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Messages posté(e)s par CortoMaltese

  1. il y a 7 minutes, gustave a dit :

    Oui, nous sommes d'accord sur cela. Je ne sais pas quelle part des forces ukrainiennes a été engagée, mais j'avoue que cette affirmation reprise partout et jamais questionnée comme quoi seule une petite partie (ou une moitié selon les variantes) des forces ukrainiennes a été engagée me laisse sceptique...

    Moi aussi. Je ne crois pas que les Ukrainiens aient une réserve stratégique importante, en tout cas pas en unités constituées et équipées. Toutes les unités tournent. C'est une bonne stratégie en soit, qui permet de gérer l'attrition et la fatigue des hommes et du matériel. Dans le lot, il doit exister un certains nombres de brigade (10 ? 15 ?) dont la quasi intégralité des troupes est au repos/reconstitution/entrainement.  Mais ceux qui pensent qu'il existe quelque part dans les forêts de Lviv ou de Jytomir des dizaines de brigades ukrainiennes pleinement équipées et prêtes à fondre sur le dispositif russe au signal de Zaloujny se bercent d'illusion. 

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  2. Il y a 1 heure, gustave a dit :

    On a pourtant vu la plupart des types de blindés fournis engagés sur le front, aussi j'ai un doute sur cette affirmation régulièrement répétée.

    Il semble que les Ukrainiens deployent leur brigades par bataillon (les russes aussi, bataillon/ régiment). Ce qui pose problème lorsqu'on essaye de comprendre quelle unité se trouve où. La présence de troupes d'une unité sur le front n'implique pas que toute l'unité y soit et, inversement, le maintien en réserve d'une partie d'une unité à l'arrière n'implique pas que d'autres parties ne soient pas au combat. Mais je te rejoins sur le fait que, mis à part les Chally 2 et les Marder, il semble que la majorité des équipements occidentaux majeurs livrés ces derniers mois aient vu le combat. J'ai cru lire que les 10 brigades formées pour l'offensive avaient été divisés en deux échelon, avec le second qui commence à être engagé progressivement. 

  3. Il y a 2 heures, Poivre62 a dit :

    Ca reste des rumeurs mais je poste quand même

     

     

    J.J semble très sceptique, et c'est le genre de chose où j'ai plutôt tendance à lui faire confiance. De toute façon, la capacité de la France à initier un programme d'entrainement, puis à livrer les avions, le tout sans que personne n'en entendent parler (les rumeurs de formation de pilotes ukrainiens ayant été debunkées) me semble douteuse. Sans parler du fait que l'intérêt de livrer des mirage 2000C dépassés et sans capacité Air-Sol qui formeront une micro-flotte une fois les F-16 livrés ne m'apparait pas évidente. On a vu passer récemment que les ukrainiens galéraient à trouver 20 pilotes parlant couramment anglais, alors je doute qu'ils ayent les "gaspiller" à sur du Mirage 2000C

     

     

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  4. il y a 5 minutes, Wallaby a dit :

    Après, tout n'est pas pareil. La temporalité russe ne peut pas être le calque de la temporalité occidentale parce que l'Occident n'a pas connu un changement de régime et d'économie de l'ampleur de celui qu'a connu la Russie en 1991. Et comme le dit Thomas Johnson dans l'interview ( http://revuecivique.eu/articles-et-entretiens/poutine-sur-staline-heros-sublime-terreur-oubliee/ ) il y a tout un travail de mémoire qui n'a pas été fait. On le lit aussi dans La Fin de l'homme rouge d'Alexandra Alexeievitch : il y a surtout des mémoires réprimées. Un tyran comme Staline ne laisse pas le même héritage que les chefs d'État occidentaux qui n'étaient pas des tyrans. Donc la comparaison est forcément limitée par ces limites évidentes.

     

    Oui, la comparaison n'a effectivement que peu de sens, nous sommes d'accord. Et justement, la relative faible popularité de Staline en 2012 (28%) montre qu'un travail de mémoire avait été fait. Ça a été le grand mérite des dernières années Gorbatchev et de la décennie 90. Travail de mémoire qui semble avoir été quasiment effacé en l'espace de 10 ans à mesure que le tournant autoritaire de Poutine s'affirmait. C'est très différent du cas Churchill par exemple où au Royaume Uni, depuis sa mort, il est considéré comme un monstre sacré. D'ailleurs, cela commence à changer dans la nouvelle génération. Le souvenir de 39-45 est moins pregnant et les faces sombres du monsieur (son racisme, sa défense de la colonisation) ressort d'avantage. Je ne serai pas étonné que d'ici 10 ou 20 ans, Churchill passe du statut de personnalité consensuelle à celui de personnage contesté et polémique.

  5. il y a 8 minutes, herciv a dit :

    Il ne faudrait pas non plus prendre ces chiffres à la légère. L'interprétation @Alexis et du NYT reste quand même importante pour comprendre les dégâts que vont provoquer à long terme cette guerre sur la population ukrainienne mais aussi sur son potentiel combatif. On n'est qu'à 1 an et demi de combat et on n'a pas encore intégré les dégâts de l'offensive en cours.

