Les utilisations : L’analyse à long terme

Note issue de l’analyse d’une image (EUSC)

L’analyse à long terme a plusieurs facettes. Elle consiste principalement à surveiller un pays/une région au cours du temps, pour se faire une idée de ses capacités. Par exemple, en prenant des photos d’une centrale nucléaire en construction pour se renseigner sur l’avancement du programme nucléaire d’un pays, en surveillant les chantiers navals et les ports pour dresser l’ordre de bataille de la marine, ou observant les bases aériennes pour estimer leur état d’alerte. On peut aussi chercher à estimer la production industrielle en observant des usines, ou la production agricole avec les champs. Après analyse, le produit fini est une note aidant à la prise de décisions stratégiques.

Dans ce cadre d’utilisation,  il est utile pour un capteur optique d’avoir plusieurs bandes spectrales (on parle de capteur multispectral), qui permettent de mieux caractériser les matériaux, et d’évaluer l’activité de sites en mesurant la température grâce à des prises de vue dans l’infrarouge. Il est également intéressant de comparer les images prises à différents moments sur une longue période de temps, ce qui pour les satellites optiques veut dire que le satellite doit prendre des photos d’un même site toujours à la même heure locale : les ombres ne changent alors pas, ce qui facilite la détection d’autres changements. On choisit alors une orbite dite héliosynchrone, où l’angle d’éclairage varie lentement au même rythme que les saisons. Les satellites radar fournissent leur propre « éclairage » et ne sont donc pas contraint par l’illumination solaire. Par contre leurs images sont plus difficiles à analyser.

D’une manière générale, le délai entre la prise de vue d’une photo et son analyse n’est pas primordial, comme le montre l’exemple des satellites photographiques à film. Dans beaucoup de cas, les objectifs sont beaucoup moins étendus spatialement  (aéroport, port, zone industrielle) que pour les applications cartographiques, et les satellites peuvent se satisfaire d’un champ de vision plus restreint d’une dizaine de kilomètres. Il n’est pas non plus forcément nécessaire d’avoir une image d’un site tous les jours, et une résolution (longueur au sol correspondant à un pixel de l’image) d’image supérieure apportera davantage d’informations.

Étant donné qu’un satellite ne passe qu’au maximum une ou deux fois par jour au-dessus d’un site, il est important de pouvoir extraire de l’image de l’information sur ce qu’il se passe pendant que le satellite n’est pas là : on parle d’indices d’activités. Par exemple, des traces de pneus indiquent le passage d’un véhicule, ou une signature infrarouge importante sur le bitume d’un parking peut indiquer que le moteur d’un véhicule y a été mis en marche peu de temps avant, même si le véhicule n’est plus sur l’image. Un photo-interprète est ainsi capable après une formation poussée et avec de l’expérience d’utiliser des indices très indirects pour analyser l’activité sur un site, par exemple d’identifier un camp de réfugiés en remarquant que des arbres disparaissent : les réfugiés coupent du bois pour faire du feu. Les photo-interprètes sont donc une ressource rare et précieuse, qui peut venir à manquer en cas de surplus d’activité lors d’une crise.

Des images prises par un radar à synthèse d’ouverture (SAR), moins évidentes d’interprétation que des photos (EUSC)


Le renseignement électronique participe également à l’analyse à long terme : On peut analyser les signaux radars d’un adversaire pour mieux programmer ses propres contre-mesures, analyser les communications même sans percer leur contenu pour mettre à jour les forces en présence (établissement de l’Electronic Order of Battle), leur organigramme et leur état d’alerte, ou écouter des communications. Une capacité de localisation même grossière des émetteurs peut être utile pour déterminer où sont les postes de commandements et les nœuds de communication : la localisation pourra plus tard être affiné au passage d’un satellite d’imagerie.

Influence de la résolution spatiale sur les images (EUSC)

 


Détail amusant, les satellites espions peuvent servir à acquérir du renseignement sur les satellites espions : il suffit de retourner la caméra pour viser non pas la Terre mais un point précis du ciel.

Spot 5 pris en photo par Pléiades (source CNES)