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Premières relations diplomatiques entre la France et l'Empire ottoman


Invité barbaros pacha
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Invité barbaros pacha

Premières relations diplomatiques entre la France et l'Empire ottoman



Quelques documents sur les premiers échanges diplomatiques et un traité d'alliance entre François Ier et Soliman.

D'après un article paru en 1827 du grand spécialiste allemand de l'empire ottoman, Hammer, Mémoire sur les premières relations diplomatiques entre la France et la Porte,  publié dans le Journal Asiatique, 1827.

Selon l'"Histoire générale et raisonnée de la diplomatie" de M. de Flassan, publiée initialement en 1811, le premier traité entre la France et la Porte aurait été signé en 1535 par Laforest. Flassan donne le résumé extrait d'un manuscrit de la bibliothèque de l'Arsenal, intitulé "Traités faits avec les Turcs", mais n'a pu vérifier cette date, faute d'autres documents.

Hammer, lui, exploite les sources vénitiennes et ottomanes et veut démontrer dans son article que
- ce traité fut conclu en février 1536.
- un autre traité daté 1537 est en fait celui de 1536
- avant la mission de Laforest, il y en a eu trois autres envoyées par François Ier à Soliman, et deux autres encore entre la mission de Laforest et de Rincon (en 1540)

Une des sources vénitiennes est l'ouvrage de Marino Sanudo (en fait, trois auteurs portent ce nom), en 58 gros volumes in-folio, dans lesquels se trouvent tous les rapports de ambassadeurs vénitiens, les protocoles des conseils des dix et "deipregadi", les instructions données aux ambassadeurs, les rapports des consuls, les traités publics et secrets de 1496 à 1533. Cet ouvrages est dans les archives de Vienne. Hammer l'a lu pour compléter son histoire de l'empire ottoman et y a trouvé plusieurs traités méconnus.

La première mission de François Ier à Soliman eut lieu en 1525, après la bataille de Pavie. L'envoyé du roi fut assassiné avec douze ses douze hommes en Bosnie et des cadeaux destinés au Sultan, dont un rubis, furent volés. Pierro Bragadin, ambassadeur de Venise à Constantinople, fait un rapport officiel le 6 décembre 1525 (Volume 11 du recueil de Marino Sanudo) :

"Zonse di lè uno ambasador del rè di Fransa, venuto senza presenti, qual avuto audienza dal signor ; intende ha ditto che veniva uno altro ambasador del detto rè, il qual dal sangiac di Bessina erra sta morto, e toltoli il presente che portava, e amazzato con 12 uomini, di cui erra il bastardo di Cypro. Aveva à donar al signore uno carbon (rubis) di gran valuta, una cintura zorilada e due candellori d'oro, che portava ducati X mile, e un paio di cavalli di 2000 duc."

Les historiens ottomans ne parlent pas de ce meurtre, mais on en trouve trace dans le rapport des deux ambassadeurs de Ferdinand Ier à la Porte, en 1533. Jérôme de Zara, frère de Niclas Jurissich, et Cornelius Scepper rendent compte d'une très longue conversation avec le grand vizir Ibrahim (celui qui a assiégé Vienne) :
"Post haec tempora accidit, quod rex Franciae captus fuit. Tunc mater regis ad ipsius Caesaris Turcarum majestatem scripsit hoc modo : Filius meus rex Franciae captus est à Carolo rege Hispaniae, speravique ipse liberaliter ipsum dimitteret, quod non fecit, sed injuste cum eo egit. Confugimus ad te magnum Caesarem, ut tu liberalitatem tuam ostendas, et filium meum redimas. Tunc magnus Caesar commotus et iratus Carolo Caesari cogitavit omni modo ipsi inferre bellum."

Et à propos du rubis disparu :
"Etiam, inquit, iste rubinus, et ostendit quendam rubinum magnum, fuit in dextra Regis Francorum, quando fuit captus, et ego illum emi."

C'est donc la reine-mère et non François Ier, prisonnier de Charles-Quint, qui a envoyé une ambassade.
Dans le volume 41 de Marino Sanudo, l'ambassadeur Pierro Bragadin, dans son rapport du 2 février 1526, rapporte les plaintes de l'envoyé français :
"L'ambasador di Franza e sta expedito ; li hanno donato aspri X, e una veste d'oro, e fatto li il scritto con bolla d'oro, inconsueto, in uno sacho di Carmesin, cosa inaudita à farsi. El Sangiaco di Bossina che doveva venir di qui, per caussa dipendente del ditto ambassador, è zonto, e hà fatto bona scusa."

Le premier ambassadeur de France est reçu avec les honneurs, reçoit les excuses de la Porte et dix mille aspres.

Les historiens ottomans:

Les historiens ottomans parlent de la première ambassade française.
Solakzadé, après avoir évoqué la bataille de Mohacs continue ainsi :
"Enfin, le roi de France ayant été battu (par Ferdinand), avec l'aide du roi d'Espagne, et ayant perdu quelques châteaux, il se mit à fuir, et fut enfermé (par Charles) dans un de ses châteaux forts. Pour se venger de son ennemi, il (François) ne trouva point d'autre remède que d'avoir recours au Padichah de l'islamisme. Il envoya à la Porte fortunée un ambassadeur, et le contenu de sa très humble lettre portait : "Si le roi de Hongrie essuyait quelque échec de la part du grand empereur, nous nous opposerions au roi d'Espagne, et nous prendrions notre revanche. Nous prions et souhaitons que le grand empereur du monde nous fasse la grâce de repousser cet orgueilleux, et nous serons dorénavant le serviteur obligé par les grâces du grand empereur, maître du siècle." Le grand Padichah, ému de miséricorde, résolut de faire la guerre à ce roi rempli de mauvaises dispositions, comme on va voir."