    Ah mais loin de moi l'idée de nier l'importance des chiffres. Je voulais juste dire qu'au milieu de toutes les incertitudes qui entourent les pertes des deux belligérants, il est à peu prêt certain que les ukrainiens ne peuvent pas avoir eu 300 000 blessés (militaires) "graves'" depuis le début du conflit et continuer à avoir une relative initiative (qu'ils ne parviennent pas à exploiter) sur le front. Si on en croit les chiffres les plus précis sur les pertes russes, discutés ici, ces derniers auraient peut être à dénombrer (en comptant tout, DNR/LRP/Wagner/Rosvgardia/MoD) 80 000 KIA pour des pertes totales de peut être 300 000, en incluant des blessés légers qui reverront le front un jour. J'ai beaucoup de mal à envisager que les pertes ukrainiennes soient supérieures. 

    J'ai typiquement en tête un "ordre de grandeur", qui vaut ce qu'il vaut, de peut être 60 000 KIA ukrainiens, avec un nombre total de perte qui doit lui aussi être pas loin des 300 00, donc en gros 80% des pertes russes). C'est évidemment à affiner mais ça semble cohérent avec les estimations les plus "sérieuses" qu'on a pu voir passer et ce qu'on voit tous les jours sur le terrain, avec toutes les limites sur la représentativité de ce qui nous parvient. Si ce chiffre est exacte, il n'y a pas la place pour ne serait-ce que 200 000 blessés graves. 

    Mais par contre, je ne serais pas surpris que le chiffre des amputations soit assez élevé, avec un effet de "biais du survivant" comme le soulignait je crois @gustave . On est sur un type de combat qui doit provoquer beaucoup d'hémorragies massives des membres, et on est peut être sur le premier conflit de haute intensité où l'infanterie d'une armée subissant de lourdes pertes est quasi systématiquement équipée de garrots tourniquets modernes. Et donc avec beaucoup de types qui seraient morts s'ils avaient été irakiens en 2003 ou américains au Vietnam, et qui sont cette fois ci amputés. 

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  6. il y a 38 minutes, herciv a dit :

    Je crois qu'il y a deux erreurs dans l'interprétation de ces chiffres. 

    La première est de ne ne pas retirer le nombre d'amputations naturelles.

    La seconde est de considérer que seul les soldats sont amputés. Alors que de nombreux civils sont probablement touchés.

    Sans doute. Car 200 - 500 000 blessés "graves" (si on est bien d'accord qu'un blessé "grave" c'est un type out + de 6 mois /indéfiniment) ça donne au moins 100 - 250 000 morts et + d'1 millions de blessures légères. Vu ce qu'on sait des effectifs ukrainiens, de leur mobilisation et de leur potentiel humain, si c'était le cas on verrai pas les ukrainiens galérer à l'offensive dans le sud mais se battre pour Lviv. 

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  7. Il y a 4 heures, Alexis a dit :

    Admettons que ce soit le principal facteur - même si je serais curieux de savoir pourquoi il n'aurait pas joué lors de la première guerre mondiale.

    Je me rapporte alors au lien dans mon post à Ciders juste au dessus, qui précise plus d'1 million d'amputés pour l'ensemble de la seconde guerre mondiale tous belligérants confondus. Sur le front de l'Est - essentiel des pertes - l'URSS a eu 8 millions de tués au combat et plus de 14 millions de blessés, pour environ 500 000 amputés. Soit une proportion de moins de 4% des blessés. Cohérente avec les 5 à 8% cités s'agissant de l'Irak et du Vietnam. Et avec l'évaluation à "10% des blessés graves" pour la guerre en cours fournie par le principal prothésiste impliqué, cité dans l'article du Wall Street Journal.

    Or la parité et la longue confrontation des systèmes d'armes de milieu de spectre sont bien une caractéristique du front de l'Est pendant la seconde guerre mondiale !

    J'ai du mal à éviter de conclure que le nombre de blessés graves chez les Ukrainiens est quelque part entre 200 000 et 500 000 :blink:

    C'est pourtant impossible, d'un pur point de vue mathématique. Même les russes n'ont certainement pas autant de blessés graves, puisque leur total de blessés (y compris non grave) n'excède pas 200 000 pour autant qu'on sache. Ce chiffre n'est cohérent ni avec le nombre de véhicules perdus, ni avec les vidéos que filment les russes (où on voit des pertes ukrainiennes, mais pas dans des quantités aussi effarantes). 

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  8. Il y a 13 heures, Clairon a dit :

    Je me demande si chez Red Samovar je n'avais pas lu qu'il y avait une différence du fait de douilles propulsives pour l'un et pas pour l'autre, amis je peux me tromper.

    Clairon

    Merci, je vais fouiller sur RedSamovar

     

    EDIT : bien vu, c'était marqué dans cet article consacré au 2S19. Merci beaucoup @Clairon!

    https://redsamovar.com/2019/09/16/dossier-le-2s19-msta-s/

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  9. Question aux spécialistes du matos soviétique : Est-ce que les munitions de 152 utilisées par les 2S5 et les 2A36 sont compatibles avec celles utilisées dans les 2S3/2S19 et leurs dérivés tractés ? De ce que je comprends des rares ressources dispo sur le web, les 2S5/2A36 utilisent des obus spécifiques qui sont incompatibles avec les autres canons de 152mm utilisés par l'armée russe, mais les sources sont assez médiocres donc si quelqu'un sait ? 

  10. il y a 49 minutes, mehari a dit :

    @Fusilier @Berezech Attention à l'utilisation des ORBATs datant d'avant la guerre. Entre les unités détruites, recrées, réassignées, converties, etc. il est impossible de dire si la Division telle que répertoriée en 2007 est la même que l'actuelle, surtout quand on sait que beaucoup de divisions ont été désactivée puis réétablie entre 2005 et 2020.

