enseignement supérieur reconnu par l’Etat français”[i]. Cela a induit la multiplication des étudiants chinois en France : “après les étudiants marocains, les étudiants chinois sont les plus nombreux à venir étudier en France” Cette intensification partenariale a naturellement induit une intensification des opérations offensives chinoises. Suite à l’affaire Valéo, d’autres cas d’offensives ont été mis en lumière. Exemple plutôt récent : la thésarde chinoise Wu Xuan, accusée d’avoir dérobé des informations sensibles dans un laboratoire de recherches à Metz[iii] et un autre à Strasbourg[iv]. D’autres exemples sont relevés dans l’ouvrage d’Antoine Izambard publié en 2015 : France Chine, les liaisons dangereuses. Il évoque notamment un nombre important de mariages entre des étudiantes chinoises et militaires français dans la région brestoise. Comme évoqué dans un article de l’Express[vi] par le directeur de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) lors d’une conférence à l’Ecole Nationale de l’Administration (ENA) en 2019 : “il est évident que les étudiants chinois qui viennent en ce moment dans nos grandes écoles répètent à leur pays ce qu’ils y font et ce qu’il s’y dit”. Par ailleurs, ce même article revient sur la dangerosité de la multiplication des partenariats entre universités françaises et chinoises. Ces dernières sont parfois liées à de puissants groupes chinois et souvent très proches du pouvoir à Pékin. En 2017, le service [de l’information stratégique et de la sécurité économique] est intervenu pour empêcher la conclusion d’un pacte entre l’université Paris-Saclay et l’entreprise publique chinoise TusHoldings. Cette dernière est très liée à l’université Tsinghua, établissement prestigieux de formation des cadres du Parti, dont Xi Jinping lui-même. Un autre exemple de “petite victoire” remportée par l’action de l’Etat concerne l’activisme du géant Huawei auprès de Télécom Paris. Cette école d’ingénieurs prestigieuse est notamment partenaire de la Direction générale de l’armement (DGA). L’action de l’Etat a permis de rompre les contrats doctoraux avec Huawei, malgré un don de 700 000 euros du géant chinois. https://www.dna.fr/economie/2022/10/27/espionnage-chinois-a-strasbourg-une-etudiante-un-peu-trop-parfaite Entre avril 2018 et septembre 2021, une étudiante chinoise a sporadiquement espionné un laboratoire de recherches à Strasbourg et un autre à Metz. Wu Xuan se laissait enfermer dans les locaux, la nuit et parfois même le week-end. Repérée par les services de sécurité, elle est repartie dans son pays sans être inquiétée après avoir soutenu sa thèse. https://www.senat.fr/rap/r20-873/r20-873.html Rapport d'information n° 873 (2020-2021) de M. André GATTOLIN , fait au nom de la MI Influences étatiques extra-européennes, déposé le 29 septembre 2021
  5. 24 mars 2024 Steve Coll, journaliste chevronné, prix Pulitzer, doyen de la faculté de journalisme de Columbia, présente son livre The Achilles Trap: Saddam Hussein, the C.I.A., and the Origins of America's Invasion of Iraq . Il était correspondant du Washington Post pour l'Asie du Sud dans les années 1990 et il a couvert l'Afghanistan. 01:40 Débuts en Afghanistan 08:23 Le rôle du Pakistan en Afghanistan 12:18 Le rôle de l'Iran 19:14 Pourquoi Saddam voulait-il des armes nucléaires ? 21:02 La guerre du Koweït 29:16 Saddam et les armes chimiques 40:29 Donald Rumsfeld 44:38 Comment parler à son ennemi ? 51:53 Les sanctions fonctionnent-elles ?
  6. https://www.historyofinformation.com/detail.php?entryid=2090 Entre 1347 et 1353, la peste noire, l'une des pandémies les plus meurtrières de l'histoire de l'humanité, a tué entre trente et soixante pour cent de la population européenne. "On pense que la pandémie a commencé en Asie centrale et s'est propagée en Europe dans les années 1340. Le nombre total de décès dans le monde est estimé à 75 millions de personnes, dont environ 25 à 50 millions en Europe. . . . Elle pourrait avoir réduit la population mondiale d'environ 450 millions à entre 350 et 375 millions en 1400. Si on prend 75 millions, cela fait une diminution de 75/450 = 17% de la population mondiale. Donc la planète n'a pas perdu "la moitié" de sa population à l'occasion de cet événement, mais un sixième. Si on prend 450-350=100 millions, cela fait une diminution de 100/450 = 22% de la population mondiale causée par la peste noire.
  7. Wikipédia donne le graphe suivant : https://en.wikipedia.org/wiki/Estimates_of_historical_world_population Donc tu as raison, il y a quelques dents de scie, mais elles ne sont pas bien grosses. Si la projection faite pour la Chine se répète en Inde, puis en Afrique, on risque d'avoir une grosse dent de scie pour la population mondiale au 22e siècle : https://www.pewresearch.org/short-reads/2022/12/05/key-facts-about-chinas-declining-population/
  8. Il y a un proverbe chinois qui illustre la contreproductivité de faire quelque chose lorsqu'il suffit de ne rien faire, c'est Ba-Miao-Zhu-Zhang, l'histoire d'un paysan qui tire sur ses plants pour les faire pousser. Le lendemain il retourne à son champ et tout était mort, parce qu'il les avait en fait déracinés. C'est congru avec la théorie taoïste du non-agir (wuwei).
  9. Très bon documentaire. J'ai appris plein de choses, pas intéressantes, mais désolantes plutôt. On peut se consoler en se disant que ce type de documentaire participe d'une prise de conscience. Je voudrais rappeler que pour reconstituer une forêt, il n'est pas nécessaire de demander aux enfants des écoles de planter les arbres comme on voit au début du documentaire. Comme on voit au milieu du documentaire avec une plantation de jeunes sapins, il y a beaucoup de pertes, les jeunes arbres sont très fragiles. Donc ce qu'on peut faire, c'est beaucoup plus simple : sélectionner une parcelle en bordure d'une forêt. En quelques années cela devient un friche. Les oiseaux et les écureuils ensemencent la parcelle naturellement. Il n'y a rien à faire. Les plantes pionnières du friche protègent les jeunes arbres. Au bout de 50 ou 100 ans les arbres deviennent grands et c'est une jeune forêt. Cela a été expérimenté en Angleterre, à Monks Wood. Des parcelles en friche ont été observées méticuleusement par les scientifiques d'année en année, et 60 ans après on a des forêts là où l'on a arrêté de cultiver. On appelle ça le "réensauvagement" (rewildering).
