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Le militarisme


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Bonjour, j'aimerais que l'on discute, sur ce topic, du militarisme en général (et si possible se focaliser sur le militarisme sans dériver vers le chauvinisme, la différence patriotisme/nationalisme etc).

Je me pose beaucoup de questions sur le militarisme, que je trouve plus fascinant et énigmatique que les bêtes nationalismes, et donc j'aimerais que l'on sépare l'étude de ces deux phénomènes si c'est possible.

Premièrement, quels pays ont été militaristes et à quelles époques? La France l'a-t-elle déja été?Militarisme et démocratie sont ils compatibles?Mais aussi, de manière plus abstraite, quelle est l'essence du militarisme?Militarisme et ultranationalisme vont-ils de pair?Vaut-il mieux pour un pays avoir une opinion publique trop belliqueuse ou trop pacifiste?

Une chose qui m'intéresse tout particulièrement, c'est le rapport à l'armée de l'opinion publique britannique au XIXème siècle (la rivalité avec la Russie dans le Grand Jeu, la célèbre chanson "oh by Jingo", le rapport des britanniques au statut de superpuissance de leur pays).

Le militarisme prussien m'intéresse aussi beaucoup, hélas à part Wikipedia, je n'ai pas vraiment de "sources fiables" là dessus.

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Je pense que le militarisme, du moins l'existence d'une telle idée dans une société, est un affaire de proportions et de point de vue. Du point de vue d'un puissant, un Etat augmentant son budget défense est militariste, du point de vue du second, il garantira sa souveraineté.

Le militarisme est conceptuellement, à mon sens, un synonyme de rhétorique de puissance. Lorsque les dépenses ne sont plus proportionnées ni pertinentes par rapport à la réelle nécessité de sa défense nationale.

Si l'on adopte un regard interne au militarisme l'Etat optant pour cette voie placera l'armée au centre de la société civile ou plutôt mettra cette dernière de côté au profit de concepts qui, s'ils prennent tous leurs sens dans une société "normale" deviennent absolument hyperboliques et finalement creux dans un régime militariste.

Pour se justifier, l'armée devra à terme provoquer elle-même des guerres a répétition car si aucune menace ne plane vraiment les gens cesseront d'y croire. La menace peut-être interne comme externe, l'ennemi de l'intérieur un bon prétexte pour justifier une prise de pouvoir importante dans la société.

D'une certaine façon le concept même de projection de puissance peut être interprété comme étant du militarisme, tout dépend de la définition qu'on donne à la défense de la nation et de ses intérêts. $

Militarisme et nationalisme sont deux notions qui peuvent bien aller ensemble car un excès du premier peut facilement, afin de se justifier, entrainer le second mais à mon idée, la démocratie peut très bien coexister avec le militarisme, il y aurait juste plusieurs points tabous a ne pas aborder ni à remettre en question, l'armée devient alors une valeur transcendant tout, un peu comme la religion chez nous à une époque pas si lointaine.

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Entre un Etat où le domaine militaire compte beaucoup pour des raisons de sécurité pressantes (menace immédiate aux frontières....) et un Etat militariste on pourrait faire une marge, mais il faudrait en fait définir le sujet: qu'entends-tu par militarisme pour ce sujet?

A mon sens, le militarisme est une composante militaire/sécuritaire érigée en idéal national, comme référent absolu du code de valeur et élément intouchable au point d'avoir un impact sur la plupart, sinon tous les aspects de la vie en société, de son mode de vie quotidienne à son organisation en général en passant par ses référents imaginaires et esthétiques.

Ainsi, de nos jours, par exemple, je dirais que les USA, plus que pendant la Guerre Froide, ont des aspects fortement militaristes, de même qu'Israël (même si dans ce dernier cas, ce serait plutôt une tendance récente, la place importante de l'armée n'ayant pas empiété, hors d'une certaine limite, sur la société).

Historiquement, je dirais que l'Electorat de Brandebourg, augmenté par la suite du Duché de Prusse et devenant le Royaume de Prusse, fut l'Etat européen le plus militariste de l'Histoire du continent. Du dernier quart du XVIIème siècle jusqu'à 1918 (système prussien étendu à l'Allemagne unifiée), ce mode d'organisation, d'objectifs collectif et de référents constitua un phénomène d'une ampleur rarement égalée. On disait ainsi que la Prusse n'était pas un Etat qui a une armée, mais une armée qui a un Etat. Les corps de cadets, dissouts en 1918, en étaient sans doute l'institution la plus emblématique.

De façon plus discutable, la Suède du XVIIème siècle, jusqu'à Charles XII, a beaucoup d'aspects militaristes.

Dans la Grèce Antique, Sparte est évidemment un pré-modèle, de même que la Macédoine réorganisée par Philippe II. La Rome républicaine est un modèle citoyen qui devient éminemment militaire, voire militariste, à l'occasion des Guerres Puniques et des débuts de l'expansion pan-méditerranéenne, mais avant la réforme de Marius qui professionalise l'armée et démilitarise partiellement la société. Mais il est plus dur de statuer pour rome, à mon sens, car à la sacralisation de la guerre répondent les sacralisations des autres aspects de la vie; ce serait donc seulement dans la période des Guerres Puniques, qui voient une mobilisation de la société en grand pendant plusieurs générations, que je parlerais d'un militarisme romain.