    En 2008, les Russes transitionnaient d'une structure largement divisionnaire à une structure basée sur des brigades indépendantes. Pour rappel, en Russie, les divisions et brigades sont des éléments de manœuvre subordonnés aux armées ou rarement aux corps¹. L'élément constitutif de la division est le régiment et ce dernier peut servir de base à une brigade qui reçoit alors des appuis équivalents à ceux d'une division mais conserve les mêmes éléments de manœuvre (infanterie et chars).

    Par conséquent, la 19e Div FM avait été convertie en brigade en 2009. La tendance a été renversée quelque part entre 2015 et 2020 et la brigade a été reconvertie en division en 2020. Une source de 2021 signale que sa force exacte est inconnue mais qu'elle compterait au moins 1 régiment de manœuvre opérationnel (le 429e FM je pense) sur les trois dont elle devrait disposer. Apparemment, des travaux était en cours dans le district de Sunzhensky, Ingouchie pour accueillir un des régiments de la division.

    https://www.cna.org/reports/2021/08/Russian-Forces-in-the-Southern-Military-District.pdf

    ¹ Je ne suis pas sûr de la différence entre les deux en Russie mais globalement un corps semble être une armée mais en plus petit. Les deux sont en revanche directement subordonnés à un district.

    C'est bien ça pour la distinction corps/armée. Le corps était une unité relativement rare dans l'armée soviétique de la fin de la guerre froide, et correspondait en gros à une petite armée, souvent à 2 ou 3 divisions de manoeuvre. ils n'étaient généralement pas subordonnées à une armée, mais étaient à égalité avec eux en dessous de l'échelon Disctrict/Front. Exception faites aux deux 'corps indépendants" (5e et 48e) qui sont une expérimentation des années 80 : une (très) grosse division à 4 brigades. 

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  11. il y a 6 minutes, Paschi a dit :

    Je ne suis pas certain que cela soit le sens de ton propos, mais il serait quand même un peu naïf de croire, que, suite à la guerre et dans un élan d'union face à l'agresseur russe, la corruption ait totalement disparue.

    Par ailleurs, la RTS est quand même un média fiable et sérieux (mais pas infaillible, je le conçois). Il y a certainement un fonds de vérité à cette histoire. Si au début de la guerre on pouvait bien trouver des excuses aux autorités ukrainiennes face aux problèmes d'approvisionnement en nourriture des forces armées, 16 mois après...

    Je crois qu'on s'est mal compris. Je ne dit pas que la corruption en Ukraine s'est miraculeusement évaporé, je dis juste que l'absence de prise en charge des besoins alimentaires par l'armée vient plus du fait que les autorités militaires se sont retrouvées avec des milliers de volontaires prêts à nourrir une armée grossissant à vue d'oeil, et qu'ils n'ont, dans un contexte où chaque ressource compte, probablement donc pas fait de l'internalisation de ces besoins une priorité. Ca ne les excuse pas, mais simplement j'ai du mal à relier ça à une question de corruption en premier lieu. Cette dernière aggrave peut être le phénomène, mais ne me semble pas être un facteur premier. Quant à RTS, loin de moi l'envie de critiquer ce média, mais il me semble que le titre de l'article est assez présomptueux quand on se base, du moins si on en croit l'article, sur le témoignage d'un bénévole au bout du rouleau. 

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  12. Il y a 5 heures, Paschi a dit :

    Après quinze mois de guerre, l'armée ukrainienne, construite sur le modèle soviétique, révèle ses failles. La corruption toujours présente a des conséquences sur l'alimentation des soldats, mais le sujet est tabou dans le pays.

    https://www.rts.ch/info/monde/14041226-pourquoi-larmee-ukrainienne-estelle-incapable-de-nourrir-correctement-ses-soldats.html

    Je ne suis pas sûr pour le coup que ça ai un grand rapport avec la corruption (qui existait incontestablement dans l'approvisionnement avant guerre). Ca ressemble plus à une armée qui a pu compter sur un formidable mouvement populaire de volontaires divers pour l'alimenter alors qu'elle grossissait et vivait à l'extérieur de ses casernes, et qui n'a donc pas vraiment songé à le faire elle-même. Et RTS est tombé sur un bénévole en Burn-Out (et on peut difficilement le juger pour ça). Alexandre Jubelin avait reçu dans le collimateur un journaliste qui avait fait un reportage sur les civils qui nourrissent l'armée Ukrainienne. 

     

  13. Il y a 8 heures, Aisym a dit :

    Donc si nos FDI n'ont que 16 VLS, pas de brouilleurs, pas de NH90, c'est à cause de l'humain? Pareil pour nos Leclerc rénovés à minima sans APS? Que notre logistique roule encore dans des camions de 40 ans?

    Non, le problème n°1, c'est l'argent, avec plus d'argent, on paye plus d'homme, on a des salaires compétitifs face au privé et on retient les nouveaux arrivants. Toute la communication autour de la "cohérence" après la "régénération", ça reste de la communication.