La troisième ambassade est celle du capitaine Rincon qui, envoyé pour la seconde fois en 1540, fut assassiné, avec Fregoso, sur le Pô. L'ambassadeur de Venise Pierro Zen a relaté une conversation avec Rincon et les historiens ottomans en parlent également. Il fut reçu dans le camp de Soliman qui s'apprétait à assiéger Guns en 1532.
Solakzadé, dans le chapitre intitulé "Expédition du sultan en Allemagne", 1532 écrit :
"C'est là (à Belgrade), qu'arriva un ambassadeur de la part de François, Padichah de la France, et comme il persistait dans son ancien dévouement pour la Sublime Porte, on redoubla d'égards pour lui."

Aali, un autre historien raconte la même campagne :
"Le 18 du mois de zilkade (21 juin), arrivèrent des ambassadeurs du roi de France, François qui était maître de grands biens et de braves champions, et possédait un vaste pays ; il avait un pouvoir considérable sur mer. Ils furent témoins de cette grandeur et de cette magnificence, de tant de gloire et de puissance, et après qu'ils eurent reçu leur réponse, on entra à Belgrade."
[30]

Mustafa Djelalzade, nommé de grand Nichandji (secrétaire d'état pour le chiffre du sultan) a écrit lui aussi sur cet épisode :
"En attendant, arriva l'ambassadeur du susdit Padichah de France, au camp impérial, et il fut reçu suivant les formes usitées, de S. A. le Pacha (le grand vizir Ibrahim) rempli de bonnes qualités et distingué par d'excellentes actions. Après qu'on eut pris connaissance de l'objet de sa mission, un divan impérial fut ordonné. [...]
Les ambassadeurs étaient assis hors la tente du divan.
S. A. le Pacha commandant (le grand vizir) parla à l'ambassadeur de France en ami, et aux autres (à ceux de Ferdinand) en lion." [...]

Le roi de France étant sincèrement attaché à la Sublime Porte, généreuse comme la mer ; et l'autre roi (Ferdinand) n'y cherchant point son refuge, le traitement qu'éprouvèrent leurs envoyés respectifs fut aussi différent. L'ambassadeur de France fut l'objet des regards et des discours gracieux de l'empereur, qui s'abaissa au point de traiter son maître de frère, de chah, dans les lettres impériales, avec lesquelles l'ambassadeur fut congédié. L'autre ambassadeur reçut aussi la permission de partir, mais son départ fut derechef différé (c'est-à-dire que les ambassadeurs de Ferdinand furent gardés prisonniers)."

Hammer possédait également un document très précieux, un exemplaire du Journal des campagnes de Soliman qui décrit jour après jour les étapes et les principaux évènements. Il contient aussi des célébrations des victoires et des lettres échangées avec les différentes ambassades turques et persanes au moment de la guerre civile entre Soliman et son fils.
Voici ce que dit le journal de la cinquième campagne, les 5 et 6 juillet 1532 :

5 juillet:
"On tint un divan, avec le même cérémonial avec lequel fut reçu, lors de la campagne de Mohacs, le roi Zapolya, qui baisa la main de l'empereur : tout fut arrangé de la même manière. L'ambassadeur de France baisa la main, et les ambassadeurs envoyés par Ferdinand (Nogarola et Lamberg) eurent aussi les baise-mains du congé ; on fit cependant plus de musique (qu'à la réception de Zapolya). Toutes les pièces de campagne furent portées à  la tente du divan, et déchargées en réjouissance."

6 juillet:
"Divan pour l'audience de congé de l'ambassadeur de France, dans le même ordre que celui d'hier. Cet ambassadeur baisa la main et s'en alla."

L'ambassadeur de France fut donc reçu avec les honneurs et, dans les lettres de créance, le roi de France traité en égal. C'est de ces lettres, et de celles auxquelles elles servirent de réponse, que parla le grand vizir Ibrahim, dans la conférence citéee, qu'il eut avec les ambassadeurs de Ferdinand, lesquels, l'année suivante (1533), conclurent la paix avec la Porte, non pas au nom de Ferdinand, mais au nom de Charles V, dont ils avaient aussi apporté des lettres. Le grand vizir se formalisant au nom du sultan, de ce que non seulement Charles V prenait dans ces lettres le titre de roi de Jérusalem, mais encore avait mis le nom de Ferdinand avant celui de Soliman, leur dit :
"Rex autem Franciae, inquit, longe majore modestia usus est, et vere regali, eo quod in litteris suis noviter (l'année précédente) scriptis, dum essent in Hungaria, ad dominum suum magnum Caesarem, sub illis subsignet solum Franciscus rex Franciae. Unde magnus Caesar, ut ulli honorem faciat, ne nobilitate et generositate ab eo vinceretur, nomen suum non posuit in litteris suis, sed simpliciter ad eum scripsit tanquam ad intimum fratrem. Praeterea jussimus Barbarossam, ut non solum non molestet subditos regis Franciae, sed ipsi regi Franciae tam sit obediens quam est magno Caesari, viaque qua ipse jusserit exequatur."

