Viseur de toit, signature visuelle et compromis

Beaucoup de compromis ont été fait pour préserver les deux facteurs principaux du design du Tigre: une discrétion maximale et un poids contenu. D’autant plus que ces facteurs sont interdépendant, puisque la signature visuelle du Tigre repose sur sa grande finesse, garantissant elle-même un bon rapport poids/autonomie.

Des concessions ont certes été faites après les premiers RETEX (l’habitacle a été renforcé au niveau du blindage planché) mais sa protection repose encore principalement sur sa discrétion et sa silhouette ramassée.

Ainsi, les verrières (composées de plexi sur les côtés) ne sont pas blindées, la protection de l’équipage résidant toujours dans sa faible largeur et sa manoeuvrabilité. Il aurait été impossible de blinder ces verrières sans alourdir l’appareil au-delà du raisonnable, à moins d’accepter de sacrifier en taille et donc en visibilité latérale, comme sur le Mi-28. Difficilement envisageable vu l’usage qui est fait du canon.

Un exemple significatif de compromis ayant conduit à un choix original (et injustement contesté par certains) est le choix du viseur de mât STRIX au détriment du viseur de toit OSIRIS qu’on rencontre sur le Tiger allemand, qu’on a pu voir évoluer au Bourget d’ailleurs.

Ce viseur de toit, comparé au viseur de mât, n’est aucunement un problème mais bel et bien un choix opérationnel cohérent qui découle de plusieurs facteurs et apporte autant d’avantages:

  • L’habitude d’abord: l’ALAT utilise le viseur de toit depuis des décennies sur les Gazelle notamment, et dispose déjà de nombreuses tactiques éprouvées concernant l’utilisation de ce matériel, sans même parler de l’habitude logistique.
  • La logistique, puisqu’on en parle: cet équipement est bien plus facile et rapide à déployer et réparer en OPEX, qu’il s’agisse de le transporter par avion ou de l’utiliser depuis un BPC.
  • L’aérodynamique: le Tigre français est nettement plus véloce que le Tiger allemand en raison de ce choix technique. La vitesse de croisière du HAP est de 280km/h contre 260km/h pour le UHT, et les vitesses de pointe vont de 290km/h à plus de 320km/h selon la version. La différence n’a pas forcément l’air gigantesque, mais elle prend tout son sens quand on sait que ces machines doivent escorter et surtout précéder des NH-90 de manoeuvre aux performances quasi identiques au UHT. Avoir une réserve de vitesse sur eux n’est pas du tout un luxe en opération.
  • L’utilisation opérationnelle: le but n’est pas de faire de l'affût comme sur un Apache Longbow (ou un Tiger). L’ALAT a appris d’expérience (comme l’Army et les Marines d’ailleurs) que la mobilité et la vitesse sont la clef de la survie dans le combat héliporté dès que l’on sort de la bataille rangée de chars lourds, ce qui sera la grande majorité de son utilisation.

En effet, le mât permet de se camoufler à la lisière des arbres ou derrière une crête en ne laissant apparaître que son viseur de mât, ce qui permet le tir de missiles directement depuis cette position, ou éventuellement d’émerger juste le temps du tir.

Cela correspond à un usage anti-char typique de la guerre froide, quand un hélicoptère en position de tir n’était pas à l’abris d’un tir d’obus de 125mm dans la tronche en contrepartie.
Cela n’a plus aucun sens dans un combat de soutien aux troupes au contact à coups de roquettes de 68mm ou de canon de 30mm.

Au contraire, dans un tel contexte, le viseur de toit offre certains avantages en terme de visée vers le bas, de protection générale (contre les lignes électriques notamment) et, toujours, de discrétion visuelle et radar.

Sur la version HAD, le choix du viseur de toit n’a pas été remis en question.

En effet, l’ALAT ne devrait pas pratiquer d’observation et de tir "à l’affût" sur des colonnes de ravitaillement ennemies comme les Longbow américains ou les UHT allemands, mais devrait plutôt utiliser une tactique "caméléon". A l’instar des évolutions les plus récentes du Super Cobra de l’USMC par exemple, on ne cherche pas à se mettre derrière les arbres ou une crête en ne faisant dépasser que le moins possible, on cherche à se mettre DEVANT le flanc de montagne ou la forêt en ne laissant RIEN dépasser du tout, fusionnant avec le décor ambiant.

Immobile, avec un tel camouflage, le Tigre est quasiment impossible à détecter visuellement (le seul risque restant un reflet sur l’optique ou la verrière, un risque qui n’est pas inexistant sur la solution mât non plus) ou au radar, tandis que sa signature sonore est extrêmement difficile à localiser précisément.

Bien sur, cette solution ne marche pas à tous les coups, si le paysage ne correspond pas au camouflage, si l’adversaire est équipé de capteurs infrarouges modernes etc. Dans ce cas là, la chasse à l’affût peut être pratiquée. Sauf qu’au lieu de ne laisser dépasser qu’un mât, on laisse dépasser une tête de rotor (le rotor en rotation n’est pas des plus visible) et le viseur de toit. Rien de bien dramatique donc.

La concession la plus importante qui a été faite à la version HAC initiale est celle du FLIR sous le nez. Apparemment, sur la version allemande, ce dernier permet une navigation plus confortable en environnement humide, surtout de nuit. Mais comme on passe plus de temps à mitrailler au 30mm au dessus du désert qu’à se planquer au dessus des rivières de forêts d’Europe Centrale, le regret n’est pas des plus amers