    Je pense que Pol n'a pas complètement tort de souligner le facteur humain, qui est un facteur limitant de la plupart des armées occidentales, US compris. Pour autant, oui, quand on voit les réductions de cible de certains programmes, même durant la prochaine LPM, on ne peut pas dire que le matériel ait été particulièrement choyé non plus. Et forcément, si demain l'engagé volontaire démarre à 2200€ net après ses classes, je ne serais pas étonné que beaucoup de jeunes se découvrent une vocation. Il faut rendre la vie militaire attractive, et ça passe par de bons équipements, de bonnes conditions de vie, une reconnaissance de la part de la nation et un bon salaire. 

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  14. il y a 12 minutes, Fred974 a dit :

    Ça paraît tellement énorme et systématique qu'on a du mal à y croire est-ce que ces informations sont croisées et vérifiées ? Auquel cas, est ce que cela pourrait être amené devant l'ONU ?

    Une partie des infos vient justement d'un rapport de l'ONU. Quant à leur fiabilité, compte tenu de ce dont on parle, je pense qu'on est au maximum de ce qu'une enquête journalistique peut obtenir, et AP a fait (comme souvent) un excellent travail : recoupage de témoignages multiples, confirmations satellites des affirmations des témoins lorsque c'est possible (notamment le lieu allégué des tombes de fortune où AP a pu vérifier qu'il y a avait bien de la terre retournée à cet endroit). 

  15. Le dernier Goya https://lavoiedelepee.blogspot.com/2023/07/des-nouvelles-de-la-goo-ukrainienne.html

     

    Par ailleurs un article intéressant (et déprimant) d'Associated Press sur les camps/prisons qui fleurissent en Ukraine occupée, où des milliers de civils ukrainiens sont maintenus en détention. L'article traite aussi du travail forcé de ces civils, notamment sur la ligne de front. Certains détaillent sont hallucinants : exécutions sommaires, tortures, etc. Ci dessous une version traduite mais je vous invite à consulter l'article original, qui comporte beaucoup de photos commentées. https://apnews.com/article/ukraine-russia-prisons-civilians-torture-detainees-88b4abf2efbf383272eed9378be13c72?taid=64af8aa88cb4af0001874873&utm_campaign=TrueAnthem&utm_medium=AP&utm_source=Twitter

    Révélation

    Des milliers de civils ukrainiens sont détenus dans des prisons russes. La Russie prévoit d'en construire de nombreuses autres

    PAR LORI HINNANT, HANNA ARHIROVA ET VASILISA STEPANENKO

    Publié à 6:24 AM UTC+2, le 13 juillet 2023

    ZAPORIZHZHIA, Ukraine (AP) - Les civils ukrainiens se sont réveillés bien avant l'aube dans un froid glacial, ont fait la queue pour l'unique toilette et ont été embarqués sous la menace d'une arme dans la remorque à bestiaux. Ils ont passé les 12 heures suivantes à creuser des tranchées sur les lignes de front pour les soldats russes.

    Nombre d'entre eux ont été contraints de porter des uniformes militaires russes trop grands qui pouvaient faire d'eux une cible, et un ancien administrateur municipal s'est promené avec des bottes de cinq tailles trop grandes. À la fin de la journée, leurs mains se recroquevillaient en griffes glacées.

    Non loin de là, dans la région occupée de Zaporizhzhia, d'autres civils ukrainiens creusent des fosses communes dans le sol gelé pour les prisonniers qui n'ont pas survécu. Un homme qui a refusé de creuser a été abattu sur place - un corps de plus pour la tombe.

    Des milliers de civils ukrainiens sont détenus à travers la Russie et les territoires ukrainiens qu'elle occupe, dans des centres allant des ailes flambant neuves des prisons russes aux sous-sols moites. La plupart d'entre eux n'ont aucun statut au regard de la législation russe.

    Et la Russie prévoit d'en détenir peut-être des milliers d'autres. Un document du gouvernement russe datant de janvier et obtenu par l'Associated Press fait état de plans visant à créer 25 nouvelles colonies pénitentiaires et six autres centres de détention dans l'Ukraine occupée d'ici à 2026.

    En outre, le président russe Vladimir Poutine a signé en mai un décret permettant à la Russie d'envoyer des personnes des territoires soumis à la loi martiale, ce qui inclut l'ensemble de l'Ukraine occupée, vers ceux qui ne le sont pas, comme la Russie. Il est ainsi plus facile de déporter indéfiniment en Russie les Ukrainiens qui résistent à l'occupation russe, ce qui s'est produit dans de nombreux cas documentés par l'AP.

    De nombreux civils sont arrêtés pour des transgressions présumées aussi mineures que le fait de parler ukrainien ou d'être simplement un jeune homme dans une région occupée, et sont souvent détenus sans inculpation. D'autres sont accusés d'être des terroristes, des combattants ou des personnes qui "résistent à l'opération militaire spéciale". Des centaines de personnes sont utilisées comme esclaves par l'armée russe pour creuser des tranchées et d'autres fortifications, ainsi que des fosses communes.

    La torture est systématique : décharges électriques répétées, coups qui fendent le crâne et fracturent les côtes, simulation d'étouffement. De nombreux anciens prisonniers ont déclaré à l'AP qu'ils avaient été témoins de décès. Un rapport des Nations unies datant de fin juin fait état de 77 exécutions sommaires de prisonniers civils et de la mort d'un homme à la suite de tortures.

    La Russie ne reconnaît pas détenir des civils, et encore moins les raisons qui la poussent à le faire. Mais les prisonniers servent de futures monnaies d'échange contre des soldats russes, et l'ONU a déclaré qu'il existait des preuves de l'utilisation de civils comme boucliers humains près des lignes de front.