A Constantinople, Rincon eut une conversation avec l'ambassadeur de Venise que dont on trouve le rapport dans  le volume 56 du recueil de Marino Sanudo :
"Che havendo il Turcho havuto nitia ch'era à Ragusi arrivato, mandato ebbe carri con molti cavalli, e che nel camino vicino al campo fù incontrato dalli senza chi, e che giunto in campo trovo che soprà tutti i padiglioni et tende erano stati posti ; poi andarono un l'uno per segno di honorarlo, et poi per la medesima causa furono sbarrati 4000 archebusi, che tanta l'archibuseria della guardia del Turcho, et tutte le artillerie grosse e minute che dice essere grandissimi, e che el tirare duro per bon pezo ; che la matina seguente essendo condutto al padiglione del Turco, lo trova sedente in maestà, circondato dà più di sosanta Turchi di grande extraction, che erano tutti Viziri Bacha, e poi che esso havuto indosso una veste da Turco che se erra messo guel giurno, essendo cosi costume che chi và la prima volta alla presenza di quel signore, et in capo havea la baretta el suscritto alla Christiana, e per che paresse difforme il vestito cosi, o pur forze per altu mosse, nel appresentarsi ; [...]"

Ce rapport s'accorde avec les autres sources de l'époque qui évoquent aussi les exécutions des soldats qui avaient volé, gâté les moissons ou fourragé sans permission. Les troupes du sultan étaient plus disciplinées que celles des espagnols, des allemands, des italiens et des hongrois.
A la date de 1535, le Journal de Soliman ne parle d'aucun traité signé entre la France et l'Empire ottoman. Il couvre la période allant du 11 juillet 1533 au 8 janvier 1536. En février 1535, date à laquelle Flassan situe la signature de ce traité, le sultan et son vizir Ibrahim prennent leurs quartiers d'hiver à Bagdad.
Le mercredi 26 mai 1535, le sultan est au défilé d'Imanchah en Azerbaïdjan :
"Des courriers arrivèrent de la part du beylerbey de Roumélie, qui amenèrent l'ambassadeur du roi de France."
Le traité dont parle de le manuscrit de l'Arsenal n'a donc pu être signé avant le mois de mai.

Le second traité:

On ne trouve aucune trace d'un traité en 1537. Les armées de Soliman attaquent les alliés de Charles Quint. Le capitaine Paulin s'embarqua même sur la flotte du sultan, pour faire une descente, avec Barberousse en Sicile et assiéger Nice.
Ce n'est pas la première fois qu'un ambassadeur embarque : l'historien vénitien Paruta raconte dans son Istoria venetiana, 1605, que, dès 1539, un ambassadeur, probablement M. de Laforest embarque sur les galères turques qui vont assiéger Castelnuovo, accompagné d'un émigré napolitain du nom de Cantelmi qui fut envoyé un seconde fois à Constantinople.

Les six ambassades:

Six missions d'ambassadeurs français de 1525 à 1540
Selon les sources ottomanes, il y eut six missions :
1. L'ambassadeur envoyé par la reine-mère, et assassiné avec toute sa suite en Bosnie en 1525
2. L'ambassadeur envoyé pour inciter le sultan à la guerre de Mohacs en 1526
3. Le capitaine Rincon, reçu avec les honneurs extraordinaires au camp de Belgrade en 1532
4. L'ambassade du chevalier Laforest, qui a conclu le traité de 1536
5. et 6. Les deux missions de Cantelmi en 1539 et 1540

Les historiens ottomans ou chrétiens témoignent de l'embarquement de l'ambassadeur Paulin sur la flotte ottomane.

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Histoire des relations entre la Turquie et la France :

Quelques dates et repères symboliques.

Entre la France et l’Empire ottoman (puis la Turquie), c’est l’une des plus longues relations diplomatiques de notre histoire, interrompue seulement par une brève rupture de trois années (1798-1801 lors de l’Expédition d’Egypte). Parmi les Ambassadeurs illustres : le Comte de Vergennes (1755-1768), le Général Sebastiani (1ère ambassade éphémère en 1801 puis de 1805 à 1808) [Général d’armée de Bonaparte qui se distingua à Austerlitz et lors de la Campagne de Russie avant d’être Ministre des Affaires étrangères sous Louis Philippe 1830-32 et Maréchal de France], Albert Sarraut de 1925 à 1926 [qui fut Président du Conseil à deux reprises, brièvement en 1933 et en 1936], René Massigli.

Table des matières

- 1484 : La première Ambassade ottomane se rend en France :

- 1536 : Traité d’Alliance entre François Ier et Soliman le Magnifique.

- 1543 : la flotte de Barberousse hiverne à Toulon.

- 1689-1695, les relations franco-ottomanes sous le règne de Louis XIV.

- 1807. Le Général Sébastiani organise la défense d’Istanbul contre la flotte anglaise de l’Amiral Sir John Thomas Duckworth (21 février- 2 mars 1807).

- Guerre de Crimée 1853-1856

- 1868 : Création du lycée impérial ottoman de Galatasaray.

- 1869 Visite de retour de l’Impératrice Eugénie au Sultan Abdulaziz.

