C’est un message populaire. olivier lsb Posté(e) le 18 juin 2023 C’est un message populaire. Share Posté(e) le 18 juin 2023 (modifié) il y a 15 minutes, Ciders a dit : Plus sérieusement, on en revient de plus en plus (en tout cas en apparence) à des procédés de mobilisation de la population assez proches de l'époque soviétique : programmes scolaires aux ordres, jeunesse de plus en plus soumise à la propagande, militarisation. Les mouvements destinés à la jeunesse ne sont pas encore le pendant XXIè siècle du Komsomol mais ça commence à s'en rapprocher aussi. Et qui aurait parié sur des drapeaux soviétiques flottant fièrement à Saint-Pétersbourg durant une cérémonie officielle en 2023 ? Moi, sans aucune hésitation. Il n'y a cas voir la popularité de l'URSS au sein de la communauté des Siloviki et de l'armée pour comprendre que ce n'était qu'une question de temps, à mesure que le conflit s'enlise. La seule chose qui ne ressuscitera pas, c'est le parti communiste car à l'époque, c'est lui et non les Siloviki qui détenait le pouvoir. Mais le drapeau rouge, ce n'est pas que le symbole d'un parti mais plutôt l'emblème d'une époque. Je te rejoins pour le reste, il y a une processus de montée aux extrêmes dans la Russie d'aujourd'hui. Et pour en parler cet excellent reportage de Vitkine sur le Moscou de la guerre. J'insiste pour qu'il soit lu, de Diou, car on va entendre après qu'on fait dans la caricature entre des méchants Russes mangeur d'enfants (non le pouvoir ne les mange pas.... Pire, il les endoctrine et ça conduira à leur perte) versus des gentils Ukrainiens (se battre pour défendre ses terres, rien de méchant ou de gentil). Peu à peu, même à Moscou, on voit la guerre s'installer et s'immiscer dans la vie des gens. Et par les plus vilains des réflexes: dénonciations, ronde de surveillance, peur, auto-censure, PTSD... Le dernier paragraphe annonce des jours bien sombre. https://www.lemonde.fr/international/article/2023/06/18/moscou-la-vie-dans-une-bulle-loin-de-la-guerre_6178133_3210.html Citation Moscou, la vie dans une bulle, loin de la guerre Par Benoît Vitkine (Moscou, correspondant)Publié aujourd’hui à 06h45, modifié à 11h48 Reportage - Visée pour la première fois par des drones, fin mai, la capitale russe affecte l’insouciance. Les bars et les restaurants ne désemplissent pas, les festivals de rue se multiplient, masquant une autre réalité, les magasins fermés, les cours obligatoires de patriotisme à l’école et les conversations étouffées. Voilà donc à quoi ressemble la dernière ligne de front de la guerre en Ukraine : des bancs au soleil où de jeunes couples sirotent des latte, des aires de jeux qui résonnent de cris d’enfants, des plates-bandes bien entretenues sur lesquelles des vieilles dames promènent leur chien à petits pas tranquilles. Le numéro 98 de la rue des Syndicats, à une demi-heure en métro du centre de Moscou, forme un carré de tours typique des périphéries de la capitale russe, avec ses hautes constructions sans charme disposées le long d’interminables chaussées à six voies. Mais, à l’abri des cours d’immeubles noyées de végétation, le bruit de la mégapole de 13 millions d’habitants parvient comme étouffé, sans parvenir à troubler la quiétude d’un début d’été. C’est aussi à cette adresse, à l’aube du 30 mai, que s’est abattu un drone – le plus proche du centre-ville, parmi la vingtaine détruite ce jour-là. L’appareil a brisé les vitres d’un appartement du 16e étage avant de se figer dans le salon sans exploser et sans faire de victime. « Les trois premiers jours, je n’ai pas cessé d’y penser, reconnaît Alexeï K., un riverain qui, en ce dimanche de début juin, regarde son fils jouer sur un agrès ultramoderne. Comment imposer ça au petit ? Et puis la crainte s’est estompée. Ça ne tombe jamais deux fois au même endroit, dit-on… » Pendant des années, pour justifier petites et grosses avanies, les Russes n’ont cessé de répéter : « La stabilité avant tout » ou « Tant que nous n’avons pas la guerre… » Aujourd’hui, la stabilité gît au fond d’une tranchée ukrainienne et la guerre frappe à la fenêtre des Moscovites. Et pourtant les habitants de la capitale continuent de hausser les épaules. L’aire de jeux de l’immeuble numéro 98 de la rue des Syndicats, où s’est abattu un drone le 30 mai 2023, à Moscou, le 14 juin 2023. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » Résilience ? Flegme ? Apathie ? Soumission ? On croit même rêver, en entendant Irina G., retraitée qui pratique la marche rapide : « C’est loin, tout ça ! » Quatre étages séparent son appartement de celui où le drone s’est abîmé. Mais, cette nuit-là, la vieille femme dormait à la datcha, à quelques kilomètres de Moscou. Loin, donc. « On les bombarde, ils nous bombardent… » Pour expliquer ce qui s’est passé, la retraitée et le père de famille emploient la même formule : « On les bombarde, ils nous bombardent… » Aucun jugement dans ce constat. Personne ne songerait, comme le font les autorités après chaque incident en territoire russe, à crier à « l’attaque terroriste ». Un an et demi après le début de l’invasion, « l’opération militaire spéciale » est simplement devenue une donnée, une réalité avec laquelle il faut composer. Pas question ici de morale, de grands principes. « Ce n’est pas le premier bouleversement que j’affronte », affirme la retraitée Irina G., citant pêle-mêle la chute de l’URSS, la crise financière de 1998, et la mort d’un fils. Les graffitis sur les murs, quel que soit leur contenu, sont immédiatement repeints par les services municipaux. A Moscou, 14 juin 2023. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » Seul, un jeune homme promenant son chien se permet une réflexion d’ordre politique : « Il faudrait que ça cesse. Le mieux aurait été que ça ne commence jamais… » La peur est une autre donnée : il faut comprendre à demi-mot l’audace d’une telle déclaration. Des Moscovites ont été arrêtés et condamnés pour des commentaires livrés à des journalistes ; d’autres dénoncés pour les articles qu’ils lisaient dans le métro, sur leur téléphone. Dans le camp opposé, la parole est plus libre. Une grand-mère, qui promène son petit-fils, brandit la menace nucléaire avec un grand sourire, citant le président russe Vladimir Poutine : « Nous irons au paradis pendant que vous [les Occidentaux] vous contenterez de crever. » Tout est fait pour que les habitants de la capitale restent dans leur bulle. « Loin », comme le dit Irina G. Le 30 mai, il n’a fallu que quelques heures aux services communaux pour faire disparaître les traces laissées par la chute d’une vingtaine de drones. La capitale russe dispose d’un budget important (six fois celui de Paris) et de services publics ultraperformants. En vingt ans, la qualité de vie