Les utilisations : Le renseignement en opération

La principale contrainte pesant sur le renseignement satellitaire en opération est la fraicheur du renseignement : il ne sert à rien de savoir la position d’un dispositif ennemi pour le cibler s’il a bougé depuis. Malheureusement, les satellites doivent obéir aux lois de la mécanique céleste, ce qui fait qu’ils ne peuvent pas rester observer l’objectif en permanence s’ils sont en orbite basse, et ne passent pas directement en vue des antennes de réception après qu’ils aient pris une photo. Il y a donc un délai entre la prise de vue et l’obtention de l’image qui peut aller jusqu’à 12h, et être ramené à 0 en faisant transiter les données par un satellite de communication géostationnaire ou en déployant une antenne près de la zone de prise de vue. Certains systèmes proposent à cette fin des stations-sol aérotransportables avec une antenne de réception. Les satellites de renseignement géostationnaires par contre permettent d’avoir une couverture permanente, mais fournissent seulement du renseignement électronique ou de l’alerte avancée.

La deuxième contrainte est d’avoir du renseignement souvent : même si on obtient les données immédiatement après leur acquisition, il est souhaitable d’en recevoir au moins tous les jours. Pour cela, il faut que le satellite s’approche suffisamment près de l’objectif tous les jours. Ce suffisamment est déterminé par plusieurs facteurs : pour de l’imagerie, l’objectif doit être visible du satellite, et l’angle de vue ne doit pas être trop rasant, sinon le relief peut masquer des parties de l’image. De plus, plus l’objectif est loin et plus la résolution sera dégradée, et plus le signal sera atténué pour un satellite radar. Le satellite doit aussi être capable d’imager des objectifs qui ne sont pas directement à sa verticale, et de passer rapidement d’un objectif à l’autre, faute de quoi il devra attendre le prochain passage pour prendre des images. L’immense majorité des satellites de reconnaissance en orbite basse passe près d’un objectif donné toutes les 12h, une fois la journée et une fois la nuit, mais à cause des considérations d’angle de vue ne fournissent une image que tous les 3 jours si l’objectif est près de l’équateur. Mettre en place une constellation de satellites permet de raccourcir ce délai. Pour les satellites de renseignement électronique en orbite basse, il suffit que la cible soit visible légèrement au-dessus de l’horizon.

Contrainte supplémentaire, la programmation du satellite doit être flexible : avec une seule station radio disponible pour commander un satellite, et sans satellite relai, un plan de programmation disant au satellite où regarder ne peut être mis à jour que toutes les 12h en général, ce qui laisse du temps la situation au sol de changer. Si en plus le satellite est optique, il ne voit pas à travers les nuages, et donc toute photo d’un objectif sous les nuages sera gâchée, ce qui implique d’incorporer la météo et toutes ses incertitudes au plan de programmation, ou de laisser le satellite déterminer quelles zones sont sans nuages et donc exploitables.

Selon les réponses apportées à ces différents problèmes (fraicheur du renseignement, fréquence de revisite, préavis nécessaire pour la programmation) l’usage fait du satellite sera bien différent. Un satellite peu réactif sera orienté vers des objectifs fixes comme les bases aériennes, un satellite capable de fournir des images en quasi temps-réel peut être utilisé au plus près des opérations, qui devront adapter leur tempo à ses horaires pour en tirer le maximum. Par exemple, un satellite de localisation d’émetteurs suffisamment précis peut fournir une solution de tir à une frappe antinavire si  le tireur attend les données et tire rapidement après les avoir reçues.  Un satellite peut servir à analyser les intentions de l’adversaire et son dispositif, à extraire des coordonnées pour cibler des frappes, et à évaluer les résultats de ces frappes. L’extraction des coordonnées nécessite un bon géoréférencement des images, c’est-à dire qu’on doit savoir précisément quelles sont les coordonnées GPS par exemple d’un pixel de l’image, ce qui n’était pas critique pour les autres utilisations. Faute d’une précision suffisante, un autre senseur devra observer la zone pour préciser les coordonnées de l’objectif. Il est intéressant d’avoir une bonne résolution, mais ce n’est pas la principale contrainte, qui reste le temps. Par contre, disposer des capteurs multispectraux ou fusionner l’imagerie optique et radar permet de révéler les leurres. Disposer de capteurs dans l’infrarouge thermique permet de travailler la nuit avec les satellites optiques et donc de doubler le nombre de prises de vue, pour le prix d’une résolution dégradée.

Le renseignement électronique apporte aussi sa contribution, à ceci près qu’il impose moins de contraintes car les capteurs reçoivent tout ce qui est visible du satellite sans avoir besoin de plan de programmation ni de réorienter le satellite. Par contre si l’adversaire n’émet rien pendant que le satellite passe, ce dernier revient bredouille, ce qui explique le placement des satellites américains en orbite géostationnaire, d’où ils peuvent surveiller chacun un tiers du globe en permanence.

Les modes d’utilisation d’Hélios 1 et l’influence de la résolution sur les applications. La  détection  permet  de  distinguer  un  objet  ou  un  phénomène  susceptible d’avoir un intérêt militaire (un avion),  la reconnaissance permet de déterminer sa nature (un avion bombardier) et éventuellement sa classe ou son type alors que  l’identification permet d’individualiser des objets appartenant à une même classe (un Mig 29). (Source : Assemblée nationale AN)

Procédure de ciblage Scalp (AN)


Il faut garder à l’esprit que le satellite n’est qu’un maillon d’une chaine de renseignement. L’information qu’il recueille doit être transmise à une station sol, qui à son tour la dissémine vers des structures chargées de l’analyser et d’orienter d’autres capteurs pour l’affiner, de prendre des décisions dessus et d’agir en conséquence. Pour exploiter une information qui se périme vite, il faut que toute la chaine soit rapide.