  10. https://de.wikipedia.org/wiki/Ostermarsch La marche de Pâques est une forme d'expression politique du mouvement pacifiste en Allemagne, portée par des motifs pacifistes ou antimilitaristes et organisée régulièrement chaque année sous forme de manifestations et de rassemblements. Ses origines remontent aux opposants britanniques aux armes nucléaires de la campagne pour le désarmement nucléaire avec les "Marches d'Aldermaston" dans les années 1950. https://www.tagesschau.de/inland/ostermaersche-160.html (30 mars 2024) Dans de nombreuses villes, des personnes sont descendues dans la rue pour des marches de Pâques. Les guerres dans la bande de Gaza et en Ukraine ont été au centre des débats. Les manifestants ont réclamé un cessez-le-feu, des négociations et l'arrêt des livraisons d'armes. A Berlin, la police a compté samedi environ 3.500 participants, 6.000 manifestants avaient été déclarés auparavant à la police. Les revendications portaient sur des négociations de paix en Ukraine et dans la bande de Gaza, le désarmement et la fin du débat sur la réintroduction du service militaire obligatoire. L'appel à manifester a été soutenu par de nombreux groupes et associations. Les organisateurs s'étaient préalablement démarqués de la droite. La marche de Pâques était placée sous le slogan "Kriegstüchtig - nie wieder". Selon l'agence de presse dpa, plusieurs participants à la manifestation ont brandi sur la Karl-Marx-Allee à Friedrichshain des pancartes portant des inscriptions telles que "Amitié avec la Russie - Viva Palästina" et "Paix avec la Russie". D'autres s'opposaient au gouvernement fédéral. Outre la colombe de la paix, on pouvait également voir des drapeaux palestiniens et des drapeaux russes. Lors d'une contre-manifestation, annoncée comme une marche de Pâques alternative, l'alliance ukrainienne Vitsche a demandé un soutien pour l'Ukraine et une solidarité avec les victimes de la guerre d'agression russe. Le slogan des participants, un peu plus d'une centaine, était "Maintenant plus que jamais - la paix doit être défendue".
  11. Et là il y a un commentaire dans la Frankfurter Allgemeine, de quelqu'un qui dit que si l'on gèle le conflit, comme suggéré par Rolf Mützenich, cela veut dire aider l'Ukraine à dissuader une nouvelle attaque, et que par conséquent des troupes allemandes devraient être stationnées en Ukraine : https://www.faz.net/aktuell/politik/ausland/ukraine-krieg-einfrieren-was-das-fuer-die-bundeswehr-heissen-wuerde-19613181.html (27 mars 2024) Pour que de telles garanties d'assistance soient crédibles, il faut une option de soutien militaire identifiable pour l'Ukraine - entre autres par des troupes au sol, une défense aérienne et une défense anti-aérienne. Réfléchir à un "gel" du conflit, comme l'a demandé Rolf Mützenich, conduit à la conclusion qu'une telle option n'est possible que si l'armée allemande est beaucoup plus impliquée dans le soutien à l'Ukraine qu'elle ne l'est actuellement.
  12. La biographie d'Alexander Dukhnovych était une entrée en matière, mais le plat de résistance est cet article sur la russophilie galicienne : https://en.wikipedia.org/wiki/Galician_Russophilia La russophilie galicienne ou moscophilie était un mouvement culturel et politique principalement dans le Royaume de Galicie et de Lodomérie, en Autriche-Hongrie (actuellement l'Ukraine de l'ouest). Cette idéologie mettait l'accent sur le fait que les peuples slaves orientaux de Galicie étaient des descendants du peuple de la Rous kiévienne (Ruthènes) et des adeptes du christianisme oriental, et qu'ils constituaient donc une branche du peuple russe. Ce mouvement s'inscrivait dans le cadre plus large du panslavisme qui se développait à la fin du 19e siècle. La russophilie était en grande partie un contrecoup de la polonisation (en Galicie) et de la magyarisation (dans la Ruthénie des Carpates), largement imputées aux propriétaires terriens et associées au catholicisme romain. La russophilie a survécu plus longtemps au sein de la minorité rusyn, en particulier celle de la Ruthénie des Carpates et des Lemkos du sud-est de la Pologne. Les "russophiles" ne s'appliquaient pas toujours le terme à eux-mêmes et s'appelaient eux-mêmes Russes, Rusiens, Ruthènes ou Rusyny (Rusyns). Certains russophiles ont inventé des termes tels que Obshche-rossy (Russes communs) ou Starorusyny (Vieux Ruthènes) pour souligner soit les différences au sein de leur faction, faisant référence à la communauté avec tous les Russes, soit leur position unique au sein de l'ensemble de la nation russe[clarification nécessaire]. L'ethnonyme "Ruthéniens" pour désigner le peuple ukrainien a été accepté par les russophiles et les moscophiles pendant une période assez longue. Le nouveau nom "Ukrainiens" a commencé à être accepté par les Galiciens ruthéniens (par opposition aux Galiciens polonais) vers les années 1890, sous l'influence de Mykola Kostomarov et de la Fraternité des Saints Cyrille et Méthode en Ukraine centrale. Après la chute de l'État slave oriental le plus occidental en 1349, la majeure partie de la région de l'actuelle Ukraine occidentale est passée sous le contrôle de la Pologne et de la Hongrie, la Pologne régnant sur la Galicie et la Hongrie sur la Ruthénie transcarpatique. Ce processus de polonisation est toutefois mal perçu par les paysans, le clergé et la petite minorité de nobles qui conservent leur culture slave orientale, leur religion ou les deux. Ces deux derniers groupes formeront le noyau des mouvements nationaux autochtones qui émergeront avec le relâchement du contrôle polonais et hongrois en Ukraine occidentale, qui s'est produit lorsque toute la région est passée sous le contrôle des Habsbourg autrichiens au cours des partitions de la Pologne. L'empereur autrichien émancipe les serfs, introduit l'enseignement obligatoire et élève le statut des prêtres ruthènes au niveau de celui de leurs homologues polonais et hongrois. En outre, il exige que les séminaristes catholiques ukrainiens reçoivent une éducation supérieure formelle (auparavant, les prêtres étaient éduqués de manière informelle par leurs pères) et organise des institutions à Vienne et à Lviv pour remplir cette fonction. C'est ainsi qu'est apparue, pour la première fois, une importante classe sociale instruite au sein de la population ukrainienne de Galicie. Les réformes autrichiennes ont conduit à une mobilisation sociale progressive des habitants de l'Ukraine occidentale et à l'émergence de plusieurs idéologies nationales reflétant la culture slave orientale des autochtones et s'opposant à celle de la Pologne et de la Hongrie catholiques. Cette évolution est encouragée par les autorités autrichiennes car elle permet de saper le contrôle polonais ou hongrois de la région. Parmi les mouvements culturels, on peut citer la russophilie, l'idée que la Galicie était la partie la plus occidentale de la Russie et que les natifs de l'Ukraine occidentale étaient, comme tous les habitants slaves orientaux de l'Empire russe, membres d'une seule nation russe ; le ruthénisme, l'idée que les habitants de l'Ukraine occidentale étaient une nation slave orientale unique ; et l'ukrainophilie, l'idée que les habitants de l'Ukraine occidentale étaient les mêmes que ceux des terres voisines de l'Empire russe, mais qu'ils formaient tous deux un peuple différent des Russes - les Ukrainiens. Au départ, il existait une certaine fluidité entre les trois orientations nationales, les gens changeant d'allégeance tout au long de leur vie, et jusqu'au début du XXe siècle environ, les membres des trois groupes s'identifiaient fréquemment par l'ethnonyme "Ruthéniens" (Rusyny). Au départ, l'idéologie la plus répandue était le ruthénisme, ou Rutenstvo. Ses partisans, appelés "vieux Ruthènes", étaient principalement des prêtres plus riches ou plus influents et les restes de la noblesse qui n'avaient pas été polonisés, et étaient assez loyaux envers les Habsbourg, auxquels ils devaient leur statut social plus