y a bondi, et ni la municipalité ni ses habitants ne sont prêts à voir disparaître cet acquis. Une capitale ultraconnectée A la différence de nombreuses autres villes en Russie, Moscou ne cherche pas à saturer l’espace public de rappels de la guerre. Les « Z », symbole de l’invasion, se font rares sur les édifices publics. Dans certains cas, les riverains se plaignaient… A vrai dire, ils ont aussi disparu des capots des voitures particulières. Faut-il conclure que le soutien à « l’opération militaire spéciale » s’estompe ? Probablement pas. Le symbole n’a jamais été adopté de façon unanime : trop exotique, ce caractère latin, trop agressif. On le voit plus souvent en province, et davantage sur les voitures bas de gamme que sur les grosses cylindrées allemandes dont le nombre est le signe manifeste de la richesse moscovite. Une voiture avec le portrait de Vladimir Poutine et la lettre « Z » sur les bords, symbole de l’invasion en Ukraine, lors du rassemblement pour la fête nationale Jour de la Russie, à Moscou, le 12 juin 2023. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » Une affiche de promotion de l’armée russe dans le métro de Moscou, le 14 juin 2023. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » La présence la plus visible de la guerre, ce sont les affiches de recrutement, panneaux géants installés au bord des routes, pour l’armée et plus rarement pour le groupe de mercenaires Wagner. En version plus petite, elles sont présentes dans tous les magasins, ceux réservés aux hipsters comme ceux que fréquentent les travailleurs immigrés. Impossible pour les propriétaires de refuser. « Rejoins les tiens », « fais quelque chose de ta vie »… et surtout la promesse d’un salaire qui défie toute concurrence : 204 000 roubles au minimum (environ 2 220 euros), quand le salaire médian en Russie s’établit à 44 000 roubles (480 euros). D’autres panneaux vantent les « héros de la Russie », portraits immenses sur lesquels s’affiche un visage, un nom, un grade… et un QR code, incontournable d’une capitale ultraconnectée. Les rares curieux qui scannent le code en sont pour leurs frais : les détails sont pauvres et semblent tout droit sortis du scénario d’un film de guerre soviétique : « Le lieutenant Ivan Rebrov a couvert son unité en détruisant deux chars à l’aide d’un lance-grenades. » Surtout, impossible de connaître le destin de ceux que la Russie appelle ses « héros ». Sont-ils morts ou vivants ? Une zone grise La guerre, vue de la capitale russe, ressemble elle aussi à un no man’s land, à une zone grise : omniprésente et invisible ; hurlée à la télévision, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et absente des conversations dans la rue, dans les cafés. La prudence, là encore, mais pas seulement. Dans un train de banlieue, fin mai, une retraitée et sa belle-fille cheminent ensemble vers Moscou. Tout à coup, des éclats de voix pas assez étouffés, une dispute : « Nazis », « OTAN », « Boutcha »… La plus âgée soutient la guerre, la jeune s’y oppose, comme c’est souvent le cas. Cela dure cinq ou dix minutes, puis on se tait. A quoi bon persister ? Tout a été dit, les positions sont connues, ressassées cent fois depuis ce 24 février 2022, début de l’invasion… Et puis il faut bien vivre. Va-t-on se brouiller pour ces choses, sur lesquelles on n’a aucune influence, dangereuses peut-être ? Mieux vaut le silence, le même qui, pendant les décennies soviétiques, s’imposait dans les familles quant au sort des aïeux disparus après avoir été tirés du lit en pleine nuit. Dans le train de banlieue, la conversation reprend son cours normal : « Tu as vu comme les lilas sont beaux cette année ? » Réalisation de photos de mode, à Moscou, le 14 juin 2023. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » Près du musée d’art contemporain GES-2, à Moscou (Russie), le 14 juin 2023. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » Il faut bien vivre, faire le dos rond, c’est aussi ce que dit Olga K., 52 ans, employée administrative dans une école. Au début du mois de mai, sans aucun préavis, sa direction lui a enjoint de patrouiller de nuit sur le territoire de l’établissement où elle travaille. Sa mission : signaler tout incident, guetter dans le ciel le passage de drones ou d’éventuels éclats tombés au sol. Moscou s’apprêtait à célébrer le 9-Mai, la fête que vénère Vladimir Poutine. Des milliers de fonctionnaires de la capitale ont été réquisitionnés. « On comprenait tous que cela n’avait aucun sens, relate Olga K., mais personne n’a discuté. C’est la même chose quand on nous demande de participer à l’organisation des élections, à l’école, ou de faire une photo de notre propre bulletin de vote. Il y a un ordre et on l’applique. Sinon, ce sont les primes qui sautent. » Celles distribuées pour les patrouilles de nuit du mois de mai ont été exceptionnellement élevées : 7 000 roubles (76 euros) pour douze heures de veille, de 17 heures à 5 heures. Une grande partie du revenu d’Olga K. dépend de ces primes, dont la distribution se fait au bon vouloir de la direction, ou d’autres sources plus inattendues, comme la revente au noir de métal. Alors la guerre… « Des gens meurent, je n’aime pas ça », se contente-t-elle de dire, formule passe-partout et prudente. La vraie « tragédie » que mentionne l’employée, ce sont les congés de début mai, sacrés pour les Russes et passés à la trappe cette année. D’ordinaire, à cette époque, Olga K. rejoint la datcha et son potager, son royaume – là où, enfin, admet-elle, elle peut ne penser à rien. « C’est impossible de savoir qui a raison » Egoïsme ? Comment le savoir ? Sont-ils indifférents, ces groupes de jeunes qui boivent joyeusement sur la rue Pokrovka, l’une des artères de Moscou ou restaurants et cafés à la mode sont à touche-touche ? Les sourires, les habits d’été légers peuvent être trompeurs. Devant un bar, un jeune homme s’étoufferait presque : « Je me suis brouillé avec l’intégralité de ma famille et plusieurs de mes amis parce que je suis contre la guerre ; une grande partie de mes proches a fui le pays ; je veux au moins pouvoir boire un coup avec des gens qui pensent comme moi… On ne peut pas passer son temps à pleurer. » Plus loin, devant un restaurant de street food coréenne qui ne désemplit pas, une étudiante l’avoue d’emblée : depuis un an et demi, elle ne regarde plus les nouvelles ; elle s’est même désabonnée des chaînes d’information qu’elle suivait auparavant sur Telegram. Certes, dit-elle, elle ne fait pas confiance à la télévision, mais : « Tout ça est trop angoissant, et puis c’est impossible de savoir qui a raison, nous ne sommes pas experts. » Un troisième, que ses cheveux bleus inciteraient à classer parmi les rebelles, élude : « Je ne fais pas de politique. » Son cousin, pourtant, a été mobilisé. Dans le métro de Moscou, le 14 juin 2023. