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Wallaby

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Tout ce qui a été posté par Wallaby

  1. J'hésite à parler d'Adolf Hitler parce que c'est un marronnier sur les forums et que c'est le point Godwin, mais interrogeons nous de savoir si cela aurait pu ne serait-ce que lui effleurer l'esprit de confier des enfants juifs à des familles non-juives.
  2. À nuancer par le fait qu'il existe une population ethniquement russe en Ukraine. D'autre part, a contrario, laisser dans des situation de danger dans des zones de combat des enfants du pays qu'on est en train de conquérir, en ne mettant à l'abri que ceux qui ont l'ethnicité russe, ce serait soupçonnable... eh bien... de génocide. Au contraire, ne pas faire de différence entre les enfants de sa propre ethnicité et ceux ayant une autre ethnicité, c'est le B-A=BA de l'antiracisme. Quant à l'assimilation de force, on peut en déceler certains éléments dans les politiques hostiles à la langue et à la culture russes des gouvernements ukrainiens successifs, suivant l'analyse de Nikolai Petro : Nous avons assisté à la fermeture de toutes les écoles alternatives, et l'élimination systématique d'un bout à l'autre de l'Ukraine de l'Est et du Sud, d'écoles offrant des cours de/en russe à la demande des étudiants et des parents. L'interdiction des cours de/en russe, même organisés sur la base du volontariat, est de toute évidence motivée politiquement.
  3. Malade, LLoyd Austin s'est fait opérer en catimini le 1er janvier et remplacer par Kathleen Hicks sans avertir Biden, ni a fortiori la presse. https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/07/le-ministre-de-la-defense-americain-dans-l-embarras-apres-avoir-garde-sous-silence-son-hospitalisation_6209507_3210.html https://edition.cnn.com/2024/01/07/politics/austin-hospitalization-leaders-not-informed/index.html https://eu.usatoday.com/story/opinion/columnist/2024/01/08/defense-secretary-lloyd-austin-hospitalized-biden-national-security/72147987007/
  4. Chapitre 1 - La stabilité russe La solidité de la Russie a été l’une des grandes surprises de la guerre. Elle n’aurait pas dû l’être ; il était facile de la prévoir et il sera facile de l’expliquer. Pour montrer l’énormité d’une erreur de perception qui s’est étalée sur toutes les années Poutine, partons du titre d’une chronique parue dans Le Monde le 2 mars 2022, signée de Sylvie Kauffmann, éditorialiste du journal : « Le bilan de Poutine à la tête de la Russie est une longue descente aux enfers d’un pays dont il a fait un agresseur. » Voilà comment le grand journal de référence français décrivait une période qui, après l’effondrement des années 1990, fut précisément celle de la sortie des enfers. Il ne s’agit pas ici de dénoncer, de s’indigner, d’accuser de mauvaise foi – les personnes qui pensent ainsi sont sincères –, mais de comprendre comment de telles absurdités ont pu être écrites alors qu’il était si facile de voir que la Russie allait beaucoup mieux. Entre 2000 et 2017, phase centrale de la stabilisation poutinienne, le taux de décès par alcoolisme est tombé en Russie de 25,6 pour 100 000 habitants à 8,4, le taux de suicide de 39,1 à 13,8, le taux d’homicide de 28,2 à 6,2. Cela signifie, en chiffres bruts, que les décès par alcoolisme sont passés de 37 214 par an à 12 276, les suicides de 56 934 à 20 278 et les homicides de 41 090 à 9 048. Et c’est un pays qui a vécu cette évolution qu’on nous déclare pris dans « une longue descente aux enfers ». Comme nous l’apprend David Teurtrie dans son ouvrage de 2021, la Russie a réussi, en l’espace de quelques années, non seulement à atteindre l’autosuffisance alimentaire, mais à devenir l’un des plus importants exportateurs de produits agricoles au monde. Un splendide pied de nez à l’époque soviétique qui fut, comme on sait, marquée par l’échec de l’agriculture. En 2012, la Russie produisait 37 millions de tonnes de blé, en 2022 80 millions. En 1980, au moment de l’arrivée au pouvoir de Reagan, la production de blé américaine s’élevait à 65 millions de tonnes. En 2022, elle n’était plus que de 47 millions. Premier exportateur de centrales nucléaires. « Concurrence véritable entre les Gafa et leurs équivalents locaux » (Teurtrie) En avril 2015 était lancé le Système national des cartes de paiement (NSPK), « qui garantit le fonctionnement des cartes délivrées par des banques russes sur le territoire national même en cas de sanctions occidentales » (Teurtrie) Les sanctions occidentales de 2014, si elles ont causé quelques difficultés à l’économie russe, ont aussi été pour elle une chance : elles l’ont obligée à trouver des substituts à ses importations et à se redéployer en interne. Dans un article d’avril 2023, l’économiste américain James Galbraith a estimé que les sanctions de 2022 ont eu le même effet. Shlapentokh (1926-2015) était né soviétique, et juif, à Kiev. Il fut l’un des fondateurs de la sociologie empirique en langue russe à l’époque brejnévienne. Son Freedom, Repression, and Private Property in Russia a été publié en 2013 aux Cambridge University Press. Quand on l’a lu, il devient facile de définir le régime de Poutine, non comme l’exercice du pouvoir d’un monstre extraterrestre subjuguant un peuple passif et demeuré, mais comme un phénomène compréhensible, qui s’inscrit dans la continuité d’une histoire générale de la Russie. Bien entendu, la Russie n’est pas devenue une démocratie libérale. Le régime de Poutine est surtout remarquable par quelques traits qui, à eux seuls, signent une rupture radicale avec l’autoritarisme de type soviétique. D’abord, comme l’a rappelé James Galbraith, un attachement viscéral à l’économie de marché. Attachement indéfectible de Poutine à la liberté de circulation. Avec lui, les Russes ont le droit de sortir de Russie et ils le conservent en temps de guerre. Où l’on retrouve l’une des