élevé. Tout en soulignant leur différence avec les Polonais en termes de religion et d'origine, ces personnes ont néanmoins conservé une attitude élitiste à l'égard de la paysannerie. Ils parlaient souvent le polonais entre eux et essayaient de promouvoir une version du slavon ecclésiastique avec des éléments de la langue vernaculaire ukrainienne locale et de la langue russe en tant que langue littéraire pour l'Ukraine occidentale. Cette langue n'a cependant jamais été normalisée. La langue parlée par les gens du peuple était considérée avec mépris. Les vieux Ruthènes rejetaient à la fois l'ukrainophilie et la russophilie. Le penseur ukrainien Mykhailo Drahomanov a écrit ironiquement à leur sujet que "vous, intellectuels galiciens, pensez vraiment à créer une sorte de Paraguay uniate, avec une sorte d'aristocratie bureaucratique hiérarchique, tout comme vous avez créé une langue littéraire austro-ruthénienne". Le vieux ruthénisme a dominé la scène culturelle galicienne jusqu'au milieu du XIXe siècle, époque à laquelle il a été supplanté par la russophilie ; de nombreux partisans du vieux ruthénisme sont devenus russophiles par la suite. L'un des premiers russophiles galiciens, Nikolay Kmicykevich, a écrit un article en 1834 dans lequel il affirmait que les Russes étaient le même peuple, de l'Ukraine occidentale au Kamtchatka, de la mer Blanche à la mer Noire, et que la langue qu'ils parlaient était la même langue russe. Il écrit que la langue russe standard est plus acceptable pour l'écriture moderne et que les dialectes populaires d'Ukraine sont corrompus par l'influence polonaise. Ces idées ont été stimulées par le panslaviste russe Mikhaïl Pogodine, qui a séjourné à Lviv (appelée alors Lemberg) en 1835 et 1839-1840 et qui, à cette époque, a influencé l'intelligentsia ruthène locale. Ne se considérant plus comme les représentants d'une petite nation ruthène de moins de trois millions d'habitants, faible par rapport à ses voisins, les russophiles se considèrent désormais comme la branche la plus occidentale du grand peuple russe. L'orientation russe joue également un rôle dans les tendances élitistes des russophiles, car la langue littéraire russe qu'ils tentent d'adopter (beaucoup continuent d'utiliser la langue polonaise dans leur vie quotidienne) distingue les prêtres et les nobles russophiles des paysans parlant l'ukrainien. Sur le plan politique, les russophiles en viennent à défendre l'idée d'une union entre la Ruthénie galicienne et la Russie. L'un des russophiles galiciens les plus actifs était l'éminent historien et noble Denis Zubrytsky, qui a contribué à convertir une grande partie de l'élite galicienne à sa cause. Il fut également le premier à commencer à écrire en russe standard : dès 1849, il commença son ouvrage principal, l'Histoire de l'ancienne principauté galicienne-russe. Dans une lettre à son ami Mikhail Pogodin, Zubrytsky affirme que son objectif déclaré est de familiariser son peuple galicien avec l'histoire et la langue russes. En effet, l'historiographie du royaume médiéval de Galicie-Volhynie a été largement entamée par les russophiles galiciens et a servi de base à leur projet de construction nationale (à l'inverse, les ukrainophiles de l'époque se sont concentrés sur l'histoire des cosaques). En termes de littérature et de culture, les russophiles ont promu Nikolaï Gogol et Ivan Naumovitch, alors que les ukrainophiles ont mis l'accent sur Taras Chevtchenko. En termes de langue, les russophiles galiciens étaient fortement opposés à l'adoption de la langue vernaculaire ukrainienne parlée par les paysans et soutenaient plutôt l'adoption du russe littéraire standard. Cette opposition était telle qu'ils ont même accueilli favorablement l'interdiction de la langue ukrainienne dans l'Empire russe en 1876. Reflétant leur conviction que le peuple ukrainien jouait un rôle particulier dans la grande nation russe, le principal penseur russophile Ivan Naumovich a déclaré que la langue russe était dérivée du "petit russe" et n'était que réadoptée en Galicie. En effet, les russophiles galiciens ont écrit que l'une des raisons pour lesquelles tous les Slaves orientaux devaient adopter la langue russe était que la langue russe moderne avait été créée aux XVIIe et XVIIIe siècles par des érudits ukrainiens. Malgré quelques éléments démocratiques (comme la promotion de l'alphabétisation parmi les paysans), la russophilie galicienne avait tendance à être antidémocratique et réactionnaire, ce qui la mettait en porte-à-faux avec les tendances démocratiques de la société du XIXe siècle. Par exemple, le leader russophile Denis Zubrytsky a défendu le servage avant et après l'émancipation des serfs autrichiens de Galice en 1848. La russophilie ukrainienne occidentale est apparue dans la Ruthénie transcarpatique à la fin du 18e siècle. À cette époque, plusieurs personnes originaires de la région se sont installées à Saint-Pétersbourg, en Russie, et ont obtenu des postes universitaires de haut niveau. Le plus connu d'entre eux est Vasilly Kukolnik (père du dramaturge russe Nestor Kukolnik), membre d'une ancienne famille noble qui avait étudié à Vienne avant de venir en Russie. Parmi les élèves de Vasilly figuraient le grand-duc Constantin Pavlovitch de Russie et le grand-duc Nikolaï Pavlovitch de Russie, le futur empereur Nicolas Ier de Russie. Ces émigrés, tout en adoptant un sens du patriotisme russe, ont également maintenu leurs liens avec leur pays d'origine et ont essayé d'utiliser leur richesse pour introduire la littérature et la culture russes dans leur région. Lorsque les Hongrois se sont révoltés contre les Autrichiens en 1848, les Slaves orientaux locaux, antagonistes envers les Hongrois qui les avaient dominés, ont été profondément émus par la présence des troupes russes apparemment invincibles envoyées par Nicolas pour aider à écraser la rébellion. À cette époque, l'Autriche soutient le mouvement russophile pour faire contrepoids aux intérêts polonais et hongrois et, sous la direction du noble russophile Adolf Dobriansky, les habitants de la Ruthénie des Carpates se voient accorder une autonomie limitée, bien que la région retombe sous le contrôle des Hongrois après quelques années. En Galicie, la russophilie est apparue dès les années 1830, lorsque la "Société des érudits" a été organisée à Przemyśl. Elle a été stimulée en partie par la présence à Lviv, en 1835 et en 1839-1840, du panslaviste russe Mikhaïl Pogodine, qui s'est familiarisé avec l'intelligentsia ruthène locale et a exercé une influence sur elle. Toutefois, le mouvement n'a pas dominé la société ukrainienne occidentale avant les années 1850-60. De nombreux partisans du ruthénisme se désenchantent de l'Autriche et se lient à l'immense et puissant État russe. L'augmentation relative de la puissance de la Russie par rapport à celle de l'Autriche au cours du XIXe siècle a également joué un rôle dans ces sentiments. Les événements des années 1860 ont contribué à renforcer les sentiments pro-russes en Galicie. Traditionnellement, les Ruthènes locaux croyaient naïvement que l'empereur des Habsbourg était de leur côté et qu'il les défendrait contre la noblesse polonaise. À partir de la fin des années 1850, les tribunaux autrichiens se sont souvent rangés du côté des nobles (principalement polonais) dans les conflits fonciers avec les paysans, au cours desquels les forêts et les pâturages que les paysans utilisaient traditionnellement ont été considérés comme la propriété des nobles. Cette situation a entraîné d'importantes difficultés économiques pour les paysans. Pendant ce temps, le tsar russe avait émancipé les paysans de l'Ukraine sous domination russe. En 1863-1864, une insurrection de nobles polonais dans les régions comprenant l'Ukraine sous contrôle russe a été brutalement écrasée par le gouvernement tsariste qui, en punissant les rebelles polonais, a offert aux paysans ukrainiens des compensations relativement favorables. De nombreux Galiciens