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » Dans un restaurant coréen de la rue Pokrovka, à Moscou, 12 juin 2023. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » Le soir, dans les cuisines moscovites, on discute librement de l’état du pays, de sa dérive. Et le matin, on met en garde les enfants avant qu’ils partent à l’école : surtout ne rien dire, ne pas même poser de questions lors de ces cours de patriotisme nouvellement introduits dans les écoles, où l’on rejoue sans fin la lutte de la Russie contre les hordes fascistes. Dans les premiers mois du conflit, il était possible de louvoyer, de s’abriter derrière des mots d’excuse ; aujourd’hui, les parents qui n’envoient pas leurs enfants à ces leçons, ou les professeurs de mauvaise volonté, sont dénoncés. Les festivals de rue sont de retour Ils sont tout aussi indéchiffrables, ces drapeaux tricolores fièrement brandis par les foules qui participent aux événements patriotiques organisés par les autorités fédérales ou municipales. Certains, fonctionnaires ou salariés de grandes entreprises, y sont envoyés par leur direction par autobus entiers. Eux aussi doivent se prendre en photo pour prouver leur présence ; certains s’avouent parfaitement indifférents au destin de l’Ukraine ou à la façon dont le pouvoir utilise leur image. D’autres sont réellement enthousiastes : ce grand retour de la Russie sur la scène mondiale est une fête, on amène ses enfants pour leur faire découvrir la joie du patriotisme. La désignation de l’Occident comme ennemi principal est aussi passée par là, qui a contribué à resserrer les rangs dans la population. L’effervescence moscovite est de toute façon peu propice aux introspections. La guerre n’en est pas venue à bout, pas plus que la présence policière décuplée depuis février 2022, ou le départ de dizaines ou de centaines de milliers de jeunes parmi les plus qualifiés. La mégapole a seulement semblé s’assagir en septembre, au moment de la mobilisation. On a alors pu voir, en pleine ville, des autobus hors d’âge emmener des hommes vers des bases militaires, des couples en larmes. Pendant quelques semaines, dans les restaurants, les hommes, justement, se faisaient plus rares. Des entreprises encourageaient leurs employés à travailler à distance, peu désireuses de les voir partir. Les visages paraissaient plus graves. Une femme pose devant la garde nationale avec un drapeau russe inversé pendant la célébration de la Journée de la Russie, à Moscou, le 12 juin 2023. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » Le centre-ville de Moscou, le 14 juin 2023. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » Puis la vie a repris, les parcs ont refleuri. Au printemps, des armées de travailleurs migrants, originaires d’Asie centrale, ont été envoyées planter des tulipes sur les boulevards. Les mêmes sont la cible d’intenses campagnes de recrutement, voire de pressions pour rejoindre l’armée. Les festivals de rue, aussi, sont de retour. La mairie navigue habilement : une semaine un thème patriotique ; la suivante, le tigre de l’Amour, le patrimoine scientifique de la capitale… Le maire, Sergueï Sobianine, inaugure les stations de métro à un rythme qui ferait pâlir d’envie d’autres métropoles européennes. On ne prête même plus attention aux changements provoqués par les sanctions internationales ou par le départ de firmes étrangères. Dans les restaurants de luxe, les clients mangent plus souvent des huîtres venues de Crimée ou d’Extrême-Orient – les Françaises sont devenues plus difficiles à trouver. Les jeunes se bousculent au Vkousno i totchka (« C’est bon et puis c’est tout »), enseigne qui a remplacé McDonald’s, sans se poser de question. « Importations parallèles » Les amateurs de Coca-Cola se sont repliés sur le Dobry-Cola national (« Gentil-Cola », puisque en Russie comme en URSS avant elle, tout ne peut être que « gentil », politique étrangère incluse) ; ou bien ils trouvent des bouteilles à l’origine improbable, comme cette canette dont l’étiquette indique qu’elle a été produite à Bagram, en Afghanistan. Prix : moins de 1 euro, miracle des « importations parallèles » russes. Près de Vkousno i totchka (« C’est bon et puis c’est tout »), enseigne qui a remplacé MacDonald’s, à Moscou, 14 juin 2023. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » Les voitures chinoises sont devenues aussi banales que les cosmétiques coréens ou les vêtements turcs. L’effet de ce grand basculement est plus incertain s’agissant des médicaments, et certains sont en pénurie chronique. Dans les centres commerciaux, on ne fait plus attention aux quelques enseignes fermées, celles des firmes occidentales sorties du marché russe se contentant d’évoquer pour leurs clients locaux des « raisons techniques ». Les cinémas, eux, ont enrayé la chute de la fréquentation en diffusant ouvertement des copies piratées des films américains. Les exploitants s’embarrassent de moins en moins à trouver des subterfuges : pour Avatar 2, le réseau de salles Kinomax vendait des billets pour un court-métrage de sept minutes, faisant semblant de proposer comme « service gratuit d’avant-séance » la diffusion des trois heures du film hollywoodien. Et puis, il y a ceux qu’on ne voit pas, ceux qui restent la plupart du temps enfermés chez eux, déprimés autant par l’état de leur pays que par les nouvelles venues d’Ukraine, qu’ils consultent frénétiquement sur leurs smartphones. Ce soir de juin, Nina K. s’est permis une unique sortie, un concours d’improvisation poétique discrètement organisé dans un café du centre. « Mes activités se limitent à voir ma famille et à quelques sorties dans la nature, explique la jeune femme de 37 ans, employée d’une agence de publicité. Même dans ces moments-là, je me demande si j’ai le droit d’être heureuse… Je veux garder intacte la colère qui est au fond de moi. » Près du musée d’art contemporain GES-2, à Moscou, le 14 juin 2023. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » Nina K. refuse toute sortie culturelle qui ait un lien quelconque avec l’Etat : « Les théâtres sont quasiment tous publics. Et un chanteur n’est autorisé à se produire que s’il a fait allégeance à l’Etat ou est resté neutre sur la guerre… » Si cette trentenaire s’est permis cette soirée poétique, c’est parce qu’elle sait que le conflit sera évoqué par les participants au concours, « et directement, pas de façon codée et hypocrite, comme certains artistes prétendent le faire… ». Ce soir-là, effectivement, on peut entendre plusieurs poèmes sur l’Ukraine, certains graves, d’autres ironiques, comme ces vers sur un soldat « appelé dans le cadre de la mobilisation partielle et revenu partiellement chez lui ». L’organisateur supplie qu’on ne filme pas ; plusieurs salles ont refusé d’accueillir ce concours pourtant ancien. « Pourquoi personne ne dit un mot pour Artiom Kamardine ? », s’étonne Nina K. Ce jeune poète a été arrêté en septembre 2022, après la lecture publique d’un poème antiguerre. Il dit avoir été violé par des policiers et attend son jugement. Un jour, les combattants reviendront Le lendemain, dans un étrange télescopage, Nina K. reçoit un poème d’un genre bien différent, sur Gosuslugi, l’application utilisée par des millions de Russes dans leurs interactions avec l’Etat. L’initiative s’appelle « poéZie d’été », avec le « Z » de l’opération spéciale : « Que dira-t-on de nous plus tard ?