- 20 octobre 1921. Signature des Accords Franklin-Bouillon (Accord d’Ankara)

- 1968. Visite de de Gaulle à Ankara et Istanbul

- 1484 : La première Ambassade ottomane se rend en France : 

le Sultan Bayazid II — Bajazet, mais pas celui de la tragédie de Racine — envoya un grec de Lemnos pour s’enquérir, auprès du roi Louis XI, des conditions de captivité de son frère, le Sultan Cem

1536 : Traité d’Alliance entre François Ier et Soliman le Magnifique. 

Après le désastre de Pavie en 1525, la Régente de France avait envoyé à Soliman le Magnifique, au nom de son fils François Ier, une première Ambassade chargée de précieux cadeaux (dont un précieux diamant ou rubis : les sources divergent) qui se fit massacrer, en chemin, par le pacha de Bosnie. Une autre fut dépêchée dans la foulée avec deux lettres, de la régente, Louise de Savoie et de François Ier (toujours sous les fers). La réponse de Soliman est célèbre et exhorte : « François, roi du pays de France, à prendre courage et à ne pas se laisser abattre. Nuit et jour notre cheval est sellé et notre sabre est ceint ». Entre temps François Ier est libéré et les Turcs écrasent les Hongrois à la bataille de Mohacs (1526), desserrant l’étau des Habsbourgs. C’est un tollé en Europe : le Roi de France pour contrer la propagande qui fait de lui le « très chrétien bourreau de la chrétienté » obtient de Soliman, dès 1529, des assurances sur les lieux saints et la liberté de célébrer le culte. En février 1536, un Traité d’alliance en bonne et due forme est conclu. Connus sous le nom de « Capitulations », les textes conclus offrent à la France un droit de représentation permanente avec Ambassade et Consulats ainsi que des avantages pour le commerce avec la Sublime Porte ; privilèges complétés par la protection des pèlerins se rendant en Terre Sainte.

- 1543 : la flotte de Barberousse hiverne à Toulon. 

L’hivernage de la puissante flotte (on parle de cent bateaux turcs) de Barberousse à Toulon est à inscrire dans le cadre des projets échafaudés contre Charles Quint. François Ier songe à utiliser Barberousse en vue d’une nouvelle attaque contre l’Italie ; Barberousse qui écume depuis Alger les eaux méditerranéennes et ravage les côtes italiennes, la Corse, la Sardaigne, débarque à Marseille le 15 juin et est accueilli par François de Bourbon, duc d’Enghien, qui lui remet une épée d’honneur. Mais les équipages turcs ne peuvent pas s’avitailler à Marseille et c’est finalement Toulon (après une tentative avortée de siège de Nice, alors dépendante du Duché de Savoie) qui les accueille. Barberousse, perdant apparemment l’envie de participer à une campagne avec les Français, quittera Toulon en mai 1544 pour Istanbul, en prenant à son bord le nouvel Ambassadeur de France auprès du Grand Turc, le baron de Lagarde.

- 1689-1695, les relations franco-ottomanes sous le règne de Louis XIV. 

Nouvelle période d’intensité dans les relations entre la Porte et la France. La diplomatie française reste orientée par le souci de l’équilibre entre les puissances européennes (et la constitution d’alliance de revers) et la consolidation des avantages que tiraient les commerçants français de ces relations privilégiées. Après l’échec (de justesse) du siège de Vienne par les Ottomans en 1683, le Pape Innocent XI, l’Empereur Léopold Ier, Venise, la République de Pologne et la Russie se réunissent au sein de la Sainte Ligue. Louis XIV décline l’invitation du Pape à y participer. Louis XIV trouvait avantage à ce que Leopold Ier s’épuise sur le front est ; en déclenchant les hostilités contre Leopold Ier en 1688 sur le Rhin, Louis XIV donna aussi un répit aux Ottomans qui étaient jusque-là singulièrement malmenés : ils purent même reconquérir quelques territoires perdus. La fin de la guerre de la Ligue de Augsbourg en 1697 (Traité de Ryswick) mit un terme à l’alliance (qui s’était traduite par une étroite coopération militaire entre 1692 et 1695) et la confiance de la Porte en le Roi « très chrétien » s’étiola. L’Angleterre qui n’avait jamais été guerre avec l’Empire ottoman en tira grand profit.

1807. Le Général Sébastiani organise la défense d’Istanbul contre la flotte anglaise de l’Amiral Sir John Thomas Duckworth (21 février- 2 mars 1807). 

Le 25 janvier 1807, l’Angleterre adresse un ultimatum à Selim III : renouveler l’alliance anglo-turque, expulser l’Ambassadeur de France (le Général Sébastiani depuis 1806) et remettre aux Anglais les forts des Dardanelles. Conforté par le Général Sébastiani, Selim III repousse l’ultimatum ; l’Amiral Duckworth force facilement l’entrée des Dardanelles avec une puissante flotte et se présente devant Istanbul en février 1807. Sébastiani dirige les travaux de défense de la ville, contraignant Duckworth à se retirer et à repasser les détroits sous le feu de l’artillerie turque.

Guerre de Crimée 1853-1856 

(au cours de laquelle la France et le Royaume-Uni s’allient à l’Empire ottoman contre la Russie) : Victoire de l’Alma (1854), Siège de Sébastopol (1854), Prise par les Français de la Tour de Malakoff (1855). Le Traité de Paris conclu le 30 mars 1856 et dont on a fêté le 150e anniversaire a mis fin au conflit.