ont commencé à opposer le traitement brutal des nobles polonais par le tsar à l'apparente prise de position des Autrichiens en faveur des Polonais dans le conflit polono-ukrainien. Nombre d'entre eux en vinrent à penser que le sort des Ukrainiens s'améliorait davantage sous les tsars que sous les Autrichiens. Selon le témoignage d'un paysan austro-ukrainien, "s'il n'y a pas de justice à Vienne, nous la trouverons à la Moskal". À cette époque, le poète et érudit Yakiv Holovatsky, membre de la "Trinité ruthène", rejoint le mouvement russophile. Peu après, les prêtres russophiles du cercle de la cathédrale Saint-Georges en viennent à dominer la hiérarchie locale de l'Église catholique grecque, transformant ainsi cette Église en instrument de leur cause. Les russophiles s'emparent des institutions universitaires ruthènes (telles que l'Institut Stauropegion, avec sa presse à imprimer et sa vaste collection d'archives) et du vénérable journal ruthène Slovo ("La Parole") qui, sous leur direction, devient le journal le plus largement diffusé parmi les Ukrainiens de l'Ouest. En 1870, les russophiles ont formé une organisation politique, le Conseil ruthène (Ruska Rada), qui représentait la population de l'Ukraine occidentale. Des années 1860 aux années 1880, la vie politique, religieuse et culturelle de l'Ukraine occidentale est dominée par les russophiles. Cependant, en l'espace d'une génération, les russophiles ont été éclipsés par les ukrainophiles, ou "populistes" (Narodovtsi), qui ont dominé la vie de l'Ukraine occidentale. Issus à l'origine de la même couche sociale que les russophiles (prêtres et nobles), mais rejoints par l'intelligentsia laïque émergente, les ukrainophiles appartenaient à une génération plus jeune qui, contrairement à leurs pères, s'enthousiasmait pour Taras Chevtchenko plutôt que pour les tsars, et embrassait la paysannerie au lieu de la rejeter. Ce dévouement au peuple (l'approche " bottom-up ") allait s'avérer efficace face à l'orientation élitiste " top-down " des russophiles. En 1868, l'étudiant de Lviv Anatole Vakhnianyn organise et devient le premier chef de l'organisation Prosvita, dont le but est d'organiser des salles de lecture et des théâtres communautaires qui deviennent extrêmement populaires parmi les paysans. Afin d'aider les paysans appauvris, les activistes ukrainophiles mettent en place des coopératives qui achètent des fournitures en grandes quantités, éliminent les intermédiaires et font profiter les villageois des économies réalisées. Des coopératives de crédit ont été créées, offrant des prêts peu coûteux aux agriculteurs et éliminant la dépendance à l'égard des prêteurs non ukrainiens. Les russophiles ont tenté tardivement d'imiter ces stratégies, mais n'ont pas pu les rattraper. En 1914, Prosvita disposait de 3 000 salles de lecture, tandis que la version russophile, la Société Kachkovsky (fondée en 1874), n'en comptait que 300. Un deuxième facteur important du succès des ukrainophiles a été l'exil de l'Ukraine du Dniepr d'un grand nombre d'écrivains et d'érudits de l'Ukraine orientale, bien formés et talentueux, tels que l'écrivain Panteleimon Kulish, ancien professeur de l'université Saint-Vladimir de Kiev, l'économiste et philosophe Mykhailo Drahomanov, et surtout l'historien Mykhailo Hrushevsky, qui dirigeait un département nouvellement créé à l'université de Lviv. Nombre de ces personnalités se sont installées ou ont vécu pendant un certain temps à Lviv. En revanche, aucun intellectuel russe de premier plan n'est venu en Galicie pour aider la cause russophile locale. En outre, alors que des Ukrainophiles éduqués arrivent en Galicie en provenance de l'Empire russe, les Russophiles locaux de Galicie subissent une "fuite des cerveaux", car nombre d'entre eux quittent l'Ukraine occidentale pour occuper des postes en Russie. Les réformes de l'enseignement russe promues par Dmitri Tolstoï au XIXe siècle ont fait appel à de nombreux professeurs de lettres classiques galiciens et, au sein de l'intelligentsia locale, Ivan Franko a montré le potentiel littéraire de la langue vernaculaire ukrainienne. Les russophiles locaux, de moins en moins nombreux, ne pouvaient rivaliser avec le talent de ces personnalités culturelles et de ces érudits ukrainophiles. L'accord polono-ruthène de 1890, qui autorisait la culture et l'éducation ukrainiennes en Galicie, a peut-être entraîné une forte augmentation du nombre d'étudiants en ukrainien. Hrushevsky voyait la Galicie comme un refuge pour le mouvement national ukrainien et les Ruthènes galiciens comme les Ukrainiens du XXe siècle. L'accord de 1890 a joué un rôle crucial en aidant l'identité nationale ukrainienne à s'épanouir en Galicie plus précocement que dans les territoires de l'Empire russe où elle était réprimée. D'autres facteurs ont contribué à faire triompher l'ukrainophilie sur la russophilie en Galicie : la haute société galicienne, dominée par les Polonais, était profondément anti-russe en réaction à la répression russe des soulèvements polonais, de sorte que la gentry polonaise galicienne a donné un ton anti-russe à la société polie tout en restant favorable au mouvement ukrainophile. L'aide à la cause ukrainophile en provenance de l'Ukraine orientale a également pris la forme d'une assistance financière généreuse de la part de riches propriétaires terriens ukrainiens. En raison des restrictions imposées par le gouvernement tsariste dans l'est de l'Ukraine à l'encontre de l'imprimerie ukrainienne et de la langue ukrainienne, les familles d'officiers nobles ou cosaques de l'est de l'Ukraine qui ne s'étaient pas russifiées envoyaient de l'argent en Galicie afin d'y parrainer des activités culturelles ukrainophiles. Ces personnes, qui jouissent du statut de gentry, sont généralement beaucoup plus riches que les prêtres et les fils de prêtres qui dominent les mouvements locaux de Galicie. Le montant envoyé par ces particuliers de l'Ukraine sous domination russe à des causes ukrainophiles est probablement égal aux subventions envoyées par le gouvernement russe aux russophiles galiciens. Par exemple, Yelyzaveta Myloradovich, une noble de Poltava, fait don de 20 000 couronnes autrichiennes à la Société scientifique de Chevtchenko. Le gouvernement autrichien a également contribué de manière significative à la victoire des Ukrainophiles. Au départ, l'Autriche avait soutenu la russophilie pour faire contrepoids aux Polonais et aux Hongrois. À la fin du XIXe siècle, alors que l'Autriche-Hongrie et la Russie devenaient rivales, les autorités autrichiennes se sont alarmées des activités des russophiles. Pour conserver la loyauté de la population ukrainienne, les autorités autrichiennes ont fait des concessions aux causes ukrainiennes, notamment en développant le système éducatif ukrainien et, en 1893, en faisant de la version ukrainophile de la langue vernaculaire ukrainienne la langue d'enseignement. Ce faisant, elles excluent effectivement les russophiles du système éducatif. Au cours des années 1880, les Autrichiens ont jugé de nombreux russophiles pour trahison ou espionnage. Ces procès, largement médiatisés, ont permis de discréditer les russophiles auprès du peuple ukrainien, dont la plupart sont restés fidèles à l'empereur autrichien. L'un des procureurs était Kost Levitsky, qui devint par la suite un important homme politique ukrainien. Les Autrichiens ont également déporté un rédacteur du journal russophile Slovo et déposé le chef russophile de l'Église gréco-catholique, le métropolite Joseph Sembratovych. En 1899, le comte Andrey Sheptytsky devient le nouveau chef de l'Église gréco-catholique. Noble polonisé issu d'une vieille famille ukrainienne, il adopte la langue ukrainienne et une orientation ukrainophile. Bien que Sheptytsky n'intervienne pas dans les activités personnelles et les écrits des prêtres, il purge lentement la hiérarchie de l'Église des russophiles. Malgré les critiques de certains ukrainophiles pour la lenteur de ses