    L'AP s'est entretenue avec des dizaines de personnes, dont 20 anciens détenus, d'anciens prisonniers de guerre, les familles de plus d'une douzaine de civils en détention, deux responsables des services de renseignement ukrainiens et un négociateur du gouvernement. Leurs récits, ainsi que des images satellite, des médias sociaux, des documents gouvernementaux et des copies de lettres remises par la Croix-Rouge, confirment l'existence d'un système russe à grande échelle de détention et d'abus de civils qui constitue une violation directe des conventions de Genève.

    Certains civils ont été détenus pendant des jours ou des semaines, tandis que d'autres ont disparu pendant plus d'un an. Presque toutes les personnes libérées ont déclaré avoir subi des tortures ou en avoir été témoins, et la plupart ont dit avoir été déplacées d'un endroit à l'autre sans explication.

    "Il s'agit d'un trafic d'êtres humains", a déclaré Olena Yahupova, administratrice municipale qui a été forcée de creuser des tranchées pour les Russes à Zaporizhzhia. "Si nous n'en parlons pas et gardons le silence, demain n'importe qui pourra être là - mon voisin, une connaissance, un enfant.

    PRISONNIERS INVISIBLES

    Le nouveau bâtiment situé dans l'enceinte de la colonie pénitentiaire n° 2 est haut d'au moins deux étages et est séparé de la prison principale par un mur épais.

    Cette installation située dans la région de Rostov, dans l'est de la Russie, a été agrandie depuis le début de la guerre en février 2022, d'après les images satellite analysées par l'AP. Il pourrait facilement abriter les centaines de civils ukrainiens qui y seraient détenus, selon d'anciens captifs, des familles de disparus, des militants des droits de l'homme et des avocats russes. Deux défenseurs des droits de l'homme russes en exil ont déclaré qu'il était lourdement gardé par des soldats et des véhicules blindés.

    Le bâtiment de Rostov fait partie d'au moins 40 centres de détention en Russie et au Belarus, et il y a 63 centres de fortune et officiels dans le territoire ukrainien occupé où des civils ukrainiens sont détenus, selon une carte de l'AP établie à partir de données provenant d'anciens captifs, de l'Ukrainian Media Initiative for Human Rights et du groupe russe de défense des droits de l'homme Gulagu.net. Le récent rapport de l'ONU a recensé un total de 37 installations en Russie et au Belarus et 125 en Ukraine occupée.

    Certains détiennent également des prisonniers russes accusés ou condamnés pour divers crimes. D'autres lieux, plus improvisés, se trouvent près des lignes de front, et l'AP a recueilli des informations sur deux sites où, selon d'anciens prisonniers, des Ukrainiens ont été contraints de creuser des tranchées.

    La nature obscure du système fait qu'il est difficile de savoir exactement combien de civils sont détenus. Le gouvernement ukrainien a été en mesure de confirmer les détails juridiques d'un peu plus de 1 000 personnes inculpées.

    Au moins 4 000 civils sont détenus en Russie et au moins autant sont dispersés dans les territoires occupés, selon Vladimir Osechkin, un militant russe des droits de l'homme en exil qui s'entretient avec des informateurs dans les prisons russes et a fondé Gulagu.net pour documenter les abus. M. Osechkin a montré à AP un document de prison russe datant de 2022 indiquant que 119 personnes " opposées à l'opération militaire spéciale " en Ukraine ont été transférées par avion vers la principale colonie pénitentiaire dans la région russe de Voronezh. De nombreux Ukrainiens libérés plus tard par la Russie ont également décrit des transferts inexpliqués par avion.

    Au total, le gouvernement ukrainien estime qu'environ 10 000 civils pourraient être détenus, selon le négociateur ukrainien Oleksandr Kononeko, sur la base de témoignages de proches, d'entretiens avec certains civils après leur libération et de centaines de soldats ukrainiens restitués dans le cadre d'échanges de prisonniers. L'Ukraine a déclaré en juin qu'environ 150 civils avaient été libérés sur le territoire contrôlé par l'Ukraine, et les Russes nient en détenir d'autres.

    Ils disent : "Nous n'avons pas ces personnes, c'est vous qui mentez"", a déclaré M. Kononeko.

    La détention de deux hommes de la région de Kherson en août 2022 donne un aperçu de la difficulté pour les familles de retrouver leurs proches détenus par la Russie.

    Artem Baranov, agent de sécurité, et Yevhen Pryshliak, qui travaillait avec son père dans une usine d'asphalte locale, étaient amis depuis plus de dix ans. Leur relation s'est consolidée lorsque tous deux ont acheté des chiens pendant la pandémie de coronavirus, selon Ilona Slyva, la belle-famille de Baranov. Leurs promenades nocturnes se sont poursuivies même après la prise de leur ville natale de Nova Kakhovka par la Russie - le timide Baranov avec un mastiff italien noir géant et Pryshliak avec un caniche jouet dont la fourrure abricot était assortie à sa barbe.

    Leur promenade s'est terminée tard dans la nuit du 15 août, et Pryshliak a décidé de rester dans l'appartement de Baranov plutôt que de risquer d'être surpris en train d'enfreindre le couvre-feu russe. Des voisins ont ensuite raconté à la famille que 15 soldats russes armés avaient débarqué, saccagé l'appartement et s'étaient emparés des deux hommes.