1868 : Création du lycée impérial ottoman de Galatasaray.

C’est à l’initiative du Sultan Abdulaziz, impressionné par la qualité du système d’enseignement français lors de son voyage à Paris en 1867 (où il fut invité par Napoléon III à participer à l’Exposition Universelle), qu’est créé le lycée impérial de Galatasaray, où l’enseignement se fait essentiellement en français. L’influence de ce lycée sur le processus d’occidentalisation de la Turquie (jusqu’à 23) fut phénoménale ; considéré comme une fenêtre ouverte sur l’Occident (« une sorte de Tsarskoie Selo à la turque » en somme), il forma les élites réformatrices de l’Empire et celles qui allaient aussi participer à l’œuvre réformatrice de Mustafa Kemal. Dans les faits l’histoire de Galatasaray remonte à 1481, date à laquelle le premier établissement d’enseignement supérieur fut ouvert à l’emplacement de l’actuel lycée, et qui s’appelait déjà école impériale de Galatasaray mais qui eut par la suite des fortunes diverses.

1869 Visite de retour de l’Impératrice Eugénie au Sultan Abdulaziz.

Le Sultan Abdulaziz avait visité la France en 1867. Napoléon III et sa femme avaient prévu de lui rendre sa visite en 1869 mais les événements en France obligèrent l’Empereur à abandonner son projet de voyage et il chargea sa femme de le représenter. Elle fut accueillie à Istanbul par des festivités extraordinaires, logea au Palais de Beylerbeyi (sur la rive asiatique) et visita le lycée de Galatasaray.

- 20 octobre 1921. Signature des Accords Franklin-Bouillon (Accord d’Ankara) 

: la France est le premier pays de l’Entente à établir des contacts diplomatiques avec le Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale de Turquie et à signer avec lui un accord politique. Franklin Bouillon était Président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat et s’est rendu à deux reprises en Turquie en juin et septembre 1921 pour discuter de cet accord avec Mustafa Kemal.

On notera qu’Atatürk ne s’est rendu qu’une fois en France en tant que jeune officier (en 1910) pour participer à des manœuvres en Picardie.

Source :

http://www.ambafrance-tr.org/spip.php?article22#tdm

BONNEVAL (Claude-Alexandre, comte de), appelé aussi le Pacha de Bonneval, officier français et aventurier célèbre, né le 14 juillet 1675, au manoir de Coussac-Bonneval, dans le Limousin, mort à Constantinople le 23 mars 1747. Il s’engagea à treize ans dans les gardes de la marine, devint enseigne de vaisseau, puis passa dans les gardes françaises. Pendant la guerre de la succession d’Espagne, il commandait un régiment sous les ordres du duc de Vendôme.

En 1704, ayant encouru les reproches du ministre de la guerre Chamillart, il fit acte d’indiscipline, demanda une réparation qu’il ne devait pas obtenir et quitta la France. Il offrit ses services au prince Eugène de Savoie qui le nomma général, et il était dans les rangs ennemis à Malplaquet. En 1716, à la bataille de Peterwaradin, contre les Turcs, il fit des prodiges de bravoure. Cette ardeur, déployée contre les ennemis de la chrétienté, aida à le réhabiliter, et il revint en France en 1717. Bonneval y épousa Judith de Gontaut-Biron, mais dix jours après son mariage, il regagnait son corps en Autriche. Il prit part à de nouvelles opérations contre les Turcs et contribua à la prise de Belgrade. L’empereur Charles VI l’appela au Suprême conseil de la guerre et le combla d’honneurs. Néanmoins, la fougue et l’indépendance de son caractère amenèrent bientôt sa rupture avec l’empereur. Sa conduite arrogante vis-à-vis du gouverneur des Pays-Bas le fit condamner à un an de forteresse. Après avoir subi sa peine, il laissa l’Autriche et entra en Turquie. Il espérait y réunir un corps de partisans et guerroyer contre l’empereur; mais la Turquie ne se prêta pas à ses vues. Il chercha vainement aussi à obtenir l’appui de la France auprès de la Turquie. Bonneval se fit alors musulman. Mais ce fut seulement l’avènement du sultan Mahmoud, en 1730, qui changea sa fortune. Il fut chargé d’instruire et de commander le corps des bombardiers. Il eut toute la confiance du grand vizir Ali, pour lequel il rédigea des mémoires sur l’état des divers pays de l’Europe et dressa tout un plan politique, consistant principalement dans une alliance de la Turquie avec la France contre la Russie. Bonneval fut nommé gouverneur de la Caramanie et beylerbey de Roumélie, distinctions qui le mettaient au premier rang des pachas; on lui donna une pension et un palais à Scutari. Mais ses plans ne réussirent pas; il tenta aussi sans succès de soulever la Hongrie. Un acte d’insubordination du corps des bombardiers entraîna sa perte; il fut saisi et exilé en 1738. Il revint à Constantinople en 1739, recouvra ses titres, reprit du crédit, mais ses dernières années furent pleines de déceptions. Il songeait à demander asile au pape et à rentrer au service de la France, lorsqu’il mourut. On voit encore son tombeau dans une dépendance du Tekké ou couvent des derviches tourneurs, à Péra. 0n a publié sous le nom de Bonneval des mémoires qui n’ont aucun caractère d’authenticité : Mémoires du comte de Bonneval, cidevant général au service de Sa Majesté Impériale et Catholique (Londres, 1737, 3 vol. in 8; réimprimés en 1738, 1755 et 1806); Anecdotes vénitiennes et turques, ou Nouveaux Mémoires du comte de Bonneval, par M. de Mirone (Utrecht, 1740, 2 vol. in-8). Il en existe une traduction en suédois et, en 1741, il a été publié une suite à cet ouvrage.