/ Nous avons vécu et combattu/Nous avons combattu/Pour qu’il n’y ait plus de guerre. » Vue du Kremlin au loin, à Moscou, 14 juin 2023. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » D’autres télescopages attendent Moscou. Les députés ont préparé le terrain à de futures vagues de mobilisation : désormais il suffit d’un simple message dans cette même application, Gosuslugi, pour être appelé. Un jour, aussi, les combattants reviendront. Le choc sera rude, entre ceux des tranchées et ceux de la bulle. Fin mai, sur la rutilante rue Nikolskaïa, le tournage d’un clip de K-pop (musique coréenne) a été attaqué par des « patriotes » choqués de tant de légèreté. Des bars ont été pris d’assaut, leurs clients forcés de chanter des chansons patriotiques. Ailleurs en Russie, les faits divers impliquant d’anciens combattants sont quasi quotidiens ; à Moscou, la tension se ressent encore à des signes infimes : la dureté d’un regard, des mots étouffés, la conduite de plus en plus brutale des équipages de police. De temps en temps, rarement, on aperçoit dans les rues ces hommes qui arrivent tout droit d’Ukraine, en permission ou en convalescence. Autant que leurs uniformes usés et leurs démarches lourdes, ce sont leurs yeux qui les trahissent – une lueur sombre qui jure avec le clinquant du centre moscovite, un éclat trop sauvage pour cette ville embourgeoisée. Un petit matin du mois de mai, deux d’entre eux sont attablés dans la cafétéria d’un magasin Azbuka Vkusa. L’enseigne est réputée pour ses produits fins vendus à prix d’or : artichauts marinés, pâtés luxueux, mozzarella d’importation… Les deux soldats n’ont visiblement pas dormi, ils sont silencieux. Seul l’un d’eux, la tête dans les mains, répète à l’intention d’un interlocuteur invisible : « Les pédés. Les pédés. Les pédés… » Des soldats près du Théâtre Bolchoï, à Moscou, le 14 juin 2023. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE » Modifié le 18 juin 2023 par olivier lsb 1 4 3 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
olivier lsb Posté(e) le 18 juin 2023 Share Posté(e) le 18 juin 2023 (modifié) Un rapport de l'ONU de sa commission internationale d'enquête pour l'Ukraine. Transmis à l'AG, donc à l'ensemble des pays membres. L'enquête s'est concentrée que sur février et mars 2022, conformément à son mandat et documente un grand nombre de crimes de guerre. Ce n'était que le début de l'invasion, imaginez un peu maintenant. Beaucoup de violences sexuelles absolument inouïe. https://www.ohchr.org/sites/default/files/2022-10/A-77-533-AUV-EN.pdf Modifié le 18 juin 2023 par olivier lsb 2 3 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
C’est un message populaire. Rob1 Posté(e) le 18 juin 2023 C’est un message populaire. Share Posté(e) le 18 juin 2023 Le 17/06/2023 à 21:46, Titus K a dit : Article du times sur les tortures sur les ukrainiens et ukrainiennes par les forces russes durant l'occupation, âmes sensibles s'abstenir. Il y a 1 heure, olivier lsb a dit : Un rapport de l'ONU de sa commission internationale d'enquête pour l'Ukraine. Transmis à l'AG, donc à l'ensemble des pays membres. L'enquête s'est concentré sur février et mars 2022, conformément à son mandat, et documente un grand nombre de crimes de guerre. Et ce n'était que le début de l'invasion, imaginez un peu maintenant. Beaucoup de violences sexuelles absolument inouïe. Cette impression qu'on parle d'une troupe sortie du Moyen-Âge ou du fin fond du tiers-monde, bordel... 1 5 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
C’est un message populaire. Ciders Posté(e) le 18 juin 2023 C’est un message populaire. Share Posté(e) le 18 juin 2023 il y a 3 minutes, Rob1 a dit : Cette impression qu'on parle d'une troupe sortie du Moyen-Âge ou du fin fond du tiers-monde, bordel... Pas d'encadrement et/ou un encadrement complice, des ordres en ce sens, l'alcool, le fait que dans beaucoup de campagnes russes le rapport à la violence n'est pas le même qu'en Occident, la peur, la folie, les maltraitances. Ça n'excuse rien. Ça n'est malheureusement pas inédit. Ça aura des conséquences après. En Russie même, et pour les Russes face aux peuples étrangers. On ne parle même pas du secteur psychiatrique, juste de l'idée que des milliers de proto-délinquants ou criminels de guerre vont revenir sur le sol russe, encore plus dérangés qu'ils ne l'étaient avant. On risque d'avoir la même peur panique dans l'opinion que dans les années 1950, quand le Goulag s'est vidé et qu'aux politiques sont revenus beaucoup de droit commun. 1 4 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Titus K Posté(e) le 18 juin 2023 Share Posté(e) le 18 juin 2023 Oui ca commence a faire beaucoup de journaliste et d'organisations qui soulignent le caractère répétitif de ces sévices. A l'inverse on a des retours sourcés de mutilations, torture et viols de masse PAR des ukrainiens a l'encontre de populations ou soldats pro russes depuis février 2022, même de source russe ? Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