changements, sous la direction de Sheptytsky, l'Église a progressivement cessé d'être un bastion du russophilisme pour devenir une Église résolument ukrainophile. Faute de soutien au sein de leur communauté et de la part du gouvernement autrichien, les russophiles restants se sont tournés vers l'extérieur pour obtenir de l'aide et sont devenus plus radicaux sur le plan politique. Ils fondent le Parti national russe, appellent à une identification totale avec la Russie et encouragent la conversion des Ukrainiens de l'Ouest à l'orthodoxie. Les russophiles dépendent désormais largement du financement du gouvernement russe et de sponsors privés russes (la Société de bienfaisance galico-russe est créée à Saint-Pétersbourg en 1908) et des aristocrates galiciens polonais ultraconservateurs. Les ultraconservateurs polonais s'étaient alarmés de la mobilisation sociale des paysans ukrainiens et cherchaient à utiliser le mouvement russophile pour diviser la communauté ukrainienne. L'aide des mécènes russes et polonais n'a pas réussi à empêcher le déclin des russophiles. Au début du XXe siècle, les russophiles sont devenus une minorité en Galicie. Au sein de l'Église, ils sont surnommés "bisons", selon les termes de l'érudit Himka, une "ancienne espèce hirsute en voie d'extinction". Sur dix-neuf périodiques ukrainiens publiés en Galicie en 1899, seize étaient d'orientation ukrainophile, deux seulement d'orientation russophile et un était neutre. Lors des élections de 1907 au parlement viennois, les ukrainophiles ont remporté 22 sièges contre cinq pour les russophiles. Mais les russophiles, en raison de l'ingérence polonaise, remportent les élections au parlement galicien la même année en obtenant 11 sièges, contre 10 pour les ukrainophiles. En 1913, 30 délégués ukrainophiles et un seul russophile sont envoyés à la diète galicienne. Le russophilisme présente certaines caractéristiques régionales : il est plus populaire dans l'extrême ouest de la Galicie orientale, en particulier dans la région de Lemko, centrée sur la ville de Przemyśl. Cette région, la plus proche du territoire ethnographique polonais, a peut-être été la plus réceptive à la différenciation radicale des Ukrainiens/Ruthéniens des Polonais que proposait la russophilie. Immédiatement avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, les gouvernements autrichien et hongrois ont organisé de nombreux procès pour trahison à l'encontre des personnes soupçonnées de subversion russophile. Lorsque les Autrichiens ont été chassés de Galicie en août 1914, ils se sont vengés sur les personnes soupçonnées de russophilie et sur leurs familles. Les russophiles ont été punis pour avoir prétendument cherché à séparer la Galicie, la Bucovine du Nord et certaines parties de la Hongrie du Nord de l'Autriche-Hongrie et à les rattacher à la Russie, pour avoir cherché des volontaires pour l'armée russe et pour avoir organisé un groupe paramilitaire pro-russe connu sous le nom de Russkie Druzhiny - un équivalent russophile des Sich Riflemen ukrainiens pro-autrichiens. Des centaines de russophiles présumés ont été fusillés et trente mille ont été envoyés au camp de concentration de Talerhof, où environ trois mille personnes sont mortes de froid. Le camp a été fermé par l'empereur Charles Ier d'Autriche, six mois après le début de son règne. L'administration russe de la Galicie a duré d'août 1914 à juin 1915. Le grand-duc Nicolas publie un manifeste proclamant que les habitants de la Galicie sont des frères qui ont "langui pendant des siècles sous un joug étranger" et les exhorte à "lever la bannière de la Russie unie". Pendant cette période, avec l'aide des russophiles locaux, l'administration russe, consciente que les ukrainophiles sont fidèles à l'Empire austro-hongrois et qu'ils ont organisé la légion ukrainienne de l'armée austro-hongroise, se livre à une dure persécution des dirigeants ukrainophiles et de leur idéologie. Les écoles ukrainiennes sont converties de force à l'enseignement en langue russe, les salles de lecture, les journaux, les coopératives et les caisses d'épargne sont fermés, et des centaines de dirigeants communautaires sont arrêtés et exilés, soupçonnés de collaboration. Le chef populaire de l'Église gréco-catholique ukrainienne, le métropolite Andrey Sheptytsky, est arrêté et exilé en Russie. Bien que Nicolas II ait publié un décret interdisant la conversion forcée de l'uniatisme à l'orthodoxie, sauf dans les cas où 75 % des paroissiens l'approuvent, l'objectif final était la liquidation de l'Église catholique ukrainienne. Outre son chef, des centaines de prêtres ont été exilés en Russie et remplacés par des prêtres orthodoxes, qui ont exhorté les paroissiens à se convertir à l'orthodoxie. Le comportement des autorités russes a été si brutal qu'il a été dénoncé comme un "scandale européen" à la Douma russe par l'homme d'État russe Pavel Milyukov. Les Russes ont été aidés dans leur répression de la culture ukrainienne par les russophiles locaux et par des personnalités polonaises anti-ukrainiennes telles que le professeur de Lviv Stanisław Grabski. Ces actions ont suscité la colère de la majorité de la population ukrainienne locale. Lorsque l'Autriche reprend la Galicie en juin 1915, la plupart des russophiles galiciens restants et leurs familles se retirent aux côtés de l'armée russe par crainte de représailles. Environ 25 000 d'entre eux ont été réinstallés près de Rostov-sur-le-Don. Parmi ceux qui ne sont pas partis, les Autrichiens arrêtent et condamnent à mort une trentaine de russophiles notoires, dont deux députés, Dmytro Markov et Volodymyr Kurylovich (leurs peines sont commuées en prison à vie et ils sont libérés en 1917), ainsi que Metodyj Trochanovskij. Kost Levitsky, éminent leader ukrainophile et futur président de la République nationale d'Ukraine occidentale [1918-1919], a comparu en tant que procureur lors des procès contre les russophiles. Lorsque la guerre civile a éclaté en Russie, certains russophiles galiciens ont combattu dans les rangs de l'Armée blanche, notamment sous les ordres de Lavr Kornilov, dans l'espoir que la Galicie fasse partie d'une Russie blanche démocratique. Après l'effondrement de l'Autriche-Hongrie, les Ukrainiens de Galicie proclament la République nationale d'Ukraine occidentale. Entre 70 et 75 000 hommes ont combattu dans son armée ukrainienne de Galicie. Ils perdent la guerre et le territoire est annexé par la Pologne. Cependant, l'expérience de la proclamation d'un État ukrainien et de la lutte pour cet État a considérablement intensifié et approfondi l'orientation ukrainienne en Galicie. Le mouvement russophile s'est à peine accroché pendant l'entre-deux-guerres, soutenu par le gouvernement polonais qui a financé et accordé aux russophiles certaines institutions comme l'Institut Stauropegion (qui a été rendu aux russophiles en 1922 après avoir été donné aux ukrainophiles en 1915) et qui a subventionné le mouvement afin d'essayer de diviser la société ukrainienne. Cela n'a guère d'effet au-delà des régions de Lemko, à l'extrême ouest, et depuis l'entre-deux-guerres, la Galicie est le centre du nationalisme ukrainien. La russophilie a disparu dans l'ouest de l'Ukraine pendant et après la période soviétique. La tradition russophile a persisté dans les parties de la Galicie situées à l'ouest du col de Dukla, ce qui a conduit à la formation de la République Lemko-Rusyn [1918-1919]. Metodyj Trochanovskij a continué à défendre l'identité nationale des Rusyn jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale. Karpatska Rus', un journal en langue rusyn publié aux États-Unis, a évité de suggérer que les Lemkos étaient une branche des Ukrainiens. Le conflit entre russophiles et ukrainophiles est resté dominant parmi les partis rusyn sous la première République tchécoslovaque. Les appels à la création d'une région autonome lemko en Pologne ont persisté au moins jusqu'en 1989, avec une orientation rusyn plutôt que russe.