Pour le cas français, je situerais plusieurs périodes pouvant répondre aux critères définissant une société militariste (j'écarte en fait tout le Moyen Age qui ne répond pas à cette définition en général, l'idéal chevaleresque, les façons de faire la guerre et les mentalités ne correspondant pas à ce que nous appelons le militarisme):

- quand même pour le Moyen Age; la période de la Guerre de Cent Ans à partir de Charles V, et surtout de Charles VII et Louis XI, qui révolutionnèrent leur époque en organisant le pays dans un vrai premier modèle de guerre totale et surtout, change radicalement la notion d'Etat en faisant passer le premier impôt permanent. A mettre entre guillemets....

- de même pour la réorganisation (économique, administrative, politique, militaire....) du royaume, sa mobilisation permanente et de son iconographie, créant un vrai modèle pré-absolutiste dont le militarisme, encore empreint d'imagerie chevaleresque (à laquelle l'imagerie militaire doit beaucoup), est plus qu'avéré.

- la Guerre de trente Ans, poursuivie par la première période du règne personnel de Louis XIV, mettons jusqu'à la Guerre de la Ligue d'Augsbourg: c'est la période d'une militarisation massive de la société, à une échelle jamais vue, avec en fait l'invention de l'organisation militaire moderne, son impact à tous les degrés de la société et de la vie quotidienne, l'importance de la guerre dans la vie et la pensée du pays, dans son imagerie....

- la période napoléonienne: très courte, elle n'en est pas moins l'un des sociétés les plus militaristes qui soit

- la IIIème République jusqu'en 1918: sans doute la caractéristation typioque du militarisme pour une société, de la maternelle à la mort, de l'économie à la politique, de l'organisation du territoire à la politique des sports et à l'imaginaire et l'iconographie collectifs. Lire La Société Militaire de Raoul Girardet, un vrai chef-d'oeuvre

Au final, je pense que le militarisme appliqué à une société ne peut être réellement qu'on moment particulier, voire une situation d'exception. Comme toute chose trop poussée, trop univoque, cela ne peut durer vraiment longtemps. Sa durée exceptionnelle en Prusse et, par extension, en Allemagne, correspond selon moi à plusiuers facteurs:

- la première période, celle de la Prusse-Brandebourg, peut n'être pas qualifiée de militarisme malgré l'organisation de l'etat autour de l'armée: c'est une monarchie à fonctionnement despotique, l'iconographie et la religion sont des choses qui concernent plus le roi que l'armée, l'administration et l'armée sont des pourvoyeurs de commandes à l'économie, et, hors temps de guerre et de mobilisation, la société et l'armée restent des réalités assez éloignées pour l'essentiel, comme dans toutes les armées d'Ancien Régime

- ce serait en fait à partir des réformes de Scharnhorst et Gneisenau, pendant et après les guerres napoléoniennes, qu'on pourrait parler de militarisme proprement dit, au moins en fondements (organisation des corps de cadets, conscritpion massive, permanence du grand QG, organisation du territoire et de l'économie en fonction des besoins stratégiques, notamment le rail, iconographie nationalisto-militaire....). Mais c'est surtout l'émergence et la concomittance de la Révolution Industrielle, de l'expansion démographique massive du XIXème, du romantisme et du nationalisme (ces deux derniers étant liés) qui donnent réellement cet impact massif à la façon dont se pense et s'organise le pays. Et l'unificationa llemande en est à la fois un objectif, un moyen et un produit.

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La prise de conscience du "citoyen" des devoirs qu'il doit envers l'Etat facilite également la militarisation de la société puisqu'elle emporte l'adhésion populaire.

Certes, les Etats forts (despotiques ou absolutistes) peuvent contraindre leurs populations à ce genre de société. Mais à mon sens, ces sociétés militarisées caractéristiques n'apparaissent qu'à l'aune du XVIIIème siècle et des Lumières où la place du citoyen dans la société est remis en valeur. Toute action de l'Etat devient l'émanation de la volonté populaire et la durée du militarisme prussien parait plus logique dès lors où il prend sa place dans cette transformation sociétale.

Les minutemen américains ou les milices hélvétiques peuvent également répondre à une certaine militarisation de la vie publique. Mais encore les levées en masse des révolutionnaires français face aux menaces d'invasion.

Bref, selon moi toute militarisation dépend de l'émergence d'un Etat fort soutenu par le peuple. Les cités-Etats antiques me paraissent l'exception avant la deuxième moitié du XVIIIème siècle même si elles répondent aux mêmes critères.