caractéristiques de la démocratie libérale : une liberté totale de sortie. Absence complète d’antisémitisme. Ce qui distingue fondamentalement l’économie russe de l’économie américaine, c’est, parmi les personnes qui font des études supérieures, la proportion bien plus importante de celles qui choisissent de suivre des études d’ingénieur : vers 2020, 23,4 % contre 7,2 % aux États-Unis [Japon 18,5 %, Allemagne 24,2 %, France 14,1 %]. Malgré la disproportion des populations, la Russie parvient à former nettement plus d’ingénieurs que les États-Unis. Je suis conscient du caractère partiel de ce calcul, qui ne tient pas compte du fait que les États-Unis importent des ingénieurs. La disparition de notre aptitude à concevoir la diversité du monde nous interdit une vision réaliste de la Russie. Il était évident que la Russie post-communiste allait conserver des traits communautaires malgré l’adoption de l’économie de marché ; l’acceptation, à des degrés divers, dans toutes les classes de la société – plus forte dans les milieux populaires, plus mitigée dans les classes moyennes –, d’une certaine forme d’autoritarisme et d’aspiration à l’homogénéité sociale. Il subsiste en Russie suffisamment de valeurs communautaires – autoritaires et égalitaires – pour qu’y survive l’idéal d’une nation compacte et que réapparaisse une forme particulière de patriotisme. Shlapentokh soulignait, quant à lui, que jamais les conditions de vie en Russie n’avaient été aussi bonnes, liberté comprise, que sous Poutine. L’arrestation de Mikhaïl Khodorkovski en octobre 2003 fut l’occasion pour l’État et les oligarques de mettre les choses au point. Poutine leur laissa leur argent, et seulement leur argent. En vérité le mot « oligarque », qui inclut la notion de pouvoir (arkhè), ne décrit plus correctement la réalité russe. Il est amusant de constater que la chasse aux « oligarques » russes lancée en Occident depuis le début de l’invasion de l’Ukraine a généralisé outre-Atlantique la notion d’une Amérique vraiment oligarchique. Ses oligarques à elle peuvent, contrairement à leurs confrères russes, intervenir, et massivement on le verra, dans le système politique américain. Mais la Russie a une faiblesse fondamentale, qui est sa basse fécondité, trait qu’elle partage à vrai dire avec l’ensemble du monde le plus développé. La Russie est entrée dans une phase de contraction de sa population masculine potentiellement mobilisable. C’est la raison pour laquelle évoquer une Russie conquérante, capable d’envahir l’Europe après qu’elle aura abattu l’Ukraine, relève du fantasme ou de la propagande. La vérité est que la Russie, avec une population décroissante et une superficie de 17 millions de kilomètres carrés, loin de vouloir conquérir de nouveaux territoires, se demande surtout comment elle va continuer d’occuper ceux qu’elle possède déjà. L’armée russe a choisi de faire une guerre lente pour économiser les hommes. Les dirigeants russes sont lucides ; et préserver la souveraineté de leur pays est pour eux une exigence morale. Essayons de nous mettre à leur place. Ils savent que leur population va décliner. Qu’en déduisent-ils ? Non pas, comme le pensaient les Américains, que ce serait une folie d’attaquer, mais que, ce déclin ne devenant dangereux qu’à moyen et long terme, il faut agir au plus vite, parce que plus tard, il sera trop tard. Mais nous savons aussi que les Russes n’ont pas l’éternité devant eux, et qu’ils devront obtenir, en cinq ans, une victoire définitive. Il leur faut donc abattre l’Ukraine et vaincre l’OTAN dans un délai limité, sans jamais leur permettre de gagner du temps, par des négociations, des trêves ou, pire, par un gel du conflit. Washington ne doit plus se faire d’illusions : c’est la victoire que veut Moscou, rien de moins.
  5. Grosse hésitation quant à savoir si je dois poster ceci ici ou dans le fil "USA" : https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782073041135-la-defaite-de-l-occident-emmanuel-todd/ Emmanuel Todd - La Défaite de l'Occident - Gallimard 11 janvier 2024 - cliquer sur "extrait gratuit" Introduction - Les dix surprises de la guerre Le 24 février 2022, Vladimir Poutine apparut sur les écrans de télévision du monde entier. Il annonça l’entrée des troupes russes en Ukraine. Si rien n’obligeait à céder, il [le discours d'entrée en guerre de Poutine] aurait tout de même mérité d’être discuté. Or, s’est immédiatement imposée la vision d’un Poutine incompréhensible et de Russes soit incompréhensibles, soit soumis, soit idiots. S’ensuivit une absence de débat qui a déshonoré la démocratie occidentale : totale dans deux pays, la France et le Royaume-Uni, relative en Allemagne et aux États-Unis. Troisième surprise : la résistance militaire de l’Ukraine. Tout le monde s’attendait à ce qu’elle soit rapidement écrasée. S’étant forgé l’image enfantine et exagérée d’un Poutine démoniaque, beaucoup d’Occidentaux refusèrent de voir que la Russie n’avait envoyé que 100 000 à 120 000 hommes en Ukraine, pays de 603 700 km2. À titre de comparaison, en 1968, pour envahir la Tchécoslovaquie, pays de 127 900 km2, l’URSS et ses satellites du pacte de Varsovie en avaient envoyé 500 000. La quatrième surprise a été la résistance économique de la Russie. On nous avait annoncé que les sanctions, en particulier l’exclusion des banques russes du système d’échanges interbancaires Swift, allaient mettre le pays à genoux. Mais si quelques esprits curieux, dans notre personnel politique et journalistique, avaient pris le temps de lire l’ouvrage de David Teurtrie, Russie, le retour de la puissance, publié quelques mois avant la guerre, cette foi ridicule en notre toute-puissance financière nous eût été épargnée. On découvre dans ce livre une Russie moderne et, bien éloignée de l’autocratie néostalinienne rigide que la presse nous dépeint jour après jour, capable d’une grande flexibilité technique, économique