  13. https://cepa.org/article/china-walks-perilous-ai-tightrope/ (27 mars 2024) La Chine dispose de certaines des réglementations les plus avancées et les plus strictes au monde en matière d'intelligence artificielle. Elle est également à l'origine de 40 % des dépôts de brevets en matière d'intelligence artificielle. Cette contradiction apparente a de l'influence et remet en question l'adage selon lequel "la réglementation étouffe l'innovation". Pourtant, les réglementations chinoises sont plus réactives que proactives. Prenons par exemple les règles révolutionnaires sur les algorithmes de recommandation. Elles ont été déclenchées par l'indignation du public à la suite d'un reportage sur le sort des livreurs de repas, dont les objectifs de livraison fixés par algorithme les poussaient à prendre des décisions risquées en matière de circulation. Lorsque le PDG de ByteDance a soutenu que son application d'actualités Toutiao était un fournisseur de contenu neutre n'ayant aucune responsabilité dans la promotion de certaines "valeurs", Pékin s'est rebiffé. Elle a pris des mesures disciplinaires brutales, a "contrôlé les algorithmes utilisés pour la diffusion de l'information" et a exigé des plateformes en ligne qu'elles promeuvent les "valeurs dominantes".
  14. 23 mars 2024 01:01:05 général François Lecointre : Je veux simplement dire que ce qui m'avait frappé, c'était de voir les gens dire avec, encore une fois, des préoccupations morales évidentes, « on est prêt à se faire tuer jusqu'au dernier ukrainien ». Et donc on ne combat pas par procuration. Et dans ces cas-là il vaut mieux ne rien dire, je pense. Mais bon c'est comme ça hein. Et donc il me semble que cette prise de conscience devrait nous permettre de mesurer la gravité des choses et d'éviter ce type de proclamations morales qui ne qui ne servent à rien. Est-ce que je suis prêt à aller au le combat ? Est-ce que je ne suis pas prêt à y aller ? Est-ce que je considère qu'il faut que je me fasse tuer ou que mes compatriotes se fassent tuer ou est-ce que je considère qu'il ne faut pas qu'ils y aillent et à ce moment-là on part sur des bases saines de discussion, et on argumente en disant les raisons pour lesquelles il faut ou il ne faut pas se faire tuer. Mais dire : faisons-nous tuer, la main sur le cœur, jusqu'au dernier des Ukrainiens : il a une forme d'hypocrisie qui me paraît ahurissante, voilà ! et que encore une fois, c'est pas tellement, c'est pas les politiques que j'ai entendus faire des déclarations de ce type là, c'est les commentateurs de tous ordres, voilà. Donc ça m'a dérangé.
  15. https://nationalinterest.org/blog/jacob-heilbrunn/why-joe-lieberman-was-true-neoconservative-210279 (28 mars 2024) Joe Lieberman, qui est décédé mercredi à l'âge de 82 ans, était à bien des égards un néoconservateur classique. Lieberman avait fait pression pour la levée de l'embargo sur les armes à destination de la Bosnie, en coparrainant avec le sénateur Bob Dole des mesures visant à aider le pays, notamment la loi de 1995 sur l'autodéfense de la Bosnie et de l'Herzégovine. L'adoption de cette loi a joué un rôle clé en incitant l'administration Clinton à modifier sa politique de non-intervention, qui avait été promue à l'origine par le secrétaire d'État Warren Christopher et le conseiller à la sécurité nationale Tony Lake au début de l'administration. Lieberman était également un fervent partisan de la deuxième guerre d'Irak, qu'un certain nombre de faucons libéraux exaltés, tout juste sortis de leurs triomphes dans les Balkans, considéraient comme la prochaine campagne contre la tyrannie et l'agression à l'étranger. Lieberman n'a jamais hésité sur la guerre - en 2007, il a voté avec les républicains pour s'opposer au retrait des troupes américaines de ce conflit désastreux. Son soutien indéfectible à la politique de l'administration Bush lui a valu d'être mal perçu par les démocrates du Connecticut, et il s'est présenté avec succès au Sénat en tant qu'indépendant en 2006. Il s'est ensuite fait le champion de la candidature de John McCain à la présidence en 2008, un revirement révolutionnaire par rapport à sa propre candidature en 2000 en tant que colistier d'Al Gore à la présidence. John McCain a envisagé de choisir Lieberman comme colistier avant d'opter pour Sarah Palin, la gouverneure de l'Alaska.