C’est un message populaire. CortoMaltese Posté(e) le 18 juin 2023 C’est un message populaire. Share Posté(e) le 18 juin 2023 il y a 52 minutes, Titus K a dit : Oui ca commence a faire beaucoup de journaliste et d'organisations qui soulignent le caractère répétitif de ces sévices. A l'inverse on a des retours sourcés de mutilations, torture et viols de masse PAR des ukrainiens a l'encontre de populations ou soldats pro russes depuis février 2022, même de source russe ? Il y a des cas documentés d'exécutions de prisonniers de guerre russes, parfois après mutilation. Pas mal de vidéos de traitement "rugueux" de détenus, aussi. Ces cas indiscutables doivent représenter au moins, de ceux que j'ai pu voir, une grosse dizaines de prisonniers exécutés. Il y a d'autres cas plus "difficiles" à classer comme lors de la contre-offensive de Kharkiv où un ukrainien rafale un groupe de 5 ou 6 POW après qu'un russe qui s'était caché se soit mis à tirer sur les troupes ukrainiennes qui gardaient les prisonniers (qui n'étaient à ce moment là pas attachés/bandés et avec des armes à proximité si ma mémoire est bonne). Donc incontestablement ces cas existent et je n'ai pas eu vent de procédures judiciaires sérieuses à l'encontre des auteurs. Mais ça reste un nombre de cas beaucoup plus limités que ce qu'on a pu voir et documenter côté russe, soit parce que les ukrainiens font moins de crime de guerre (ce que je crois), soit qu'ils aient au moins l'intelligence (si je peux employer ce terme ici) de ne pas diffuser leurs méfaits sur les réseaux sociaux (ce qui n'est pas impossible non plus, les deux explications ne s'excluant pas forcément). 2 3 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Rob1 Posté(e) le 18 juin 2023 Share Posté(e) le 18 juin 2023 il y a une heure, Ciders a dit : Pas d'encadrement et/ou un encadrement complice, des ordres en ce sens, l'alcool, le fait que dans beaucoup de campagnes russes le rapport à la violence n'est pas le même qu'en Occident, la peur, la folie, les maltraitances. Plus un facteur à mon avis majeur : la propagande qui a contribué à la déshumanisation des Ukrainiens depuis 2014... comme à chaque génocidaire passé, il faudra qu'on se demande comment on n'a pas vu venir cette situation. il y a une heure, Titus K a dit : Oui ca commence a faire beaucoup de journaliste et d'organisations qui soulignent le caractère répétitif de ces sévices. A l'inverse on a des retours sourcés de mutilations, torture et viols de masse PAR des ukrainiens a l'encontre de populations ou soldats pro russes depuis février 2022, même de source russe ? Pour mémoire, Poutine a décoré la brigade qui avait occupé Boutcha. Avec un tel encouragement implicite, it's not a bug, it's a feature (ce n'est pas une anomalie mais une caractéristique) Pour ta question, est-ce que l'armée ukrainienne a reconquis beaucoup de territoires pro-russes ? 4 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
C’est un message populaire. CortoMaltese Posté(e) le 18 juin 2023 C’est un message populaire. Share Posté(e) le 18 juin 2023 (modifié) il y a 33 minutes, Rob1 a dit : Plus un facteur à mon avis majeur : la propagande qui a contribué à la déshumanisation des Ukrainiens depuis 2014... comme à chaque génocidaire passé, il faudra qu'on se demande comment on n'a pas vu venir cette situation. Pour mémoire, Poutine a décoré la brigade qui avait occupé Boutcha. Avec un tel encouragement implicite, it's not a bug, it's a feature (ce n'est pas une anomalie mais une caractéristique) Pour ta question, est-ce que l'armée ukrainienne a reconquis beaucoup de territoires pro-russes ? Honnêtement, la déshumanisation des ukrainiens, j'y adhère moyennement. J'ai consacré mon mémoire de fin de master à l'étude des médias d'état russes entre 2013 et 2022 et à la manière dont ils ont traité la révolution ukrainienne puis la guerre du Donbass. J'ai donc également pas mal étudié la littérature sur l'évolution de la perception russe de l'Ukraine, notamment via les sondages réguliers (et raisonnablement fiables) de l'institut Levada. Ce que j'ai pu en retirer c'est que : 1) Les médias russes ont évidemment couverts la révolution de Maïdan comme un coup d'état illégitime menés par des ultranationalistes quasi-génocidaires (mais aussi transgenres et homosexuels, paradoxalement) manipulés par l'Occident. De même la guerre du Donbass fut couverte comme une révolte endogène et légitime des russophones d'Ukraine face à un pouvoir menaçant et dangereux pour eux. 2) Le corolaire de ce framing médiatique, c'est que la parole fut beaucoup plus donné aux anti-Maïdan puis aux séparatistes avec le narratif sous-jacent que la majorité des ukrainiens est opposé à Maïdan et aux gouvernements qui en sont issus, d'où le caractère doublement illégitime du coup d'état. Ce faisant, il n'y a pas eu de volonté manifeste dans la couverture médiatique de faire émerger l'idée que l'Ukrainien moyen serait un néonazi ayant la bave aux lèvres à l'idée de tuer du russe. 3) En conséquence, on observe, quand on interroge la population russe, un double phénomène : la perception de l'Ukraine en tant qu'entité étatique et gouvernementale se dégrade sensiblement (c'était déjà vrai en 2004 lors de la révolution orange et l'arrivée au pouvoir de Iouchtchenko, avant de remonter sous Ianoukovitch) mais la perception des ukrainiens en tant qu'individus/peuple reste stable à des niveaux élevés. En gros, les russes voyaient les ukrainiens comme de braves types malheureusement victimes d'un gouvernement crypto-fasciste et antirusse. C'est d'ailleurs ainsi que fut vendu la guerre d'Ukraine (qui ne devait pas en etre une) par Poutine à la veille de l'invasion. On ne peut clairement pas dire que les soldats russes furent systématiquement conditionnés à détester les ukrainiens. On ne trouve par exemple rien de comparable avec les ordres ou les discours donnés aux soldats allemands à la veille de Barbarossa, où on leur explique clairement que chaque civil est de fait un ennemi potentiel auquel il ne faudra accorder aucune empathie particulière (je n'évoque même pas tout le conditionnement idéologique préalable après 8 ans de dictature nazie). Bref, ce qui est inquiétant, c'est justement que le soldat russe moyen n'avait à priori pas une opinion par essence négative des civils ukrainiens, et que l'ampleur des crimes commis ne semble s'expliquer que par la brutalité intrinsèque de l'institution militaire russe. Ca laisse d'autant plus songeur sur le résultat si un effort de déshumanisation des ukrainiens avait réellement été entrepris. (Source des graphiques : Paniotto, V. (2020). The Attitude of Ukraine’s Population to Russia and Russia’s Population to Ukraine (2008–2020). Kyiv International Institute of Sociology (KIIS). https://ekmair.ukma.edu.ua/server/api/core/bitstreams/8311e9c5-d62f-4c78-b93d3c1bcb55a4c8/content) Modifié le 18 juin 2023 par CortoMaltese 8 9 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Rob1 Posté(e) le 18 juin 2023 Share Posté(e) le 18 juin 2023 Merci pour cette réponse argumentée. il y a 23 minutes, CortoMaltese a dit : En gros, les russes voyaient les ukrainiens comme de braves types malheureusement victimes d'un gouvernement crypto-fasciste et antirusse. Je fais peut-être trop hâtivement des liens de causalité sur des anecdotes, mais je pense à cette vidéo d'un Ukrainien qui se fait appeler systématiquement "khokhol" quand il contacte des russes, des stickers "mozhem povtorit"... 3 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