et sociale – bref, un adversaire à prendre au sérieux. Cinquième surprise : l’effondrement de toute volonté européenne. L’Union européenne a très vite abandonné toute velléité de défendre ses propres intérêts. L’Allemagne a accepté sans broncher le sabotage des gazoducs Nord Stream. Nous avons aussi vu la France d’Emmanuel Macron se vaporiser sur la scène internationale, tandis que la Pologne devenait l’agent principal de Washington dans l’Union européenne, succédant dans ce rôle au Royaume-Uni devenu extérieur à l’Union par la grâce du Brexit. Sur le continent, globalement, à l’axe Paris-Berlin s’est substitué un axe Londres-Varsovie-Kiev piloté de Washington. Cette évanescence de l’Europe en tant qu’acteur géopolitique autonome a de quoi laisser perplexe si l’on se souvient que, il y a à peine vingt ans, l’opposition conjointe de l’Allemagne et de la France à la guerre d’Irak... Huitième surprise : l’industrie militaire américaine est déficiente. Neuvième surprise, la solitude idéologique de l’Occident et l’ignorance où il était de son propre isolement. Historiquement, l’Iran avait deux ennemis : l’Angleterre, remplacée par les États-Unis après la chute de l’Empire britannique, et… la Russie. Ce revirement aurait dû alerter sur l’ampleur du bouleversement géopolitique en cours. Après un an et demi de guerre, c’est l’ensemble du monde musulman qui semble considérer la Russie comme un partenaire. La dixième et dernière surprise est en train de se matérialiser. C’est la défaite de l’Occident. Les performances militaires de l’Ukraine ont, paradoxalement, entraîné les États-Unis dans un piège. Dans ce livre, je proposerai une interprétation pour ainsi dire post-euclidienne [au sens de prendre la liberté d'innover en sortant des axiomes classiques] de la géopolitique mondiale. Elle ne prendra pas pour acquis l’axiome d’un monde d’États-nations. Utilisant au contraire l’hypothèse de leur disparition en Occident, elle rendra compréhensible le comportement des Occidentaux. Le développement tardif, heurté, tragique des classes moyennes urbaines en Europe orientale est un facteur explicatif central de son histoire jusqu’à la guerre d’Ukraine. Nous verrons aussi comment la destruction des classes moyennes a contribué à la désintégration de l’État-nation américain. L’idée d’un État-nation ne pouvant fonctionner que grâce à des classes moyennes fortes qui irriguent et nourrissent l’État rappelle fortement la Cité équilibrée d’Aristote. Voici comment celui-ci parle des classes moyennes dans sa Politique : Mais le législateur doit toujours dans sa constitution faire une place à la classe moyenne : s’il établit ses lois oligarchiques, il ne perdra pas de vue la classe moyenne ; si ses lois sont démocratiques, il doit se la concilier par ses lois. Partout où la classe moyenne l’emporte numériquement sur les deux extrêmes ensemble ou sur l’un des deux seul, on peut avoir là un gouvernement stable. Ce qui est curieux, c’est la prétention des élites européennes à faire coexister le dépassement de la nation et sa persistance. Dans le cas des États-Unis, aucun dépassement de la nation n’est officiellement projeté. Pourtant, on le verra, le système américain, même s’il a réussi à soumettre l’Europe, souffre spontanément du même mal qu’elle : la disparition d’une culture nationale partagée par la masse et les classes dirigeantes. L’implosion, par étapes, de la culture WASP – blanche, anglo-saxonne et protestante – depuis les années 1960 a créé un empire privé de centre et de projet, un organisme essentiellement militaire dirigé par un groupe sans culture (au sens anthropologique) qui n’a plus comme valeurs fondamentales que la puissance et la violence. Ce groupe est généralement désigné par l’expression « néocons ». Il est assez étroit mais se meut dans une classe supérieure atomisée, anomique, et il a une grande capacité de nuisance géopolitique et historique. M’y étant essayé dans Après l’empire, je notais que Rome, en se rendant maîtresse de l’ensemble du bassin méditerranéen et en y improvisant une sorte de première globalisation, avait, elle aussi, liquidé sa classe moyenne. L’afflux massif en Italie de blé, de produits manufacturés et d’esclaves y avait détruit la paysannerie et l’artisanat, d’une manière qui n’est pas sans rappeler celle dont la classe ouvrière américaine a succombé à l’afflux de produits chinois. Dans les deux cas, en forçant un peu le trait, on peut dire qu’a émergé une société polarisée entre une plèbe économiquement inutile et une ploutocratie prédatrice. Enfin, différence fondamentale : le Bas-Empire a vu l’établissement du christianisme. Le protestantisme, qui, pour une bonne part, avait fait la force économique de l’Occident, est mort. Pour revenir à notre tentative de classification, je serais tenté de parler, concernant les États-Unis et leurs dépendances, d’État post-impérial : si l’Amérique conserve la machinerie militaire de l’empire, elle n’a plus en son cœur une culture porteuse d’intelligence et c’est pourquoi elle se livre en pratique à des actions irréfléchies et contradictoires telles qu’une expansion diplomatique et militaire accentuée dans une phase de contraction massive de sa base industrielle – sachant que « guerre moderne sans industrie » est un oxymore. À un processus d’expansion géographique centrifuge se combinant à une désintégration du cœur originel du système. La hausse de la mortalité américaine, spécifiquement dans les États de l’intérieur républicain ou trumpiste, au moment même où des centaines de milliards de dollars courent vers Kiev, est caractéristique de ce processus. Le paradoxe de ce livre est que, partant d’une action militaire de la Russie, il nous amènera à la crise de l’Occident. Nous trouverons, au Royaume-Uni et aux États-Unis, des déséquilibres internes d’une ampleur telle qu’ils en deviennent des menaces pour la stabilité du monde.