  16. Wallaby

    Boeing

    https://www.thefp.com/p/boeings-dead-whistleblower-spoke-the-truth (27 mars 2024) En 2019, M. Barnett a déclaré à un journaliste du Corporate Crime Reporter que ses supérieurs "ont commencé à faire pression sur nous pour que nous ne documentions pas les défauts, que nous travaillions en dehors des procédures, que nous permettions que du matériel défectueux soit installé sans être corrigé. . . . Ils voulaient juste pousser les avions vers la sortie et faire sonner la caisse enregistreuse." Après avoir quitté l'entreprise - poussé vers la sortie, selon ses dires - il a intenté le procès de lancement d'alerte qui a abouti à cette déposition à la mi-mars. Et chaque fois qu'un accident de Boeing se produisait, il était également le lanceur d'alerte des médias, tandis que les journalistes se bousculaient pour l'interviewer. "Je n'ai pas encore vu d'avion en provenance de Charleston sur lequel je mettrais mon nom pour dire qu'il est sûr et en état de vol", a-t-il déclaré au New York Times en 2019. Ce qui est particulièrement douloureux dans la déchéance de Boeing, c'est qu'il s'agissait autrefois de l'étalon-or de l'industrie manufacturière américaine. La construction d'un avion nécessite de grands ingénieurs, et c'est ce dont Boeing disposait. C'était une entreprise fièrement dirigée par des ingénieurs, pour des ingénieurs, et elle ne s'en excusait pas. Il n'était pas nécessaire d'insister auprès des employés sur l'importance de la sécurité, car cela faisait partie de la mentalité des ingénieurs. C'est alors qu'est intervenue l'une des décisions les plus stupides de l'histoire des entreprises américaines. En mai 2001, Phil Condit, PDG de Boeing, et Harry Stonecipher, président de la société, ont décidé de transférer le siège social de l'entreprise à Chicago, à 1 700 miles de ses usines d'assemblage de la région de Seattle. Stonecipher a été remplacé par James McNerney, un ancien cadre de General Electric, la société qui, sous la direction de Jack Welch, avait mené la quête erronée de placer la richesse des actionnaires au-dessus de toutes les autres valeurs de l'entreprise. Au moins Condit et Stonecipher, qui a rejoint Boeing après une fusion avec McDonnell Douglas, avaient une expérience dans le domaine de l'aviation ; McNerney n'en avait aucune. Puis sont survenus les deux crashs du 737 MAX. Après chaque crash, Boeing s'est excusé abondamment, mais a également insisté sur le fait que, comme l'a déclaré le PDG de l'époque, Dennis Muilenburg, au Congrès, "la sécurité est dans notre ADN". Mais tout le monde a pu constater que ce n'était pas le cas.
  17. Wallaby

    Boeing

    Il faudrait songer à mettre des cours de grammaire à Polytechnique Bruxelles : Quand un problème de sécurité est rapporté, son auteur n’est pas tenu au courant de la suite qui lui est apportée. Cette phrase veut dire, littéralement, que l'auteur du problème, l'ouvrier qui n'a pas serré le boulon comme il faut, n'est pas tenu au courant. Je pense que le polytechnicien voulait dire que l'auteur du rapport n'est pas tenu au courant... Donc cela ne motive pas les gens à écrire des rapports, cela ne les incite pas à penser qu'écrire des rapports peut être utile. La phrase aurait donc dû être : Quand un rapport est écrit sur un problème de sécurité, son auteur n'est pas tenu au courant de la suite qui lui est apportée. Donc accessoirement, il y a un problème de qualité au journal Le Monde.
  18. https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/29/la-cour-internationale-de-justice-ordonne-a-israel-d-empecher-la-famine-qui-s-installe-a-gaza_6224742_3210.html Les juges ordonnent donc de nouveau à Israël « de garantir, sans délai et en coopération avec l’ONU, la fourniture aux Palestiniens de Gaza des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence », notamment eau, nourriture et électricité. A cet effet, écrivent les juges, Israël doit augmenter d’urgence « la capacité et le nombre de point de passage terrestres et les maintenir ouverts aussi longtemps que nécessaire ».
  19. Ils sont au courant, au Quai d'Orsay, qu'Emmanuel Macron a proposé un cessez-le-feu pour les jeux Olympiques ?
  20. Sans nier le fait qu'une majorité de citoyens d'Ukraine se désignent eux-mêmes comme Ukrainiens, il a existé une minorité russe en Ukraine : https://en.wikipedia.org/wiki/Russians_in_Ukraine Lors du recensement ukrainien de 2001, 8 334 100 personnes se sont identifiées comme des Russes ethniques (17,3 % de la population de l'Ukraine).
  21. https://www.lepoint.fr/societe/itineraire-de-deux-journalistes-condamnees-pour-avoir-aide-des-djihadistes-26-03-2024-2556035_23.php Itinéraire de deux journalistes, condamnées pour avoir aidé des djihadistes Édith Bouvier et Céline Martelet ont été condamnées vendredi pour avoir envoyé de l’argent à des djihadistes en Irak. Embarras dans la profession. La toile de fond du dossier est la fin de la bataille de Mossoul, en Irak, en 2017. Des Français partis se battre du côté de l'organisation État islamique se retrouvent coincés dans les dernières poches de résistance du califat, assaillies par les troupes régulières irakiennes. Me Vinay tente d'exfiltrer Maximilien Thibaut, un converti, membre du groupe nantais islamiste Forsane Alizza, ainsi que son épouse Mélina Boughedir et leurs quatre enfants. Mélina Boughedir a été condamnée à 20 ans de réclusion. Ce n'était pas une jeune fille égarée et encore moins une pure idéaliste. Selon l'Associated Press américaine, citant des sources irakiennes, Mélina Boughedir faisait partie de la police des mœurs des islamistes, chargée de veiller à ce que pas une mèche de cheveux ne dépasse.
  22. Pour George Washington non plus :
  23. Donc ce qu'il dit ensuite sur Trump quittant brutalement l'OTAN n'est pas du tout cohérent, puisqu'on ne voit pas comment Trump profiterait politiquement d'une sortie brutale de l'OTAN, alors qu'il a tout à gagner de poser comme l'homme qui a "forcé l'Allemagne à dépenser 2% du PIB en défense", qui a négocié un "meilleur deal" pour les USA.