CortoMaltese Posté(e) le 18 juin 2023 Share Posté(e) le 18 juin 2023 il y a 1 minute, Rob1 a dit : Merci pour cette réponse argumentée. Je fais peut-être trop hâtivement des liens de causalité sur des anecdotes, mais je pense à cette vidéo d'un Ukrainien qui se fait appeler systématiquement "khokhol" quand il contacte des russes, des stickers "mozhem povtorit"... La vidéo date de quand ? (car je soupçonne que la guerre ai par contre créé un vrai changement de perception des russes vis à vis des ukrainiens). Par ailleurs, il est vrai que quand j'évoque la "perception positive" des russes à l'égard des ukrainiens, ça masque le fait que cette perception positive n'est pas exempt de préjugés raciaux/culturels issus des siècles de domination russe (le fameux slang "Khokhol" en est un exemple), avec l'idée que les ukrainiens doivent leur civilisation/leur état/leur langage/leurs infrastructures à la Russie. D'ailleurs, ça pourrait expliquer une réaction d'autant plus forte des russes à la résistance ukrainienne (bon là on rentre dans du complètement spéculatif). On peut raisonnablement imaginer qu'on soit d'autant plus outré qu'un peuple nous résiste quand on considère que ce dernier nous doit quelque chose. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Boule75 Posté(e) le 18 juin 2023 Share Posté(e) le 18 juin 2023 @CortoMaltese : cette étude date de 2020, avant le début du conflit si je lis bien. Mon sentiment est que la propagande et le discours public et officiel russe s'est considérablement durci depuis. Conjugué aux combats, aux pertes et aux conditions de vie du soldat russe moyen, je soupçonne que ça puisse induire une évolutions des comportements. Pour ma part, je n'avais jamais vu ces talks show patriotiques russes avant, j'ignore s'ils étaient aussi méphitiques : absence totale de référence morale dans le discours, ils sont en roue libre et la pente est raide. 2 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
CortoMaltese Posté(e) le 18 juin 2023 Share Posté(e) le 18 juin 2023 (modifié) il y a 9 minutes, Boule75 a dit : @CortoMaltese : cette étude date de 2020, avant le début du conflit si je lis bien. Mon sentiment est que la propagande et le discours public et officiel russe s'est considérablement durci depuis. Conjugué aux combats, aux pertes et aux conditions de vie du soldat russe moyen, je soupçonne que ça puisse induire une évolutions des comportements. Pour ma part, je n'avais jamais vu ces talks show patriotiques russes avant, j'ignore s'ils étaient aussi méphitiques : absence totale de référence morale dans le discours, ils sont en roue libre et la pente est raide. J'évoquais le sentiment russe au début de la guerre (typiquement pour expliquer un Boucha, par exemple). Je n'ai pas les données pour la période 2020-2022 (elles doivent exister) mais je serais franchement étonné qu'elles aient beaucoup évoluées dans cet intervalle, compte tenu de leur remarquable stabilité en dépit de Maïdan et de la guerre du Donbass, qui me semblent être des évènements beaucoup plus susceptibles de faire évoluer la perception des russes sur les ukrainiens que tout ce qui a pu se passer entre 20 et 22. Que par contre la guerre ait fait évolué les perceptions, ça, je te rejoins tout à fait (c'est sans doute encore plus vrai dans l'autre sens, des ukrainiens sur les russes, d'ailleurs). EDIT : d'ailleurs merci de m'avoir fait découvrir le mot "méphitique", je me coucherai moins bête ! Modifié le 18 juin 2023 par CortoMaltese Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Yorys Posté(e) le 18 juin 2023 Share Posté(e) le 18 juin 2023 il y a 3 minutes, CortoMaltese a dit : J'évoquais le sentiment russe au début de la guerre (typiquement pour expliquer un Boucha, par exemple). Je n'ai pas les données pour la période 2020-2022 (elles doivent exister) mais je serais franchement étonné qu'elles aient beaucoup évoluées dans cet intervalle, compte tenu de leur remarquable stabilité en dépit de Maïdan et de la guerre du Donbass, qui me semblent être des évènements beaucoup plus susceptibles de faire évoluer la perception des russes sur les ukrainiens que tout ce qui a pu se passer entre 20 et 22. Que par contre la guerre ait fait évolué les perceptions, ça, je te rejoins tout à fait (c'est sans doute encore plus vrai dans l'autre sens, des ukrainiens sur les russes, d'ailleurs). Oui, d'ailleurs de ce point de vue la déshumanisation des soldats russes, traités universellement de "orcs" semble parfaitement assumée, déshumanisation largement reprise sur les forums et les RS pro ukrainiens en occident. Et partiellement généralisé à l'ensemble du peuple russe présenté comme un ramassis d'alcooliques incultes inféodés à un tyran... 2 2 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
C’est un message populaire. CortoMaltese Posté(e) le 18 juin 2023 C’est un message populaire. Share Posté(e) le 18 juin 2023 (modifié) il y a 5 minutes, Yorys a dit : Oui, d'ailleurs de ce point de vue la déshumanisation des soldats russes, traités universellement de "orcs" semble parfaitement assumée, déshumanisation largement reprise sur les forums et les RS pro ukrainiens en occident. Et partiellement généralisé à l'ensemble du peuple russe présenté comme un ramassis d'alcooliques incultes inféodés à un tyran... Est-ce surprenant de voir apparaître des termes désobligeants à l'égard d'une armée d'invasion chez la population envahie ? Autant j'ai du mal moi aussi avec les observateurs externes qui les utilisent, autant que les ukrainiens eux-mêmes le fassent ne me choque pas le moins du monde. De même, quand on se rend compte que le fameux "peuple frère" soutient tacitement voir bruyamment l'invasion de son pays par des armées dont les crimes de guerre s'égrènent le long des villes conquises, que les ukrainiens ressentent de la déception et du ressentiment à l'égard des russes me semble tout à fait légitime. Il n'est pas impossible qu'un "Boche" ne se soit un jour échappé de ma bouche si j'avais vécu en 14 ou en 40. Oui, les russes se sont probablement, sauf retournement de l'histoire, aliéné les ukrainiens pour un siècle. Je n'irai personnellement pas spécialement les plaindre pour ça, réservant ma compassion à ceux qui sont aujourd'hui bombardés, et qui sont ukrainiens. Modifié le 18 juin 2023 par CortoMaltese 2 3 7 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Boule75 Posté(e) le 19 juin 2023 Share Posté(e) le 19 juin 2023 Il y a 6 heures, Yorys a dit : Oui, d'ailleurs de ce point de vue la déshumanisation des soldats russes, traités universellement de "orcs" semble parfaitement assumée, déshumanisation largement reprise sur les forums et les RS pro ukrainiens en occident. L'exécution de prisonnier à la masse, les assassinats sommaires, les viols, les "nous les tuerons tous !" éructés à la télévision, la servilité à l'égard du Kremlin et les querelles (supposées) entre factions renforcent très naturellement cette image. Il y a 6 heures, Yorys a dit : Et partiellement généralisé à l'ensemble du peuple russe présenté comme un ramassis d'alcooliques incultes inféodés à un tyran... Incultes ? Pas tous. 2 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Yorys Posté(e) le 19 juin 2023 Share Posté(e) le 19 juin 2023 Il y a 2 heures, Boule75 a dit : ... Incultes ? Pas tous. Ce n'est pas à moi qu'il faut dire cela, qui ait toujours eu un faible et de l'admiration pour ce qu'on appelle "l'âme slave" et la "grande culture" russe (Marina Tsvetaïeva, Dmitri Shostakovich, Andrei Tarkovsky, etc), sans parler d'amis de qualité que je perd progressivement de vue, d'où ma tristesse devant la "descente aux enfers" actuelle. 