    Pendant un mois, ils sont restés dans la prison locale, avec des conditions suffisamment souples pour que Slyva puisse parler à Pryshliak à travers la clôture. Baranov, lui a-t-il dit, ne pouvait pas sortir.

    Elle a envoyé des colis de nourriture et de vêtements, mais ne savait pas s'ils lui parvenaient. Enfin, le jour de l'anniversaire de Baranov, elle a acheté son dessert préféré, des éclairs à la crème, les a écrasés et y a glissé un bout de papier sur lequel était griffonné son nouveau numéro de téléphone russe. Elle espérait que les gardes se désintéresseraient de ce gâchis collant et se contenteraient de le transmettre.

    Un mois plus tard, les familles ont appris que les hommes avaient été transférés dans une nouvelle prison à Sébastopol, en Crimée. Puis la piste s'est obscurcie.

    Quatre mois se sont encore écoulés. Puis la famille d'un homme qu'ils n'avaient jamais rencontré, mais qu'ils allaient bientôt apprendre à bien connaître, leur a téléphoné : Pavlo Zaporozhets.

    Zaporozhets, un Ukrainien de la région occupée de Kherson accusé de terrorisme international, partageait une cellule à Rostov avec Baranov. Comme il était inculpé, il avait un avocat.

    C'est alors que Slyva a su que son cadeau d'éclairs - et le numéro de téléphone dissimulé à l'intérieur - était arrivé à destination. Baranov avait mémorisé son numéro et l'avait fait passer par une chaîne complexe qui avait finalement permis à Slyva d'avoir des nouvelles de lui le 7 avril.

    Baranov a écrit qu'il était accusé d'espionnage - une accusation que Slyva a méprisée, estimant qu'elle ne correspondait pas à la logique interne de la Russie. Il a été arrêté en août et la Russie n'a annexé illégalement les régions qu'en octobre.

    "Lorsqu'il a été détenu, il se trouvait sur son propre territoire national", a-t-elle déclaré. "Ils ont réfléchi et inventé un dossier criminel contre lui pour espionnage.

    Baranov a écrit chez lui qu'il avait été transporté d'une prison à l'autre les yeux fermés dans deux avions, dont l'un contenait environ 60 personnes. Pryshliak et lui ont été séparés lors de leur troisième transfert à la fin de l'hiver. La famille de Pryshliak a reçu une lettre type de la prison de Rostov niant qu'il y soit détenu.

    Le nombre de détenus civils a augmenté rapidement au cours de la guerre. Lors de la première vague, les unités russes sont arrivées avec des listes d'activistes, de dirigeants de communautés pro-ukrainiennes et de vétérans de l'armée. Le maire de Melitopol, Ivan Fedorov, a été capturé lorsque les forces russes ont pris le contrôle de sa ville, mais il a été échangé dans la semaine contre neuf soldats russes, a-t-il déclaré.

    Ils se sont ensuite concentrés sur les enseignants et les médecins qui refusaient de collaborer avec les autorités d'occupation. Mais aujourd'hui, les motifs d'arrestation sont aussi banals que d'attacher un ruban aux couleurs ukrainiennes (bleu et jaune) à une bicyclette.

    "Aujourd'hui, il n'y a plus de logique", a déclaré M. Fedorov.

    Il estime qu'environ 500 civils ukrainiens sont détenus à tout moment dans sa ville, des chiffres repris par de nombreuses personnes interrogées par l'AP.

    Un responsable des services de renseignement ukrainiens a déclaré que la crainte des dissidents par les Russes était devenue "pathologique" depuis l'automne dernier, alors que les Russes se préparent à la contre-offensive de l'Ukraine. Le fonctionnaire a parlé sous le couvert de l'anonymat pour discuter de la situation.

    L'AP a vu de nombreux avis de disparition postés sur des réseaux sociaux ukrainiens fermés pour des jeunes hommes arrêtés dans la rue. Les messages, rédigés en ukrainien, décrivent des détentions sous la menace d'une arme à la maison et dans la rue, avec des appels à envoyer des informations et des émojis de cœurs et de mains en prière.

    Les conventions de Genève interdisent en général la détention arbitraire ou la déportation forcée de civils et stipulent que les détenus doivent être autorisés à communiquer avec leurs proches, à obtenir un avocat et à contester les allégations portées contre eux. Mais il faut d'abord les retrouver.

    Après des mois passés à écrire lettre après lettre pour retrouver Pryshliak, sa belle-sœur Liubov pense savoir pourquoi les prisonniers sont déplacés : "Pour que les familles ne les retrouvent pas. Juste pour cacher les traces des crimes".

    LES ESCLAVES DANS LES TRANCHÉES

    Des centaines de civils se retrouvent dans un endroit peut-être encore plus dangereux que les prisons : les tranchées de l'Ukraine occupée.

    Là, ils sont contraints de construire des protections pour les soldats russes, selon plusieurs personnes qui ont réussi à quitter la détention russe. Parmi elles, Yahupova, administratrice civile de 50 ans, a été arrêtée en octobre 2022 dans la région de Zaporizhzhia, probablement parce qu'elle est mariée à un soldat ukrainien.

    En vertu du droit international humanitaire, Mme Yahupova est une civile - définie comme toute personne qui n'est pas un membre actif ou un volontaire des forces armées. Les violations avérées de ce droit constituent un crime de guerre et, si elles sont généralisées et systématiques, "peuvent également constituer un crime contre l'humanité".