  6. https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2014-2-page-75.htm (2014) Acteurs centraux du génocide tutsi au Rwanda, les enfants représentent à la fois la majorité des victimes et une proportion importante des survivants. Plus encore, leur implication dans l’exercice de la violence physique (comme témoins, complices ou auteurs de viols et de meurtres) témoigne de l’extraordinaire transgression des barrières morales, culturelles, de genre et d’âge. Hélène Dumas dresse un tableau de cette implication, croisant l’approche macro et micro, les sources statistiques et judiciaires, les témoignages et les dessins des enfants. À l’issue du génocide, on compte environ trois cent mille survivants : 40 % sont des orphelins. Il ne s’agit ici que d’une estimation qui donne toutefois la mesure de la représentation massive des enfants comme population à la fois victime et survivante. Cette singularité statistique de la situation rwandaise a donné naissance à une forme radicalement nouvelle de parentalité, assumée par des « enfants chefs de ménage ». Les familles d’orphelins constituent une innovation sociale dont il semble qu’elle ait pour origine la volonté des enfants eux-mêmes. En 1998, selon une enquête de l’Unicef, soixante-cinq mille familles, représentant au total trois cent mille enfants étaient placées sous la responsabilité d’un enfant plus âgé. Comme le soulignent deux psychologues ayant mené leurs enquêtes auprès de ces orphelins, « rien ne pouvait être institué, prévu, comme forme d’organisation familiale pour ces enfants qui en viennent à vivre seuls dans des ménages sans parents et sans adultes, avec à leur tête un autre enfant un peu plus grand, un aîné, sans qu’il n’y ait forcément entre eux de liens de parenté . Cette nouvelle structure de parentalité est progressivement reconnue socialement et politiquement, puisque ces familles vont bénéficier d’un appui spécifique de l’État rwandais, en particulier en matière de logement. Ainsi, plusieurs quartiers de Kigali accueillent-ils à la fin des années 1990 des « villages d’orphelins ».
  7. L'extension apparemment sans fin du champ sémantique du terme "génocide" aboutit à des situations un peu curieuses : https://quillette.com/blog/2022/10/31/welcome-to-canada-nation-of-genocidaires/ Le 27 octobre, une motion parlementaire demandant au gouvernement fédéral de "reconnaître ce qui s'est passé dans les pensionnats indiens du Canada comme un génocide" a été adoptée à l'unanimité. Pour être clair, l'auteur de la résolution, la députée Leah Gazan, n'a pas qualifié le mot "génocide" de "culturel", comme l'avait fait la Commission de vérité et de réconciliation du pays en 2015. Il s'agit d'un génocide, point final. Dans la mesure où cette résolution est prise au sérieux, toute personne ayant contribué à la supervision, au financement ou au fonctionnement du programme canadien des pensionnats indiens sera désormais considérée comme ayant participé à un génocide. Et comme les pensionnats canadiens fonctionnent depuis avant la naissance du Canada, il y a 155 ans, cette liste inclurait tous les premiers ministres qui ont servi jusqu'en 1997, lorsque le dernier pensionnat a été fermé - c'est-à-dire les 23 premiers ministres du Canada, à l'exception de Paul Martin, de Stephen Harper et de l'actuel, Justin Trudeau. Mais même ce dernier trio ne peut échapper à la désignation de génocidaire. En 2019, Trudeau a avoué un génocide distinct (et apparemment "en cours") lorsqu'il a accepté les conclusions présentées par l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (MMIWG). Cela signifie, pour ceux qui comptent les points, que Pierre Trudeau (1919-2000), le père Premier ministre de Justin Trudeau, est impliqué non pas dans un, mais dans deux génocides, tandis que Justin n'est coupable que d'un seul. Mais il ne s'agit pas du décompte final : Compte tenu du climat politique actuel au Canada, il ne fait aucun doute que de nouveaux génocides seront découverts. Donc qualifier Vladimir Poutine simplement, seulement, de "génocidaire", c'est peut-être un peu faible comme terminologie. Cela le met dans la même catégorie que Pierre et Justin Trudeau, qui sont d'assez bonne compagnie, et cela ne semble pas faire de lui un barbare ignoble comme on s'y serait attendu avec une définition plus restrictive.
  8. Nicolas Baverez aurait pu ajouter l'abandon de l'essentiel de la ligne à grande vitesse HS2, qui était une des promesses électorales de Boris Johnson, donc du parti conservateur de Rishi Sunak, qui donnait un espoir d'avenir meilleur dans le nord du pays. Quand il mentionne les derniers sondages, défavorables au Brexit, il oublie de mentionner que cela se base toujours sur la même illusion de pouvoir rentrer dans l'UE pour y avoir le beurre et l'argent du beurre. Abstraitement, tout le monde veut le beurre et l'argent du beurre. Mais confronté aux diable qui est dans les détails de la négociation, les mêmes sondés sont peut-être défavorables à telle ou telle concession concrète que le Royaume-Uni doit faire pour avoir le droit de rentrer dans l'UE. Il s'affole du nombre de migrants qui ont traversé la Manche illégalement en 2022, mais oublie de mentionner que le nombre a diminué de 33% en 2023 (tout en restant supérieur à celui de 2021) : https://www.bbc.com/news/uk-england-kent-67856720 Le séparatisme écossais serait "indissociable" du problème créé par le Brexit car les Écossais sont européistes. La preuve que non, c'est que le problème existait tout autant quand le Royaume-Uni était membre de l'UE. Aggravé peut-être. Indissociable, non.
  9. Donc il y a des génocides où il y a mort d'homme et des génocides où il n'y a pas mort d'homme. Le fait d'employer le même mot pour parler des deux choses ne participe pas à la clarté du débat et est du pain bénît pour les propagandistes.