Source :

http://pagesperso-orange.fr/dboudin/zGalerie/Bonneval.html

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Les nouvelles Capitulations (1604) sous Henri IV

Le système juridique des Capitulations dans l'empire Ottoman : 1604 Premier renouvellement des Capitulations

A l'occasion du renouvellement des Capitulations (accordées par l'empire Ottoman à François 1er) la France exerça alors son protectorat sur les Européens qui voyageaient dans l’empire (sauf les vénitiens et les anglais).

Par cette alliance avec la Turquie, la France jouissait alors, sous Henri IV, d'un quasi monopole du commerce en Méditerranée et au Moyen Orient.

Renouvellement des capitulations avec la France.

En 1604, à la demande de Savary de Brèves (François Savary de Brèves 1560/1628, Ambassadeur d'Henri IV à Constantinople et Rome, célèbre orientaliste, il avait étudié les langues orientales. Après avoir été ambassadeur, il créa à Paris un collège de Langues Orientales, qui fit paraître des publications en arabe, turc et persan. Il transféra d'Istanbul une centaine de manuscrits orientaux, créant la bibliothèque orientale la plus importante de France.

Principales dispositions du hatti-chérif de renouvellement des capitulations :

"Notre Hautesse, dit Ahmet (Ahmet 1er - 1590/1617, fils de Mehmet III), ayant été prié du sieur de Brèves, au nom de l'empereur de France son seigneur, comme son conseiller d’Etat et son ambassadeur ordinaire à notre Porte, de trouver bon que les traités de paix et capitulations qui sont de longue mémoire entre notre empire et celui de son dit seigneur fussent renouvelées et jurées de notre Hautesse ; sous cette considération, pour l'inclination que nous avons à conserver cette ancienne amitié, avons commandé que cette capitulation soit écrite de la teneur qui suit :

« Que les ambassadeurs qui seront envoyés de la part de Sa Majesté à notre Porte, les consuls qui sont nommés d’elle pour résider par nos havres et ports, les marchands ses sujets qui vont et viennent par iceux, ne soient inquiétés en aucune façon que ce soit, mais, au contraire, reçus et honorés avec tout le soin qui se doit à la fois publique.

« Que les Vénitiens et Anglais en hors, les Espagnols, Portugais, Catalans, Ragusais, Génois, Ancönitains, Florentins et généralement toutes autres nations quelles qu'elles soient, puissent librement venir trafiquer par nos pays, sous l'aveu et sûreté de la bannière de France, laquelle ils porteront comme leur sauvegarde ; et, de cette façon, ils pourront aller et venir trafiquer par les lieux de notre empire, commis ils y sont venus d'ancienneté, et qu'ils obéissent au consuls français qui résident et demeurent par nos havres, ports et villes maritimes. Nous commandons aussi que les sujets dudit empereur et ceux des princes ses amis, alliés et confédérés, puissent, sous son aveu et protection, venir visiter librement les saints lieux de Jérusalem, sans qu'il leur soit fait aucun empêchement.

« De plus, pour l'honneur et l'amitiés d’icelui empereur, nous permettons que les religieux qui demeurant à Jérusalem, Bethléem et autres au lieu de notre obéissance pour servir les églises qui s'y trouvent d'ancienneté bâties, y puissent avec sûretés séjourner, aller et venir sûrement, sans aucun trouble et destourbier, et y soit bien reçus, protégés, aidés et secourus en la considération susdite.

« Derechefnous recommandons que, les vénitiens et anglais en hors, toutes les autres nations ennemies de notre Grande Porte, lesquelles n'y tiennent ambassadeurs, voulant trafiquer par nos pays, elles ayent d'y venir sous la bannirait protection de la France, sans que jamais l'ambassadeur d'Angleterre ou autres ayent  de s’en empescher.

« Voulons et ordonnons que toutes permissions qui se trouve avoir été données ou qui se pourront donner par surprise ou mégarde, contraires à l'article précédent, soit de nul effet et valeur, ains que cette capitulation soit inviolablement gardée et entretenue ».

 Ces deux articles, les plus importants du Hatti-chérif de 1604, consacrèrent la prérogative exorbitante par laquelle les nations qui ont été perpétuellement en guerre avec la Porte, comme l'Espagne et l’Autriche, ont pu ne jamais interrompre leurs relations de commerce avec les pays ottomans, moyennant qu’elles se couvraient de la bannière de France.   L'article 6 de nos français et autres navigant sous leurs bannières le droit d'acheter en Turquie des cuirs, des cires, des cotons, « jaçoit-ce que ce soient marchandises prohibées et défendues d'enlever. »

L'article 7 prescrit l'admission des monnaies française en Turquie sans qu'elles puissent être refusées.  