    Mais la distinction entre soldats et civils peut être difficile à prouver dans une guerre où l'Ukraine a exhorté tous ses citoyens à l'aider, par exemple en envoyant l'emplacement des troupes russes via les médias sociaux. Dans la pratique, les Russes ramassent des civils en même temps que des soldats, y compris ceux qui ont été dénoncés par leurs voisins pour une raison quelconque ou qui ont été saisis apparemment au hasard.

    Ils sont allés chercher Mme Yahupova chez elle en octobre. Ils ont ensuite exigé qu'elle leur révèle des informations sur son mari, en lui collant un sac en plastique sur le visage, en la frappant à la tête avec une bouteille d'eau remplie et en lui serrant un câble autour du cou.

    Ils l'ont également sortie de sa cellule et l'ont conduite dans la ville pour qu'elle identifie les habitants pro-ukrainiens. Elle ne l'a pas fait.

    Lorsqu'ils l'ont sortie une deuxième fois, elle était épuisée. Lorsqu'un soldat l'a placée devant une caméra d'information russe, elle pouvait encore sentir le sang séché sur sa nuque. Ses ravisseurs lui ont dit qu'elle allait donner une interview.

    Derrière la caméra, un pistolet est pointé sur sa tête. Le soldat qui la tient lui dit que si elle donne les bonnes réponses au journaliste russe qui l'interviewe, elle pourra être libérée.

    Mais elle ne sait pas quelles sont les bonnes réponses. Elle retourne dans la cellule.

    Trois mois plus tard, sans explication, Mme Yahupova a de nouveau été emmenée à l'extérieur. Cette fois, elle a été conduite à un poste de contrôle désert, où une autre équipe de journalistes russes l'attendait. On lui a ordonné de tenir la main de deux hommes et de marcher environ 5 mètres en direction de l'Ukraine.

    Les trois Ukrainiens ont reçu l'ordre de faire une autre prise. Et une autre, pour montrer que la Russie libérait les civils ukrainiens qu'elle détenait.

    Sauf qu'à la fin de la dernière prise, des soldats russes les ont fait monter dans un camion et les ont conduits à un carrefour proche. L'un d'eux leur a mis des pelles dans les mains.

    Maintenant, vous allez faire quelque chose pour le bien de la Fédération de Russie", a-t-il déclaré.

    C'est ainsi que Mme Yahupova s'est retrouvée à creuser des tranchées jusqu'à la mi-mars avec plus d'une douzaine de civils ukrainiens, dont des chefs d'entreprise, un étudiant, un enseignant et des travailleurs des services publics. Elle pouvait voir d'autres équipes au loin, avec des gardes armés qui les surveillaient. La plupart portaient des uniformes et des bottes militaires russes et vivaient dans la crainte que l'artillerie ukrainienne ne les prenne pour l'ennemi.

    L'AP a confirmé par imagerie satellite les nouvelles tranchées creusées dans la zone où Mme Yahupova et un homme de l'équipage ukrainien qui l'accompagnait ont déclaré avoir été détenus. Il a demandé l'anonymat car ses proches vivent toujours sous l'occupation.

    "Parfois, nous avons même travaillé 24 heures sur 24, lorsqu'une inspection était prévue", a-t-il déclaré.

    L'homme a également parlé avec d'autres civils ukrainiens qui creusaient des fosses communes à proximité pour au moins 15 personnes. Il a indiqué qu'un civil avait été abattu pour avoir refusé de creuser. Les images satellite montrent un monticule de terre fraîchement creusé à l'endroit décrit par l'homme.

    L'homme s'est échappé lors d'une rotation des troupes russes, et Mme Yahupova a également réussi à s'échapper. Mais tous deux ont déclaré que des centaines d'autres personnes se trouvaient toujours sur les lignes de front occupées, forcées de travailler pour la Russie ou de mourir.

    Lorsque Mme Yahupova est rentrée chez elle après plus de cinq mois, tout avait été volé. Son chien bien-aimé avait été abattu. Elle avait mal à la tête, sa vue était brouillée et ses enfants, qui avaient quitté les territoires occupés depuis longtemps, la pressaient de partir.

    Elle a parcouru des milliers de kilomètres à travers la Russie, au nord jusqu'aux pays baltes et de nouveau jusqu'à la ligne de front en Ukraine, où elle a retrouvé son mari qui servait dans les forces ukrainiennes. Après s'être mariés civilement, ils se sont mariés à l'église.

    Désormais en sécurité sur le territoire ukrainien, Mme Yahupova veut témoigner contre la Russie - pour les mois qu'elle lui a volés, pour la commotion cérébrale qui la perturbe, pour la maison qu'elle a perdue. Par réflexe, elle touche encore l'arrière de sa tête, là où la bouteille l'a frappée à maintes reprises.

    "Ils ne m'ont pas seulement volé, ils ont volé la moitié du pays", a-t-elle déclaré.

    LA TORTURE EN TANT QUE POLITIQUE

    Les abus décrits par Mme Yahupova sont courants. La torture était une constante, qu'il y ait ou non des informations à extraire, selon tous les anciens détenus interrogés par l'AP. Le rapport de l'ONU de juin indique que 91 % des prisonniers "ont décrit des actes de torture et des mauvais traitements".