1 2 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Akilius G. Posté(e) le 19 juin 2023 Share Posté(e) le 19 juin 2023 Il y a 18 heures, CortoMaltese a dit : Bref, ce qui est inquiétant, c'est justement que le soldat russe moyen n'avait à priori pas une opinion par essence négative des civils ukrainiens, et que l'ampleur des crimes commis ne semble s'expliquer que par la brutalité intrinsèque de l'institution militaire russe. Ca laisse d'autant plus songeur sur le résultat si un effort de déshumanisation des ukrainiens avait réellement été entrepris. Je suis globalement en accord avec ces propos même si j'y apporterai un bémol : chaque armée contient en germe une faculté à partir en sucette - y compris les beaux gosses américains et nos propres troupes, donc attention au jugement de valeur. Pour l'armée russe, cette faculté est plus bien grande, à la fois de part cette brutalité intrinsèque dont sont aussi victimes les soldats russes, mais aussi parce que l'armée génère des conditions inacceptables pour ses propres soldats (logistique défaillante, guerre non souhaitée par les soldats, etc...) souvent sans le vouloir. Une troupe laissée à elle même face à une population hostile, est prédisposée à faire des conneries. Bien sur cela ne justifie pas la violence gratuite et les viols. Côté ukrainien, il y a eu je pense des erreurs considérables dans l'enthousiasme nationaliste de début de guerre : rappelez-vous ces images du bon père de famille qui s'engage et se retrouve avec sa parka personnelle (absence d'uniforme) et une Ak47 à garder quelques point de contrôle à l'entrée de Kiev, ou encore ces paysans ukrainiens qui insultent les colonnes blindées russes à l'arrêt, ou la youtubeuse locale qui fait sa vidéo depuis l'intérieur d'un blindé abandonnée, etc... Les médias occidentaux ont adorés ces séquences de "résistance populaire". Les soldats russes ont par ailleurs très longtemps utilisés leur smartphone sur le front - en dépit des risques de sécurité - et ont probablement vécu très négativement cette absence de neutralité civile sur les réseaux sociaux.. Au delà et de manière sans doute rare, il y a bien une poigné d'ukrainien pour tenir des propos hallucinants, du genre "les russes sont des animaux", y compris devant des médias occidentaux... Les ukrainiens sont bien placés pour connaître les défauts de l'armée russe, c'est aussi à eux de prendre des mesures pour s'en protéger en soignant leur communication. 3 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
C’est un message populaire. Shorr kan Posté(e) le 19 juin 2023 C’est un message populaire. Share Posté(e) le 19 juin 2023 (modifié) Dans un article de M.Goya il y a un passage où il explique que la multiplication des chefs dans une section restreint les risques de dérapages de la part de la troupe. Le contrôle est aussi hiérarchique. Si dans une section d’infanterie de 39 pax, il y a un tiers de chefs, ce n’est pas pour rien. On introduit de la responsabilité (grand pouvoir, grande responsabilité) mais aussi du contrôle, beaucoup de contrôle. Notons que le contrôle est dans tous les sens. S’il y a des adjoints, c’est pour prendre des décisions collégiales dont on espère qu’elles réduiront la probabilité de l’erreur grave. Quand on connaît la faiblesse de l'encadrement aux bas échelons de l'armée russe, ça éclaire encore une peu plus les origines, ou du moins comment les mécanismes de bases se sont goupillés pour déboucher sur ces exactions perpétrées par des troupes russes. Modifié le 19 juin 2023 par Shorr kan 1 6 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Alexis Posté(e) le 20 juin 2023 Share Posté(e) le 20 juin 2023 Selon Biden, la menace de Poutine d'utiliser des armes nucléaires "est réelle" Le président Joe Biden a déclaré lundi que la menace d'utilisation d'armes nucléaires tactiques par le président russe Vladimir Poutine était "réelle", quelques jours après avoir dénoncé le déploiement de telles armes par la Russie au Belarus. (...) "Lorsque je suis venu ici il y a environ deux ans pour dire que je m'inquiétais de l'assèchement du fleuve Colorado, tout le monde m'a regardé comme si j'étais fou", a déclaré M. Biden à un groupe de donateurs en Californie lundi. "Ils m'ont regardé comme lorsque j'ai dit que je m'inquiétais de voir Poutine utiliser des armes nucléaires tactiques. C'est réel", a ajouté M. Biden. Biden qui établit un parallèle entre réchauffement climatique et utilisation d'armes nucléaires par la Russie... Je ne sais pas trop quoi en penser. Ce qui est certain c'est que les Etats-Unis ont défini très clairement les limites de leur soutien à l'Ukraine. Dans ces limites, il agissent puissamment, mais ils n'en sortent pas. Il semble qu'à Washington on est très conscient du risque d'emballement et de "débordement" de la guerre hors d'Ukraine, et qu'on est absolument déterminé à l'empêcher. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Joab Posté(e) le 20 juin 2023 Share Posté(e) le 20 juin 2023 (modifié) 11 hours ago, Shorr kan said: Dans un article de M.Goya il y a un passage où il explique que la multiplication des chefs dans une section restreint les risques de dérapages de la part de la troupe. Le contrôle est aussi hiérarchique. Si dans une section d’infanterie de 39 pax, il y a un tiers de chefs, ce n’est pas pour rien. On introduit de la responsabilité (grand pouvoir, grande responsabilité) mais aussi du contrôle, beaucoup de contrôle. Notons que le contrôle est dans tous les sens. S’il y a des adjoints, c’est pour prendre des décisions collégiales dont on espère qu’elles réduiront la probabilité de l’erreur grave. Quand on connaît la faiblesse de l'encadrement aux bas échelons de l'armée russe, ça éclaire encore une peu plus les origines, ou du moins comment les mécanismes de bases se sont goupillés pour déboucher sur ces exactions perpétrées par des troupes russes. Il y a l'encadrement mais il y a aussi l'âge et la situation familiale. Un père de famille dans la quarantaine est moins enclin aux bavures qu'un célibataire sans enfants de 19 