  10. La question de savoir si Trump est une marionnette russe a pour moi été réglée définitivement par la brillante démonstration de Jeff Gerth (New York Times, prix Pulitzer) dans la prestigieuse Columbia Journalism Review du 30 janvier 2023, à savoir que tout cela est une opération de propagande pour l'essentiel mensongère orchestrée par les ennemis de Trump et suivie passivement par pensée de groupe, par une presse qui n'a pas respecté les règles du bon journalisme : http://www.air-defense.net/forum/topic/11243-usa/page/857/#comment-1609951
  11. Qualifier de "libéral" un président qui tire au canon sur le parlement, c'est un exercice de double pensée orwellien. Je ne sais pas si tu as vu dans les précédentes références que j'ai données, l'avis de Tania Rakhmanova sur France-Culture le 11 avril 2017 : https://www.dailymotion.com/video/x2ims1y 11 avril 2017 - Les Matins de France Culture 24:55 Journaliste : Alors qu'ils craignaient peut-être un retour prématuré des communistes au pouvoir dans les années 90. Et vous dites que c'est là qu'il y a peut-être eu un hiatus : certains disent, finalement, et si on n'avait pas eu si peur d'un retour des communistes au pouvoir, peut-être qu'on n'en serait pas aujourd'hui avec un Vladimir Poutine omnipotent, hyperpuissant. Tania Rakhmanova : Ben oui, peut-être, ça c'est difficile, comme on dit : l'histoire ne supporte pas le conditionnel. C'est difficile à dire, mais c'est vrai qu'à l'époque, on a tellement forcé la main des gens, on a tellement imposé la réelection de Boris Yeltsine qui était à l'hôpital au moment des élections... Journaliste : ...alors que les communistes tenaient la corde éventuellement pour revenir au pouvoir, et qu'il ne fallait surtout pas que cela arrive... Tania Rakhmanova : ... tout à fait ... Journaliste : ...en craignant qu'ils ne remettent au goût du jour une dictature soviétique. Certains le regrettent, ça, aujourd'hui, vous dites ? Tania Rakhmanova : Moi, peut-être aussi, je le regrette, et je connais beaucoup de monde qui regrette, pas parce qu'on avait envie de revenir en Union Soviétique, pas du tout, ça n'a rien à voir. C'est que d'une part, ces communistes-là, en arrivant au pouvoir n'auraient pu rien faire... Journaliste : ... ils auraient de toute façon été obligés d'accompagner le mouvement initié par Gorbatchev avant Yeltsine... Tania Rakhmanova : ...En plus ça s'est passé dans d'autres pays ex-communistes, et ça n'était pas si grave. D'autre part, on n'aurait quand même pas cassé le système des élections démocratiques qu'on venait d'instaurer et tout de suite avec cette machine de nettoyage des cerveaux de 1996, on a complètement... on a créé ce know-how, ce savoir faire comment manipuler les élections. Cela s'ajuste assez bien avec le documentaire de Madeleine Leroyer "Hold Up à Moscou" diffusé sur Arte fin 2021 et avec les révélations de Michael Meadowcroft sur l'édulcoration des fraudes électorales en Russie par l'OSCE en 1996. Le retour des communistes au pouvoir a eu lieu en Pologne de 1995 à 2004. En Hongrie, de 1994 à 1998 et de 2004 à 2009.
  12. Durant la Seconde Guerre mondiale, les enfants anglais ont été évacués à l'arrière, à la campagne. Envoyer les enfants le plus loin possible du front parait a priori être une décision raisonnable. Comment ça s'est passé concrêtement, qui a pris la décision, motivée comment ? Je ne sais pas. Il y a une enquête de la CPI, on verra bien ce qui ressortira de l'enquête. La plupart des articles de presse qu'on lit sur le sujet sont des articles de propagande, qui partent du principe que la Russie est l'incarnation du mal, et que forcément lorsque les autorités russes prennent des décisions, elles prennent forcément les mauvaises décisions. Suggérer que la Russie pourrait prendre, pas toujours, mais parfois, de bonnes décisions est un crime de la pensée. https://www.iwm.org.uk/history/the-evacuated-children-of-the-second-world-war L'évacuation était volontaire, mais la crainte des bombardements, la fermeture de nombreuses écoles urbaines et le transport organisé de groupes scolaires ont contribué à persuader les familles d'envoyer leurs enfants vivre avec des étrangers. Les évacués et leurs hôtes étaient souvent étonnés de voir comment les uns et les autres vivaient. Certains évacués s'épanouissent dans leur nouvel environnement. D'autres ont vécu une période difficile loin de chez eux. De nombreux sinistrés des quartiers défavorisés n'avaient jamais vu d'animaux de ferme ni mangé de légumes. Dans de nombreux cas, l'éducation d'un enfant dans la pauvreté urbaine a été interprétée à tort comme une négligence parentale. De même, certains citadins s'ennuyaient à la campagne, ou étaient même utilisés pour des travaux agricoles fatigants. Pour certains enfants, la fin de la guerre a mis un terme à une longue période de peur, de confusion et de séparation. Pour d'autres, elle a été synonyme de bouleversements considérables, car ils ont retrouvé des villes et des familles dont ils se souvenaient à peine. Mais le programme d'évacuation volontaire du gouvernement a été une entreprise gigantesque qui a permis d'envoyer des millions d'enfants dans des lieux sûrs, loin de la menace des bombes allemandes.
  13. https://www.telos-eu.com/fr/delors-le-stratege.html (5 janvier 2024) Histoire et bilan de la commission Delors.
  14. https://www.telos-eu.com/fr/les-democraties-et-leurs-ennemis.html Yascha Mounk, Le Piège de l’identité. Comment une idée progressiste est devenue une idéologie délétère, Editions de l’Observatoire, 2023 (The Identity Trap : A Story of Ideas and Power in Our Time, Penguin Press, 2023) Yascha Mounk [est] professeur à l’université Johns Hopkins. Son mérite essentiel, c’est effectivement de démonter le « piège » que tend aux démocrates un mouvement de pensée, devenu radical et violent, qui s’est développé à partir d’un progressisme bienveillant qui semblait aller de soi, mais ne reposait sur aucune véritable réflexion. Le wokisme aboutit à remettre en cause toute perspective universelle, à réduire toute connaissance à l’identité de celui qui l’avance, à refuser la possibilité de communication entre les individus d’origines et de croyances différentes – idée qui fonde la communauté des citoyens. Le résultat paradoxal est la présence continue de l’idée de race et le retour au nom des « racisés » de la conception, elle clairement raciste, à laquelle s’était ralliée la Cour suprême au tournant du XIXe et XXe siècle, separate but equal, et qui, de toute évidence, consacrait la séparation et l’inégalité des races. Ne plus distinguer croyance et savoir, connaissance et engagement politique, juger le passé au nom des valeurs du présent, toutes ces manifestations se fondent sur la remise en cause de l’universalisme. Aussi l’auteur plaide-t-il pour le renouveau de l’éducation, et la défense de l’universalisme républicain. https://fr.wikipedia.org/wiki/Yascha_Mounk Yascha Mounk est né en 1982 à Munich, fils d'une Polonaise ayant émigré avec ses parents en 1969. À l'âge de 13 ans, il adhère au SPD qu'il quitte en 2015 par une lettre ouverte à l'ex-président du SPD Sigmar Gabriel. En tant que directeur exécutif de l'équipe « Renewing the Centre » au Tony Blair Institute for Global Change, Yascha Mounk défend un renouveau du libéralisme politique.