    Dans les territoires occupés, tous les civils libérés interrogés par l'AP ont décrit des pièces et des cellules bondées, des instruments de torture préparés à l'avance, du ruban adhésif placé soigneusement à côté de chaises de bureau pour lier les bras et les jambes, et des interrogatoires répétés par l'agence de renseignement russe FSB. Près de 100 photos de preuves obtenues par l'AP auprès d'enquêteurs ukrainiens montrent également des instruments de torture trouvés dans les zones libérées de Kherson, Kiev et Kharkiv, y compris les mêmes outils décrits à plusieurs reprises par d'anciens captifs civils détenus en Russie et dans les régions occupées.

    De nombreux anciens détenus ont parlé de fils reliant le corps des prisonniers à l'électricité des téléphones de campagne, des radios ou des batteries, selon une procédure que les Russes surnommaient "appelez votre mère" ou "appelez Biden". Les enquêteurs des droits de l'homme de l'ONU ont déclaré qu'une victime avait décrit le même traitement que celui infligé à Mme Yahupova, à savoir un violent coup sur la tête avec une bouteille d'eau remplie.

    Viktoriia Andrusha, professeur de mathématiques dans une école primaire, a été arrêtée par les forces russes le 25 mars 2022, après qu'elles aient saccagé la maison de ses parents à Chernihiv et trouvé des photos de véhicules militaires russes sur son téléphone. Le 28 mars, elle se trouvait dans une prison en Russie. Ses ravisseurs lui ont dit que l'Ukraine était tombée et que personne ne voulait plus de civils.

    Pour elle, comme pour tant d'autres, la torture a pris la forme de coups de poing, de matraques de métal, de bois et de caoutchouc, de sacs en plastique. Des hommes en noir, avec des chevrons des forces spéciales sur leurs manches, l'ont frappée dans le couloir de la prison et dans une pièce carrelée de céramique apparemment conçue pour un nettoyage rapide. Au-dessus d'elle, une télévision diffuse de la propagande russe.

    Il y a eu un moment où j'étais déjà assise et où je disais : "Honnêtement, fais ce que tu veux de moi : Honnêtement, faites ce que vous voulez de moi. Je n'en ai plus rien à faire", a déclaré M. Andrusha.

    À la torture physique s'ajoute l'angoisse mentale. On a répété à Andrusha qu'elle mourrait en prison en Russie, qu'on la tailladerait avec des couteaux jusqu'à ce qu'elle soit méconnaissable, que son gouvernement ne se souciait pas d'une institutrice captive, que sa famille l'avait oubliée, que sa langue était inutile. Ils ont forcé les captives à apprendre par cœur, couplet après couplet, l'hymne national russe et d'autres chants patriotiques.

    "Leur travail consistait à nous influencer psychologiquement, à nous montrer que nous n'étions pas humains", a-t-elle déclaré. "Notre tâche était de nous assurer que tout ce qu'ils nous faisaient ne nous affectait pas.

    Puis, un jour, sans explication, c'en est fini d'elle et d'une autre femme qui l'accompagnait. Les gardiens leur ont ordonné de faire leurs bagages, les ont menottées et les ont mises dans un bus. Le poids qu'Andrusha a perdu en prison transparaît dans la veste élimée qui pend sur ses épaules.

    Ils sont bientôt rejoints par des soldats ukrainiens retenus en captivité ailleurs. De l'autre côté, Andrusha a vu trois soldats russes. Bien que le droit international interdise l'échange de civils comme prisonniers de guerre, le rapport de l'ONU du 27 juin indique que cela s'est produit dans au moins 53 cas, et le maire de Melitopol, M. Fedorov, a confirmé que cela lui était arrivé.

    Un homme détenu avec Andrusha en mars 2022 est toujours en captivité. Elle ne connaît pas le sort des autres personnes qu'elle a rencontrées. Mais de nombreux anciens captifs se chargent de contacter les proches de leurs anciens compagnons de cellule.

    Mme Andrusha se souvient des heures passées à mémoriser des numéros de téléphone chuchotés en cercle avec d'autres Ukrainiens, dans l'espoir que l'un d'entre eux puisse s'échapper. Lorsqu'elle a été libérée, elle les a transmis à des représentants du gouvernement ukrainien.

    Depuis, Andrusha a repris un peu de poids. Elle parle de ses six mois de prison avec calme mais aussi avec colère.

    "J'ai pu survivre à cette épreuve", a-t-elle déclaré, après une journée passée en classe avec ses élèves. "Il y a tant de cas où les gens ne reviennent pas.

    En attendant, pour les proches, l'attente est un calvaire.

    Le père d'Anna Vuiko a été l'un des premiers civils détenus, en mars de l'année dernière. Ancien ouvrier d'une usine de verre en invalidité, Roman Vuiko avait résisté lorsque des soldats russes avaient tenté de prendre possession de sa maison dans la banlieue de Kiev, comme l'ont raconté des voisins à sa fille adulte. Ils ont fait entrer un camion militaire dans la cour, brisé les vitres, menotté l'homme de 50 ans et sont repartis.

    En mai 2022, Vuiko se trouvait dans une prison à Koursk, en Russie, à des centaines de kilomètres de là. Depuis, sa fille n'a reçu de lui qu'une lettre manuscrite, arrivée six mois après son départ et quatre mois après qu'il l'ait écrite. Les phrases types n'ont rien dit à sa fille, si ce n'est qu'il était en vie, et elle soupçonne qu'il n'a reçu aucune de ses lettres.

    "J'y pense tous les jours", a-t-elle déclaré. "Cela fait un an, plus d'un an. ... Combien de temps doit-il encore s'écouler ?"

     

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