Les articles 8 et 9 interdisent de faire prisonnier les français et navigant sur les vaisseaux ennemis de la Porte.  

Les articles 10,11 et 12 permettent aux vaisseaux français de prendre des vivre en tout temps dans les ports de l'empire.  

Les articles 13, 14, 15 et 16 assurent aux français l'exemption de tout impôt.  

L'article 17 ordonne aux corsaires de Barbarie de respecter les vaisseaux français, et leur prescrit de délivrer les esclaves de cette nation : "Déclarons qu'en cas que lesdits corsaires continuent leurs brigandages, à la première plainte qui nous en sera faite par l'empereur de France, les vices-rois et gouverneurs des dits pays seront tenus des dommages et pertes qu’iceux français auront faites, et seront privés de leur charge ; et ne sera besoin d’autre preuve du mal fait que la plainte qui en sera faite de leur part. De plus, nous consentons et avons pour agréable, si les corsaires d'Alger et de Tunis n'observent ce qui est porté par cette capitulation, que l'empereur de France leur fasse courir sus, les châtie et les prive de ses ports, et protestons de n'abandonner pour cela l'amitié qui est entre nos Majestés Impériales." L'article 18 concèdent aux français le privilège de la pêche du corail sur la côte de Barbarie. Les articles 19,20, 21,22, 33 et 24 sont relatifs aux droits de justice des ambassadeurs et consul sur les sujets français, "sans qu'aucun de nos officiers en prenne aucune connaissance ni juridiction." L'article 25 dit : "Et pour autant qu’icelui Empereur de France est entre tous les rois et princes chrétiens le plus noble et de la plus haute famille, et le plus parfait ami que nous ayons acquis entrent lesdits rois et prince la croyance de Jésus, nous voulons et commandons que son ambassadeur, qui réside à notre heureuse Porte, ait la préséance sur l'ambassadeur d'Espagne et sur ceux des autres rois et princes."   Les autres articles, de 26 à 49, sont relatifs au commerce, à la justice, aux héritages, aux dettes, etc.. Le 50ième et dernier contient le serment solennel du sultan de ne pas contrevenir aux traité  "tant que l'empereur de France sera constant et ferme à la conservation de notre amitié, acceptant dès à présent la sienne avec volonté de maintenir chère et en faire estime."

Source :

http://empireottoman.blogs.courrierinternational.com/archive/2008/03/10/1604-les-nouvelles-capitulations.html

Relations entre Turquie et France sous Louis XIII

René Descartes avait été approché  par Henri de Marcheville pour suivre son ambassade à Constantinople. Heureusement, il s'en est abstenu, car elle fut calamiteuse, du fait du caractère explosif d'Henri Decourtrai Comte de Marcheville, tellement difficile qu'il finit par se faire chasser de son ambassade par le Divan ottoman.

Chapitre IV. - Relations avec la France. - Deshayes, Césy, Henri de Marcheville

Sous le règne d'Amurat IV (1574-1595), la France perdit beaucoup de son influence en Orient. Ce fut la faute de marchands avides, qui introduisaient jusqu'à de la fausse monnaie, et d’aventuriers qui se livraient à tous les métiers, et finissaient ordinairement pas renier leur religion.

Le gouvernement de Louis XIII, averti de ces abus, donna une attention plus sérieuses aux affaires du Levant.

Des consulats furent établis en Albanie, et des missions en Morée,  à Athènes, à Scio, à Constantinople, à Alep, à Seïde, etc.

Un voyageur célèbre, Deshayes de Courmesmin, fut envoyée pour visiter tous nos établissements ; il parcourut la plus grande partie de l'empire ottoman , alla jusqu’à Jérusalem, où il établit un consulat, et fit rendre aux religieux catholiques la garde des lieux saints de Bethléem, qui leur avaient été enlevés par les arméniens, et "dont ils étaient en possession de toute ancienneté," dit le Firman du sultan.

Deshayes fut ensuite envoyé en Perse avec des instructions très étendues, pour y protéger la religion catholique et le commerce français. Par ses soins, une compagnie de marchands fut établi à Ispahan, mais elle ne réussit pas dans ces opérations. Une mission de capucins fut plus heureuse : le Shah la pris sous sa protection, "en considération, écrivait-il, de la très haute majesté du roi de France qu'il tenait pour son frère bien-aimé. "

Cependant le compte de Césy avait succédé à Sancy, et sous ce ministre les mauvais procédés de la Porte envers la France recommencèrent. Césy ne put obtenir du divan la déposition d'un patriarche  de Constantinople qui avait adopté le calvinisme ; il fut obligé d'admettre la République de Venise au partage de la protection des églises de Galata ; il ne put empêcher le sultan, à la demande des ambassadeurs d'Angleterre et de Hollande, de fermer les écoles et les imprimeries des jésuites et de chasser ces religieux de Constantinople (1628). Vainement il menaça de se retirer : le vizir lui dit que les vieilles amitiés de la France et de la Turquie ne pouvait dépendre du châtiment de quelques espions. Et le bannissement des jésuites fut maintenu pendant douze ans.

Enfin Césy , pour favoriser le commerce français, ayant pris à ferme les douanes de Constantinople, en donnant à la gestion à un arménien (1629), qui, ayant cautionné imprudemment plusieurs marchands de Marseille, fit banqueroute. Il se trouva responsable de sa dette, qui s'élevait à 100.000 francs, et fut poursuivi à ce sujet .