  15. Ce qu'on sait déjà en partie, et que les historiens du futur pourront élucider avec toujours plus de détails, et qui n'est pas de l'uchronie, c'est le rôle que l'Occident, Bill Clinton en tête, a joué dans la trajectoire constitutionnelle russe dans les années 1990. Le documentaire de Madeleine Leroyer en donnait les grandes lignes.
  16. Si la Russie avait adopté un système parlementaire, où le président joue un rôle mineur comme en Allemagne, un Poutine président jouerait un rôle mineur, ne serait pas commandant en chef des armées, par exemple, pas plus que Steinmeier n'est commandant en chef de la Bundeswehr.
  17. Si Bill Clinton n'avait pas inconsidérément soutenu le dictateur Boris Eltsine en 1993, puis en 1996, cette conversation de 1999 à Istanbul n'aurait pas eu lieu, et Poutine ne serait pas aujourd'hui président-dictateur de Russie. Car c'est Eltsine qui a fait monter Vladimir Poutine dans la hiérarchie du pouvoir. C'est Clinton qui a poussé ("nudged" comme on dit en anglais) la Russie sur la trajectoire qui mène à Poutine. - - -
  18. Si tu qualifies chaque transfert d'enfant dans une famille d'accueil de "kidnapping", tu vas avoir des débats intéressants avec les services sociaux. Je me demandais aussi, si les services sociaux britanniques confient un enfant nord-irlandais à une famille d'accueil anglaise ou écossaise, est-ce un crime contre l'humanité ? Que dit la CPI ?
  19. En faisant des recherches sur Maurice Gourdault-Montagne, je retombe sur cette intervention, sur un plateau de télévision commun, de Pierre Lelouche, qui dit la désinvolture des promesses faites à l'Ukraine d'en faire le 28e ou 36e membre de l'Union Européenne :
  20. Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec le titre. En tout cas si je remonte à François Mitterrand. La raison pour laquelle il a promu sa version de l'européïsme, était qu'il voulait écarter le risque d'une nouvelle guerre franco-allemande. C'est parce qu'il avait vécu la guerre dans sa jeunesse, et pensait que la guerre n'était pas impensable, qu'il a mené une politique pour ancrer la paix dans un processus de convergence franco-allemande intense. Voire même franco-britannique avec le tunnel sous la manche (qui reste un projet inabouti : voir ici : https://www.theguardian.com/commentisfree/2024/jan/01/channel-tunnel-uk-european-30th-anniversary ) Peut-être que l'erreur des politiciens postérieurs à Mitterrand a été de ne pas voir qu'il fallait faire la même chose avec la Russie. Mention spéciale, cependant pour Jacques Chirac et Maurice Gourdault-Montagne :
  21. Peut-être parce qu'il est sur place et le mieux à même d'apporter à ces enfants les secours dont ils ont besoin. Par exemple sur le plan médical. Les enfants ne sont pas des prisonniers. Ils n'ont pas, dans une guerre, participé à des combats contre des soldats russes. Donc la société russe ne les considère pas comme des ennemis. D'autre part il faut voir où est l'intérêt de l'enfant ? Ce transfert constituerait peut-être un choc psychologique préjudiciable au bien être de l'enfant. Il faut demander leur avis à des experts sur ce point.
  22. C'est étrange, cette formulation qui laisse entendre que l'affaire est déjà jugée. À la même date, mars 2023, le journal Le Monde semblait indiquer que l'enquête était en cours, donc pas terminée : https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/03/le-procureur-de-la-cpi-enquete-sur-les-deportations-d-enfants-ukrainiens-en-russie_6164075_3210.html
  23. https://www.theguardian.com/commentisfree/2024/jan/07/were-proud-of-pantos-and-cheese-rolling-but-must-unesco-decide-which-to-protect Bien que le Royaume-Uni soit en partie à l'origine de la création de l'organisation, nous entretenons des relations difficiles avec [l'UNESCO] depuis lors : Margaret Thatcher nous a retirés, Tony Blair nous a réintégrés, puis Penny Mordaunt a voulu que nous suivions les États-Unis dans leur retrait en 2019. En 2021, Liverpool s'est vu retirer son statut en raison de nouveaux développements sur le front de mer (la ville a répondu qu'elle s'en moquait). Les objectifs de l'Unesco sont nobles, mais je pense que nous avons eu raison d'être sceptiques à l'égard du projet. Une approche globale de la culture est-elle vraiment le meilleur moyen de lutter contre les effets de la mondialisation ? Le premier problème se pose déjà : comment choisir ce qui doit figurer sur la liste ? Il n'y a guère d'activité humaine qui ne puisse être classée dans la catégorie "culture". Le programme de l'Unesco s'inspire beaucoup des organisations qui protègent le monde naturel ; mais, contrairement à celles-ci, il ne dispose d'aucun principe scientifique pour décider de la valeur d'un élément par rapport à un autre. Comment choisir entre la pantomime et le roulage de fromage, ou entre le retournement de crêpes et la pesée du maire de High Wycombe (et pourquoi les traditions britanniques sont-elles toutes si idiotes ?) L'un des critères est que la coutume soit en voie de disparition, mais cela ne correspond pas tout à fait à la liste établie jusqu'à présent, qui comprend la baguette française, le flamenco espagnol, l'opéra italien, la pizza napolitaine et le régime méditerranéen. Ces coutumes sont-elles vraiment en danger ? Ou sont-elles au contraire mondialement connues et commercialement viables ? Les écologistes sont parfois accusés de donner la priorité à des animaux charismatiques tels que le panda, alors que des milliers d'espèces moins connues disparaissent. Le programme culturel des Nations unies pourrait tomber dans le même piège. Le risque existe que cette nouvelle notoriété fige une culture dans du formol : que les locaux interprétent des versions disneyfiées pour les touristes internationaux.