  24. https://www.newyorker.com/magazine/2024/04/01/what-have-fourteen-years-of-conservative-rule-done-to-britain Certains ont insisté sur le fait que les quinze dernières années de la politique britannique ne pouvaient être expliquées de manière satisfaisante. La seule façon de l'envisager est de les considérer comme un psychodrame mis en scène, pour l'essentiel, par un petit groupe d'hommes d'âge moyen qui ont fréquenté des écoles privées d'élite, étudié à l'université d'Oxford et qui, depuis lors, grimpent et se jettent les uns les autres de l'échelle de la vie publique britannique - le cursus honorum, comme Johnson l'a un jour appelé - depuis lors. Le parti conservateur, dont l'histoire remonte à quelque trois cent cinquante ans, contribue à cette théorie en n'ayant rien d'aussi vulgaire qu'une idéologie. "Ils n'ont pas pour mission de faire X, Y ou Z", a expliqué un ancien haut conseiller. "Vous gagnez et vous gouvernez parce que vous êtes les meilleurs, n'est-ce pas ?" Dans "Heroic Failure", le journaliste irlandais Fintan O'Toole explique le Brexit en décrivant la chute de la Grande-Bretagne de nation impériale à "colonie occupée" de l'UE, avec la montée d'un puissant nationalisme anglais qui en a résulté. L'année dernière, Abby Innes, chercheuse à la London School of Economics, a publié "Late Soviet Britain : Why Materialist Utopias Fail", qui affirme que, depuis Thatcher, le courant politique dominant en Grande-Bretagne est devenu aussi attaché que l'URSS de Brejnev à des idées particulières sur la gestion de l'État - un engagement par défaut en faveur de la concurrence, des marchés et de certaines formes de privatisation. "Le régime qui en a résulté", écrit Innes, "s'est avéré tout sauf stable". Le Royaume-Uni ne s'est toujours pas remis de la crise financière qui a débuté en 2008. Selon une estimation, la situation du travailleur moyen est aujourd'hui inférieure de 14 000 livres par an à ce qu'elle aurait été si les salaires avaient continué à augmenter au même rythme qu'avant la crise - il s'agit de la pire période de croissance des salaires depuis les guerres napoléoniennes. Les taux élevés d'emploi et d'immigration, associés au dynamisme durable de Londres, masquent une réalité nationale faite de bas salaires, d'emplois précaires et de sous-investissement chronique. Les trains sont en retard. La circulation automobile est mauvaise. Le marché du logement est une farce. "Partout, hommes et femmes passent de plus en plus de temps en mauvaise santé", écrit-il. "C'est choquant". Selon [l'épidémiologiste Michael] Marmot, les performances du Royaume-Uni en matière de santé depuis 2010, notamment la hausse de la mortalité infantile, le ralentissement de la croissance des enfants et le retour du rachitisme, font de ce pays une exception parmi les nations européennes comparables. "Les dommages causés à la santé de la nation n'auraient pas dû se produire", a conclu M. Marmot en 2020. "Ce fut un choix politique", m'a-t-il dit. Comme le choix du mot lui-même, l'austérité fut politiquement calculée. D'énormes secteurs de dépenses publiques - le N.H.S. et l'éducation - ont été nominalement maintenus. Les pensions et l'aide internationale sont devenues plus généreuses, pour montrer que la compassion britannique n'était pas morte. Mais protéger certaines parties de l'État signifiait sacrifier le reste : les tribunaux, les prisons, les budgets de la police, les départements de la faune et de la flore, les bus ruraux, les soins aux personnes âgées, les programmes pour la jeunesse, l'entretien des routes, la santé publique, le corps diplomatique. Entre 2010 et 2018, le financement des forces de police en Angleterre a diminué d'un quart. Les agents ont cessé d'enquêter sur les cambriolages. Seuls 4 % d'entre eux donnent lieu à des poursuites judiciaires. En 2021, le délai médian entre une infraction de viol et l'achèvement d'un procès a atteint plus de deux ans et demi. À l'automne dernier, des centaines de bâtiments scolaires ont dû être fermés pour effectuer des réparations d'urgence, car le budget national consacré à la construction d'écoles a été réduit de 46 % entre 2009 et 2022. Entre 2010 et 2020, le financement des autorités locales par le gouvernement central a chuté de 40 %. À un moment donné, il a semblé que seize des dix-huit bibliothèques de Newcastle allaient fermer. Le budget des parcs de la ville a été réduit de 91 %. La situation a imposé des réformes créatives : La bibliothèque municipale de Newcastle accueille désormais le bureau de conseil aux citoyens, où les habitants peuvent demander des allocations et d'autres formes d'aide financière. (La bibliothèque figure dans "I, Daniel Blake", le film anti-austérité de Ken Loach de 2016). En 2019, Thiemo Fetzer, économiste à l'université de Warwick, a publié un article intitulé "L'austérité a-t-elle provoqué le Brexit ?". M. Fetzer a constaté qu'à partir de 2010, les régions du pays les plus touchées par les réductions des aides sociales étaient plus susceptibles de soutenir le Parti de l'indépendance du Royaume-Uni de Nigel Farage, qui faisait campagne contre l'immigration et l'UE. En 2017, une limite de "deux enfants" a été imposée aux allocations versées aux familles pauvres. En novembre 2018, Philip Alston, rapporteur spécial des Nations unies sur l'extrême pauvreté, a effectué une tournée au Royaume-Uni. Lors de notre entretien, il a évoqué un fort sentiment de déni, ou d'ignorance, parmi les responsables politiques britanniques quant aux conséquences de leurs décisions. "Il y avait un décalage entre le monde et ce que les ministres de haut rang voulaient croire", a-t-il déclaré. Une partie du problème, a expliqué M. Willetts, réside dans le fait que les vingt pour cent les plus riches de Grande-Bretagne ont été largement épargnés par les effets des quatorze dernières années et qu'il leur est donc réellement difficile de comprendre les dégâts. "Nous sommes tous d'accord", a-t-il déclaré. "Le fardeau de l'ajustement a été presque entièrement supporté par la moitié la moins riche de la population britannique. (Les prescriptions d'antidépresseurs par le N.H.S. en Angleterre ont presque doublé entre 2011 et 2023). Danny Dorling, professeur de géographie à l'université d'Oxford, a publié dans le British Medical Journal un article montrant que les électeurs du Leave ne se définissaient pas de manière précise en fonction de la géographie ou des revenus. Cinquante-neuf pour cent d'entre eux s'identifient à la classe moyenne et la plupart vivent dans le Sud. Il a remarqué que les endroits qui avaient voté Remain avaient invariablement de meilleures connexions ferroviaires que ceux qui avaient voté Leave. Beaucoup de partisans du Brexit étaient plus âgés et en bonne santé économique, mais ils avaient l'impression que le pays était en train de dégringoler. "Quelque chose était en train de s'effondrer", a déclaré M. Dorling. "Ils avaient acheté une maison dans leur vingtaine. Ils avaient connu le plein emploi. Leurs enfants avaient une quarantaine d'années et ils étaient peut-être locataires. . . . C'était un vote presque entièrement désintéressé de la part des personnes âgées pour leurs petits-enfants - essayons, ou montrons au moins que nous sommes en colère". "Il y a une sorte de problème pour l'État britannique, y compris le Labour ainsi que tous ces gouvernements Tory depuis 2016, qui est qu'ils doivent vivre dans le mensonge" [en prétendant que le Brexit est viable], comme l'a déclaré Osborne, qui a voté Remain. "C'est un peu comme les chiffres de production de tracteurs en Union soviétique. Vous devez en quelque sorte prétendre que cette chose fonctionne, alors que tout le monde dans le système sait que ce n'est pas le cas." Pour un pays très centralisé, plus petit que le Wyoming, le Royaume-Uni est déséquilibré au point de dépasser l'entendement. Les inégalités régionales y sont plus importantes que celles qui existent entre l'est et l'ouest de l'Allemagne, ou entre le nord et le sud de l'Italie, inégalités que les gouvernements successifs ont laissé se creuser jusqu'à des extrêmes honteux. En moyenne, les habitants de Nottingham gagnent environ un quart de ce que gagnent les habitants de Kensington et Chelsea, dans l'ouest de Londres, à quelque deux heures de train. Pendant la campagne du Brexit, l'UE en est venue à représenter non seulement un monolithe supranational de l'autre côté de la Manche, mais aussi de profondes distances au sein même du Royaume-Uni. Et les hommes politiques qui ont défendu l'UE avaient l'air, pour la plupart, de passer plus de temps en Toscane chaque été qu'ils n'en avaient passé à Teesside dans leur vie. "Le mondialisme, l'internationalisme, le point de vue de l'élite libérale ont été saisis par des gens qui pensaient qu'on leur avait parlé avec condescendance pendant des décennies", m'a dit John Hayes, député conservateur et partisan de la sortie de l'UE. "Je n'ai pas souvenir d'une autre occasion où un parti ait changé aussi radicalement de direction alors qu'il était au pouvoir", a déclaré M. Willetts. Thatcher a été l'architecte du marché unique de l'Union européenne, qui est devenu une hérésie avec le temps. L'aura de permanence de la reine a été renforcée par l'irresponsabilité à l'œuvre dans d'autres secteurs de la vie publique britannique. Sa survie a permis de contenir le sentiment de crise. La Reine est décédée le deuxième jour de mandat de Liz Truss.
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