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Il ne faut pas confondre une société où le domaine militaire prend beaucoup de place, ce qui peut résulter d'une situation de nécessité (menace permanente: Espagne de la Reconquista, Prusse du XVIIIème siècle....), ou d'une manifestation de citoyenneté à côté d'autres tout aussi exigeantes (l'essentiel des Cités grecques, par exemple, hors Sparte), avec le militarisme qui est une doctrine et une démarche active et volontariste impactant tous les aspects de la dite société.

C'est pourquoi j'ai fait une césure dans le militarisme prussien, où le caractère de militarisme ne serait réellement pertinent qu'à partir de l'après 1815 et vraiment fort qu'à partir de l'unification allemande.

La militarisation de l'indépendance américaine ou des milices suisses, la levée en masse (d'ailleurs moins importante numériquement que l'appel à la population de Louis XIV en 1707-1708) ne constitue pas pour autant un militarisme quelconque, juste une situation de nécessité. Dans ces cas là, on ne fait pas un modèle global d'une solution plus ou moins temporaire.

L'exemple suisse est d'ailleurs assez marrant, et on pourrait lui en adjoindre d'autres: il s'agit d'un mode d'organisation militaire populaire qui aurait pu se perpétuer dans un modèle militariste (assez analogue à Sparte) suite à un allongement anormal de la situation de nécessité (les guerres des cantons suisses contre les Autrichiens furent prolongées par les guerres de Bourgogne), mais a trouvé un dérivatif dans le mercenariat institutionalisé. Le problème de ces situations d'exceptions est que si elles se prolongent, on est face à plusieurs générations d'hommes qui ont pris le pli de la guerre.

L'Angleterre de la Guerre de Cent Ans, à petite échelle, a connu de nombreux troubles à cause de cela, de même que la France à la même époque (importance du problème des Grandes Compagnies, explosion des guerres féodales entre aristos belliqueux), mais pour ces 2 pays, il ne s'agissait pas de pans entiers de la population.

De même, la généralisation de la mobilisation populaire dans l'Espagne catholique a, au moment de la fin de la Reconquista, trouvé un dérivatif immédiat via les Guerres d'Italie, évitant soient des troubles internes, soit une société non noble fortement organisée par sa structuration militaire traditionnelle (sorte de militarisme "spontané"), et donc dangerese pour l'organisation de la société aristocratique.

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Le titre complet est La société militaire, de 1815 à nos jours. Le bouquin date de 1998. C'est évidemment uniquement sur la société française. Et Raoul Girardet est un cador dans le domaine de létude historique autour du domaine militaire (Sciences Po, Ecole de Guerre/CID, St-Cyr....).

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Au fait, est ce que le militarisme est imposé par un gouvernement ou est ce qu'on a déjà des cas où c'est le peuple qui réclame ce type de régime

Par essence, selon ce que je pense être le militarisme, je dirais que non: un gouvernement peut s'appuyer sur une opinion nationaliste, voire belliciste (religion, revanchisme, idéologie, sentiment d'agression réel ou supposé....) qui développe plus ou moins spontanément une place forte à l'armée pour édifier un militarisme d'un type ou de l'autre. Mais le militarisme est par essence une doctrine, voire une idéologie, soit une politique appliquée systématiquement et dans le plus grand nombre possible d'aspects de la vie.

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Faudrait d'abord rappeler ta propre sémantique: "être pour" et "réclamer" un tel régime, c'est radicalement pas la même chose. Ensuite, faut nuancer cette affirmation: tracer les lignes de partage au sein des populations et arrêter ces mythes des populations allemandes ou japonaises majoritairement pleinement adhérentes à leurs régimes. On peut rappeler par exempel que le Japon est passé au bord d'une mini guerre civile au début des années 30, que l'Allemagne s'est ruée dans les bras de qui la sortirait de la crise économique dramatique des années 30.....

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Il y'avait au Japon, cette société ultra conservatrice couplé aux assassinats des opposants et une pression inimaginable sur les gens, un bourrage de crane permanent sur leur supériorité, sur le fait qu'ils ne sont que d'humbles sujet d'un empereur de droit divin, qu'obéir et mourir sont un honneur.

Pour le coup s'opposer au militarisme était extrêmement dur, beaucoup plus qu'en Allemagne, le Japon en plus est une île avec une mentalité d'insulaires, auto centré sur eux mêmes, très ignorants et méprisants du monde extérieur.

Ce qui rapproche les deux pays, c'est l'absence d'une droite démocratique qui dans les deux cas à préféré le fascisme par fond idéologique très conservateur commun. Il n'est pas inutile de rappeler que sans le soutient des conservateurs Hitler n'aurait jamais pu faire son "coup d'état" légal, il n'a jamais été élu Chancelier, il a été nommé par Hindenbourg sous la pression d'une guerre civile dont il menaçait l'Allemagne avec ses millions de SA.

L'absence d'une réelle tradition démocratique a beaucoup joué, la plupart des soutient financiers des conservateurs étant des anciens aristocrates terriens ou des barons industriels détestant le régime parlementaire.

C'était pas très diffèrent en France, le "mieux vaut hitler que le front populaire" était plus que des mots.

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