  24. https://www.la-croix.com/international/au-niger-les-juntes-militaires-du-sahel-celebrent-la-lutte-traditionnelle-20240101 Dimanche 31 décembre s’est tenue au Niger la finale de la 44 édition du « Sabre national », grand championnat de lutte traditionnelle. Une manifestation sportive de premier ordre pour le pays, mais aussi une tribune politique pour les chefs des juntes militaires du Sahel, désireux de mettre en scène leur unité. Dans les tribunes paradent les premiers ministres du Burkina Faso, du Mali et du Niger, les trois pays du Sahel dirigés par des juntes militaires issues de coup d’État. Dimanche 31 décembre, après avoir célébré, la veille, le départ des derniers soldats français de la capitale, ils assistaient à la finale de la 44 édition du « Sabre national », le grand championnat de lutte traditionnelle, qui s’est tenue cette année à Agadez, « capitale » du pays touareg, aux portes du désert. Après dix jours de combats, au cours desquels 80 lutteurs venus des huit régions du pays se sont affrontés, la clôture de cet événement sportif et culturel s’est transformée en tribune politique. « Que tous ceux qui voudraient présenter le Niger comme un champ de ruines admettent qu’ils se sont lourdement trompés ! », a clamé le ministre des sports et de la culture, le colonel-major Amadou Abdramane. Ovations du public, louanges des griots et cadeaux – un sabre et une selle de chameau… Les tournois sont retransmis à la télévision et commentés en langues nationales. « Tout le Niger nous écoute ! », jubile Issoufou Kodo, le chroniqueur sportif vedette, qui couvre depuis quarante ans les tournois. Au Niger, ce sport ancestral, qui tire son origine des combats de jeunes à la fin des récoltes dans les villages, est l’un des plus populaires. Institutionnalisée en 1975 par le régime militaire de Seyni Kountché, auteur du premier putsch dans le pays, la lutte allie sport, culture et mysticisme. « C’est l’opium des Nigériens, pendant dix jours tout le monde est rivé à son poste de télévision », explique le journaliste, qui dit être « tombé dedans » quand il était petit, bercé par le chant des griots et le rythme des tambours traditionnels. Sur l’aire de combat, Maty Souley et Kadri Abdou, dit « Issaka Issaka », récitent leurs dernières incantations mystiques et ajustent leurs amulettes de protection à la taille. « Chacun a ses grigris et son marabout, sans ça même le plus puissant peut se faire terrasser par un petit combattant s’il lui envoie une décharge électrique ou le rend lent », raconte l’entraîneur national adjoint Ali Zanguina. Pour éviter les « mauvais sorts », chaque lutteur a sa propre garde rapprochée.
  25. Puisqu'on parle de Hal Brands, je suis tombé sur cette double recension : https://digital-commons.usnwc.edu/nwc-review/vol72/iss1/7/ Naval War College Review: Vol. 72: No. 1, 2019 Hal Brands, American Grand Strategy in the Age of Trump, 2018 David Hendrickson, Republic in Peril: American Empire and the Liberal Tradition, 2017 Les deux auteurs s'accordent sur un point fondamental, rendu célèbre à l'aube de la guerre froide par le journaliste Walter Lippmann : la grande dimension stratégique de la politique étrangère consiste à "mettre en équilibre, avec un confortable surplus de puissance en réserve, les engagements et la puissance de la nation" (Brands, p 128 ; Hendrickson, pp 172-75). Comme l'explique Brands, il existe trois solutions génériques à ce problème : (1) "réduire les engagements, rétablissant ainsi l'équilibre avec des ressources réduites" ; (2) "vivre avec un risque accru", soit en pariant que les adversaires ne testeront pas les engagements vulnérables, soit en recourant à des approches plus risquées, telles que l'escalade nucléaire ou la cyberguerre, pour "maintenir les engagements au rabais" ; ou (3) "étendre les capacités et rétablir ainsi la solvabilité stratégique". En outre, les deux auteurs expriment une certaine admiration pour Richard Nixon et Henry Kissinger qui ont tenté une grande réévaluation stratégique destinée à corriger l'extension excessive de l'Amérique en réduisant certains engagements et en transférant certaines charges aux alliés américains pendant la guerre du Vietnam (Brands, pp 115, 118, 140 ; Hendrick- son, pp 175-80). La différence est que Hendrickson met l'accent sur la réduction des engagements, tandis que Brands met l'accent sur l'augmentation des capacités, afin de combler ce que l'on peut appeler le fossé de Lippmann. Cela dépend en partie de la manière dont on comprend ce qu'est la grande stratégie. Hendrickson est catégorique : Les Américains ont perdu le nord. Tel un prophète de l'Ancien Testament, il tente de nous rappeler à l'alliance originelle. La suprématie, ou l'empire, n'a jamais été le but ultime de la république américaine. L'objectif du régime américain est de garantir la liberté républicaine, non pas partout - même si l'on peut souhaiter du bien à ceux qui cherchent à l'obtenir ailleurs - mais chez nous, la survie de la liberté en Amérique étant une lueur d'espoir pour ces autres lieux. Hendrickson insiste donc sur la primauté de la politique intérieure. Toutes les grandes décisions stratégiques doivent être évaluées non seulement en fonction de la manière dont elles garantissent la vie et la prospérité matérielle mais, en fin de compte, et plus fondamentalement, en fonction de la manière dont elles garantissent la liberté pour nous-mêmes et pour notre postérité. Hendrickson est accablant dans sa critique de la suprématie comme une menace pour à peu près tout ce que la république américaine est censée représenter. Les empires ont tendance à avoir besoin d'empereurs - ce qui conduit à des présidences impériales. Depuis le 11 septembre 2001, les présidents ont utilisé l'autorisation initiale d'utiliser la force militaire contre Al-Qaïda pour justifier des interventions, eh bien, presque partout en Asie du Nord-Est, au Moyen-Orient et en Afrique, et le