ans. Modifié le 20 juin 2023 par Joab 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Yorys Posté(e) le 20 juin 2023 Share Posté(e) le 20 juin 2023 (modifié) il y a une heure, Joab a dit : Il y a l'encadrement mais il y a aussi l'âge et la situation familiale. Un père de famille dans la quarantaine est moins enclin aux bavures qu'un célibataire sans enfants de 19 ans. Ne pas oublier le contexte aussi, quand on s'attend à une promenade de santé en "libérateur" et qu'on se retrouve empoisonné à coup de gâteaux à la mort aux rats par "d'innocentes" grand-mères en mode babayagas, ou la cible de tirs de barrages venus d'on ne sait où mais qu'on peut légitimement supposer dirigés par des civils, si on a une éducation un peu fruste et si on n'a pas un encadrement aux nerfs d'acier il n'est pas trop surprenant que certains pètent les plombs ce qui, on le sait bien, fait facilement contagion. Ce qui n'excuse en rien les exactions bien entendu, mais permet d'en comprendre une origine possible. Modifié le 20 juin 2023 par Yorys 2 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Shorr kan Posté(e) le 20 juin 2023 Share Posté(e) le 20 juin 2023 Il y a 1 heure, Joab a dit : Il y a l'encadrement mais il y a aussi l'âge et la situation familiale. Un père de famille dans la quarantaine est moins enclin aux bavures qu'un célibataire sans enfants de 19 ans. Il fait la remarque aussi : Ajoutons un élément essentiel : la professionnalisation, au sens de maîtrise de compétences. Un général israélien me disait un jour : « Ce qu’on vous envie c’est vos caporaux-chefs, des gars qui ne pètent pas un câble et défouraillent parce qu’on leur jette des cailloux. Nos soldats et nos cadres de contact sont des appelés de 20 ans. C’est dur d’être toujours calme à cet âge ». Il ajoutait que dans les opérations complexes, ils préféraient envoyer des réservistes, des pères de famille qui courent moins vite mais sont plus pondérés. 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
MIC_A Posté(e) le 20 juin 2023 Share Posté(e) le 20 juin 2023 Pour s'éviter "l'origine possible" de toutes exactions, il eusse fallu que les impliqués n'envahissent pas leurs voisins, détruisent leurs villes/villages/pillent/exécutent/s'approprient en provoquant une exode massive des civils. Pour ceux (civils) qui sont restés et ont payé un lourd tribu il fallait que les soldats à l'origine ou pas de leurs malheurs paient d'une manière ou d'une autre car identifiés comme l'envahisseur. Les fleurs et les gâteaux c'est dans blanche Neige ou la Belle aux bois dormant, là c'est au minimum entre quatre planches ou servir de nourriture pour les cochons et finir en engrais. Entre "péter les plombs" et s'adonner à des pratiques barbares/sadiques répétitives il y a de la marge pourtant régulièrement rapportés depuis le début du conflit, il faut dire qu'avec la palanquées de tordus recrutés par Wagner, les Tchétchènes, l'image de l'armée Russe est bien entachée ! Pas pour rien avec de tels comportements qu'ils aient été comparé à des monstres de fictions terrifiants et sanguinaire d'une célèbre trilogie. On avait eu quelques faits rapportés de Syrie ou pour certains c'était presque un sacerdoce bien mis en scène, approuvé par les élites et relayés par les médias Russe. Après faut pas venir se plaindre de l'image laissé, ça peut servir pour faire peur (pratique Daech) mais le revers de la médaille sera la perception dans des tas d'autres domaines qui oscillera entre méfiance et aversion. Les dirigeants russe dans l'après VP suivant ou on en sera de cette guerre auront du pain sur la planche pour rehausser l'image du pays, si bien sûr ils retrouvent du bon sens, dans le cas contraire se sera le chaos. 2 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Akilius G. Posté(e) le 20 juin 2023 Share Posté(e) le 20 juin 2023 nous sommes d'accord sur le fait que rien ne justifie la barbarie et le sadisme, et que rôle des officiers et sous-officiers est également de veiller au comportement décent des troupes à l'égard des civils 'ennemis'. C'est d'autant plus vrai lorsque les gradés sont animés de conviction religieuse, sinon c'est le risque d'une défaillance morale en plus d'une défaillance opérationnelle (on génère une révolte) et sociale (il faut gérer les fondus du bocal post guerre)... Néanmoins, le comportement des militaires envers les populations civiles est un sujet permanent qui traverse l'histoire, laquelle demeure écrite par les vainqueurs... L'histoire militaire européenne est entachée de période immensément sombres sans qu'il y ait besoin de recourir à quelques versions modernes des invasions barbares... La défaillance de l'encadrement russe est sans doute réelle et considérable, mais la nomination de Guerassimov me semble suffisamment crédible pour porter le discours "on arrête les conneries, maintenant on se bat". Les russes ont quand même un rapport particulier à la violence, mais je n'arrive pas à savoir avec certitude si au final elle est pire que celle générée par les occidentaux, notamment lorsque l'on apprécie celle-ci dans la durée et ses conséquences variées. Les guerres russes semblent conduire à une violence intense qui s'arrête plus vite, alors que les guerres des occidentaux plus propre sur la méthode ont tendance à durer faute de solution réelle... Le discours poutinien sur la dénazification génère à lui seul un sérieux facteur de risque, mais je pense qu'en 2022 ce discours n'était pas trop écouté par la troupe qui se demandait bien ce qu'elle allait faire en Ukraine... 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Ciders Posté(e) le 20 juin 2023 Share Posté(e) le 20 juin 2023 Il y a 5 heures, Alexis a dit : Biden qui établit un parallèle entre réchauffement climatique et utilisation d'armes nucléaires par la Russie... Je ne sais pas trop quoi en penser. C'est logique. Une fois que ça aura eu lieu, aucun retour en arrière possible. il y a une heure, Akilius G. a dit : La défaillance de l'encadrement russe est sans doute réelle et considérable, mais la nomination de Guerassimov me semble suffisamment crédible pour porter le discours "on arrête les conneries, maintenant on se bat". En 1945, Joukov, Vassilievski, Rokossovski, tous ont pris des mesures très strictes pour ramener l'ordre dans leurs troupes. Ca n'a pas suffi et pire encore, Staline a fait contremander certains ordres. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
Messages recommandés
Créer un compte ou se connecter pour commenter
Vous devez être membre afin de pouvoir déposer un commentaire
Créer un compte
Créez un compte sur notre communauté. C’est facile !
Créer un nouveau compteSe connecter
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous ici.
Connectez-vous maintenant