Henri Decourtray, comte de Marcheville, fut alors donné pour successeur a Césy (1631), avec ordre d'arranger ses affaires en faisant payer les dettes qu'il avait contractés "pour le bien du commerce" par tous les marchands de Marseille.

Marcheville était un gentilhomme présomptueux, ignorant, spadassin (querelleur, mauvais coucheur).

Comme il arrivait dans l'archipel, il rencontra la flotte du Kapoudan pacha, qui, sans le connaître, lui demanda le salut et le somma de venir à son bord ; il répondit en ordonnant à son vaisseau de tirer à boulets sur la capitane turque , criant même à ses matelots de viser l'amiral qui était sur le pont.

Le vaisseau français fut bientôt enveloppé par la flotte ottomane et Marcheville amené tout furieux au Kapoudan auquel il dit son nom, en lui déclarant qu'il aurait sa tête, que la France ferait la guerre à la Porte.

Le turc ne répondit rien et ne relâcha l'ambassadeur qu'à Constantinople. À la première audience qu'il eût du grand vizir, Marcheville se plaignit des outrages du Kapoudan, mais avec tant d'emportement et de menaces, que le ministre l'interrompit et le congédia.

Alors il ne ménage plus rien, et se conduisit avec un tel dédain des usages orientaux, qu'il passa pour fou et se trouva exposé à de continuelles injures.

Ainsi il fit évader plusieurs esclaves chrétiens ; il chargea l'épée à la main, dans les rues de Constantinople, des janissaires qui ne lui ouvraient pas passage ; il envoya ses interprètes auprès du Divan faire des menaces de mort extravagantes, que, si l'on en croit le rapport peu suspect du résidant autrichien (la correspondance des affaires étrangères ne fait pas mention de ces faits), l'un de ses interprètes fut pendu, un autre empalé, et que le fils de l'ambassadeur fut emprisonné.

Tout cela se passait sous le règne d'un prince qui terminait ainsi ses commandement : "fais comme j'ai dit, ou je te coupe la tête."

Libre carrière fut alors donné aux fureurs fanatiques des ottomans contre les chrétiens ; on ferma les églises de Galata ; on désarma tous les Francs, même les ambassadeurs ; on imposa des taxes arbitraires sur les marchandises européennes. Marcheville récrimina contre toutes ces violences avec autant de hauteur que de maladresse, et se trouve en butte à la haine non seulement des turcs mais des français et de tous les chrétiens ; enfin il mit le comble à ses extravagances en excitant une sorte d'émeute contre son prédécesseur, dont il n'avait nullement arrangé les affaires, et qui, étant venu à Constantinople pour sa dette, fit saisir, par l'ordre du roi et avec l'agrément du sultan, les vaisseaux des marchands qu'il avait cautionné.

Le Kapoudan pacha, qui n'avait cessé de persécuter Marcheville, était devenu Kaïmakan  ou lieutenant du grand Vizir ; il profita de ce tumulte pour lui signifier, de la part du Sultan, l'ordre de quitter la ville à l'instant même. "Cet ordre, disait-il, s'adressait à la personne de Marcheville, et non à l'ambassadeur du roi de France." Il le fit jeter dans une caïque, qui le conduisit à un bâtiment français, lequel fut remorqué jusqu'aux Dardanelles (1634).

Césy, son prédécesseur, fut invité par le divan et presque contraint à reprendre ses fonctions d'ambassadeur, jusqu'à ce qu'il plut au roi d'en ordonner autrement ; il fut confirmé par la Cour de France, qui accepta l'explication du Kaïmakan  et ne demanda aucune réparation. Il était encore à Constantinople en 1639, quant le roi nomma à l'ambassade du Turquie Monsieur de la Haye Vantelay.

De tous les dommages faits aux Francs pendant l'ambassade de Marcheville, le plus grave fût l'usurpation par les Grecs sur les Latins de la garde du saint sépulcre. De temps immémorial, la possession des lieux saints avaient été attribués aux religieux franciscains sous la protection de la France , quand, en 1634, les Grecs profitèrent des mauvaises dispositions des Ottomans contre les européens pour la revendiquer. L'affaire fut plaidée devant le divan avec beaucoup de solennité et en présence de tous les ambassadeurs chrétiens ; à force d'argent, les grecs l'emportèrent, et tous les efforts que fit la France pour faire casser ce jugement échouèrent pendant quarante ans. Cette usurpation des Grecs porta une grave atteinte à l'influence française en orient ; car ce n'était pas une vaine prérogative que la possession des lieux saints par des religieux français ; elle était un reste de notre domination dans le Levant, en constatait l'impérissable souvenir, et témoignait de notre puissance au yeux des chrétiens comme au yeux des turcs. Ces églises, ses sanctuaires, ces lieux consacrés par la vie et la mort du Christ, n'étaient pas protégés par les rois de France uniquement par zèle religieux, mais par considérations politiques ; à mesure que l'un d'eux était enlevé à leur garde, le nom français perdait quelque chose son éclat en Orient, et le jour où le drapeau de la France aura disparu du dernier dôme catholique, l'influence française aura disparu dans le Levant.

Source :

http://empireottoman.blogs.courrierinternational.com/archive/2008/03/01/relations-entre-turquie-et-france-sous-louis-xiii.html

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