Congrès n'a pas réussi à fournir un contrôle sérieux. Et la croissance croissante de l'État de sécurité nationale - ce que Dwight D. Eisenhower, qui n'était pas un libéral, a appelé le complexe militaro-industriel - constitue un énorme transfert de pouvoir à des élites qui n'ont pas de comptes à rendre. Enivrés par l'idéologie de la diffusion de la démocratie partout, les Américains, comme John Quincy Adams avait prévenu il y a longtemps que cela pourrait arriver, sont partis à l'étranger à la recherche de monstres à détruire, mais sont devenus eux-mêmes des monstres, en semant le chaos avec des guerres inutiles et en créant l'anarchie en Libye et en Irak au nom d'un changement de régime. Hendrickson préconise donc la retenue, même si elle ressemble beaucoup à un repli sur soi. Craignant d'aggraver encore le conflit, il suggère que la grande stratégie américaine se concentre sur l'évitement d'offenser inutilement. Il serait prudent, pense-t-il, que les États-Unis adoptent une politique d'autolimitation - que d'autres pourraient considérer comme l'acceptation de sphères d'influence, pour la Russie et la Chine en particulier. La guerre avec une Russie renaissante et une Chine montante serait moins probable si les États-Unis changeaient de politique et de stratégie. Les déploiements avancés des forces militaires américaines sont inutilement offensifs et devraient être réduits au minimum. Les stratégies maritimes visant à combattre n'importe où près des côtes chinoises sont indûment provocatrices et probablement vouées à l'échec, tandis que les stratégies d'attrition en haute mer ont de meilleures chances de succès. Conformément à la doctrine Nixon, les États-Unis devraient transférer la charge de la défense et de la dissuasion autant que possible aux alliés régionaux et garder leurs forces en réserve jusqu'à ce qu'elles soient nécessaires. L'approche de Hendrickson, en limitant la portée américaine, pourrait empêcher une extension stratégique excessive, qu'il voit en termes politiques plus que militaires ou économiques. Plus les États-Unis agissent comme un empire, plus la menace pour la république est grande, de sorte que la retenue est essentielle pour les véritables objectifs d'une grande stratégie américaine. Pas si vite, dit Brands à tous les partisans de la retenue aujourd'hui. Oui, la guerre d'Irak était presque certainement une erreur, mais le Nouveau Testament de la grande stratégie américaine a accompli un bien sans précédent. L'ordre international libéral dirigé par les Américains a empêché la guerre des grandes puissances - le plus grand tueur de l'histoire - depuis 1945, c'est-à-dire depuis plus de soixante-dix ans. En Europe et en Asie en particulier, cela a produit une communauté de sécurité avec un degré de richesse et de liberté presque inimaginable il y a cent ans. Il est basé sur deux prémisses : la réalité de l'interdépendance sécuritaire, économique et autre ; et le caractère toujours indispensable des États-Unis en tant qu'hégémon (à ne pas confondre avec empereur) d'un réseau volontaire et généralement coopératif d'alliances, en Europe et en Asie en particulier, et de manière plus problématique au Moyen-Orient. Bien entendu, Hendrickson, comme beaucoup d'autres partisans de la modération, ne veut pas gâcher cette réalisation extraordinaire ; il est favorable à la préservation du réseau américain d'alliances régionales, mais au niveau le plus bas possible en termes de coûts, de risques et d'efforts, afin de minimiser les dangers que l'État de sécurité nationale pourrait faire peser sur la liberté dans son pays. En revanche, Brands met en garde contre toute tentative de maintenir l'ordre international libéral au rabais. La prudence exige de comprendre qu'à mesure que les Américains se retirent, les alliés peuvent ne pas prendre le relais, ou même passer du côté des challengers. Et Brands est au mieux de sa forme lorsqu'il critique les théories de l'équilibrage offshore et de la responsabilité limitée comme moyens de combler le fossé de Lippmann. Le repli pourrait peut-être réduire les coûts à court terme, mais il pourrait aussi augmenter les risques que d'autres puissances comblent un vide, ce qui entraînerait des coûts plus élevés plus tard si les Américains décidaient de réintervenir, comme ils l'ont fait en Irak après la montée en puissance d'ISIS. Les coûts pourraient être moindres avec une présence soutenue et minimale sur les théâtres jugés stratégiquement vitaux pour les États-Unis, mais seulement "peut-être". Brands insiste donc sans complexe sur le fait que la meilleure grande stratégie pour notre époque consiste à augmenter les capacités de manière substantielle - au niveau de l'augmentation des administrations Carter et Reagan, c'est-à-dire de 50 %, bien qu'il insiste sur le fait que cela ne représenterait pas plus de 4 % du produit intérieur brut (PIB), soit beaucoup moins que pendant les périodes les plus chaudes de la guerre froide. Ainsi, ironiquement, il semble lui aussi penser qu'il existe des solutions bon marché aux grands problèmes stratégiques de l'Amérique. Brands fait tellement partie de l'orthodoxie du Nouveau Testament, et craint tellement les hérésies de l'élection de 2016 et de ses suites, qu'il ne dit rien - absolument rien - sur les dangers pour la république américaine découlant de la quête de suprématie. Et Brands est trop facile sur le sujet de la "promotion de la démocratie" comme finalité de la grande stratégie américaine. En tant qu'étudiant de John Quincy Adams, Hendrickson n'est que trop conscient que cela peut conduire, et a souvent conduit, à une forme d'impérialisme démocratique incompatible avec les principes américains, bien compris. Oui, l'Ancien Testament est ancien, mais il n'est pas "dépassé par les événements". Il vaut encore la peine d'être lu précisément parce qu'il nous rappelle aux principes premiers.
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