Que connaît-on de l'archipel des Chagos? Situé au sud des Maldives, au coeur de l'océan Indien, cet archipel britannique (depuis 1814 et rattaché en 1903 à la colonie de Maurice) compte 55 îles dont seulement trois sont habitées: Salomon, Peros Banhos et l'île principale, la fameuse Diego Garcia.
Des Chagos, on en parle épisodiquement. La plus récente occasion ne date que d'hier.
Lundi, la Cour internationale de justice (la CIJ, basée à La Haye) a déclaré que le Royaume-Uni devait mettre fin à son administration de l'archipel. En effet, la souveraineté en est revendiquée par l'île Maurice, indépendante depuis 1968 mais amputée des Chagos que Londres avait achetés en 1965, pour trois millions de livres, aux institutions semi-autonomes de Maurice. Londres avait alors transformé les Chagos en une nouvelle entité: le British Indian Ocean Territory.
Dans un avis consultatif, les juges de la plus haute juridiction des Nations unies ont estimé que le Royaume-Uni avait "illicitement" séparé l'archipel des Chagos de l'île Maurice. L'assemblée générale de l'Onu avait adopté en 2017 une résolution présentée par l'île Maurice et soutenue par les pays africains réclamant que la CIJ donne son opinion sur l'avenir des îles Chagos. C'est chose faite.
L'avis rendu lundi par la CIJ a ravi les ex-Chagossins (photo Reuters ci-dessus) et le Premier ministre mauricien, Pravind Jugnauth, pour qui "le temps est arrivé du démantèlement de la dernière colonie britannique en Afrique". Et d'ajouter que "les Chagossiens et leurs descendants vont enfin pouvoir rentrer chez eux". Effectivement, le Royaume-Uni avait expulsé environ 2 000 Chagossiens vers Maurice et les Seychelles. Dont 1400 (426 familles) venant de Diego Garcia, puisque l'objectif était alors de faire de la place sur cette île pour installer une immense base militaire conjointe anglo-américaine.
Diego Garcia, avec ses 45 km2, offre un immense lagon large de 10 km et profond de 31 m. Ces belles capacités de mouillage permettent d'accueillir un porte-avions US et les 7 bâtiments du 2e Maritime Pre-positioning Ship Squadron.
Entre 2500 et 3500 militaires et civils US (selon les déploiements d'unités de l'US Navy et de l'US Air Force) y sont basés.
Il y a deux ans, le traité d'une durée de 50 ans conclu en décembre 1966 entre Londres et Washington a été prorogé pour 20 ans. Le Pentagone continuera donc à disposer d'un "super porte-avions" dans l'océan Indien pour lequel il aurait investi plus de 3 milliards de dollars. Actuellement, les unités présentes à Diego Garcia sont les suivantes:
• U.S. Naval Computer and Telecommunications Station Far East Detachment (NCTSFE DET)
• Branch Health Clinic (BHC), Diego Garcia
• Maritime Pre-positioning Ship Squadron (COMPSRON ) TWO
• Military Sealift Command Office (MSCO)
• Naval Media Center Detachment Diego Garcia
• Public Works Department (PWD), Naval Facilities Engineering Command Far East (NAVFAC FE), Diego Garcia
• Personnel Support Activity Detachment Diego Garcia (PSD)
• U.S. Fleet and Industrial Supply Center (FISC), Diego Garcia Detachment
• Air Mobility Command (AMC) Detachment ONE, 730 AMS
• Automated Remote Tracking Station (ARTS) Air Force Space Command (AFSPC) Detachment 2, 22nd Space Operations Squadron
• Ground-based Electro Optical Deep Space Surveillance (GEODSS) Air Force Space Command Detachment TWO, 21 Operations Group
• Pacific Air Force (PACAF) Detachment ONE, 36 Mission Support Group (MSG)
L'importance stratégique de Diego Garcia, l'obstination de Londres et le peu relatif de la CIJ contribuent à convaincre que la situation ne va pas évoluer et que les Chagossiens ne sont pas prêts de rentrer.
De temps en temps au gré des opérations navales et aériennes américaines, Diego Garcia fait aussi la "une". En 1990, lors de l'opération Tempête du Désert, des dizaines de navires et des centaines d'avions y ont stationné ou y ont transité. Idem en 2001 avec le lancement de l'opération Liberté Immuable. Des bombardiers B-52H et B-1 (voire des B-2, lire ici) y stationnent et effectuent des missions au Proche et Moyen Orient.
De temps en temps enfin au gré des passations de marchés, Diego Garcia s'extirpe de sa discrétion. Ainsi en mai 2017, le marché des "Base Operations Support (BOS) Services" a été attribué à KBR Diego Garcia pour un montant annuel de" 57 millions de dollars. Ce marché court jusqu'en 2025; sa valeur totale avoisine les 515 millions de $.
On notera aussi que les travaux d'agrandissement se poursuivent sur la base US. Un site de stockage est actuellement en construction pour accueillir les stocks prépositionnés du Pacific Air Forces War Reserve Materiel.