Armements

Le canon avec sa visée de casque est extrêmement précis et extrêmement réactif. C’est leur arme à tout faire, celle du CAS, de l’attaque en meute, du combat anti-aérien... C’est simple, quelle que soit la cible qui était évoquée dans la conversation et le moyen adéquate de la traiter (Mistral, roquettes, Hellfire), la discussion se terminait par «sinon y’a le canon de toute manière!». Anti-personnel, anti-véhicule, c’était l’arme idéale dans les trois derniers conflits. A une distance d’un kilomètre, l’équipage peut placer une première salve complète dans une fenêtre bien précise d’un bâtiment ciblé.La puissance d’impact des obus perforants est telle qu’elle a permis de mettre hors de combat des chars de combat en Libye (avec destructions des chaînes mais surtout des optiques de visée et des systèmes de communication) lorsque les Gazelle HOT/Viviane ne pouvaient pas intervenir.

En dessous de 2500-3000m, les roquettes sont très précises, parfois même trop précises. Il n’est pas rare que 4 roquettes tapes coup sur coup exactement au même endroit à près de 2000m alors qu’on aurait aimé ratisser un peu plus large. A noter que la zone d’impact reste bien plus large qu’avec un obus de 30mm, et que l’usage n’est pas le même.
 Au delà de 3000m de portée, les tirs de précision reposent plutôt sur la Gazelle HOT actuellement, et plus tard sur les Hellfire des Tigre, même s’il est possible de tirer des roquettes à 4000m, pour autant qu’on accepte une précision moindre.

Dans tous les cas, on est sur des systèmes bien plus précis que ce qui se faisait sur la génération précédente, en ne parlant que des armes elles-même. Le système de combat intégré apporte également une souplesse et une réactivité inédite jusque là sur un hélicoptère européen, notamment grâce au suivi automatique de cible du viseur STRIX qui semble particulièrement efficace. Il permet notamment d’alléger considérablement la charge opérationnelle de l’équipage, ce qui permettra à ce dernier d’opérer dans des environnements plus complexes, plus rapidement et avec plus d’efficacité.

L’ALAT utilise principalement 2 types de roquettes: les roquettes fumigènes, et les roquettes à fléchettes. Ces roquettes sont réglées de base pour exploser au dessus du sol à une certaine distance qui peut être reparamétrée par l’équipage avant le tir (le calcul se fait en millisecondes avant l’impact plutôt qu’en distance). J’ai trouvé ça surprenant que ça puisse se faire aussi simplement, mais c’est plutôt une bonne nouvelle. Ces roquettes là sont à usage anti-personnel et anti-véhicules non-blindés principalement, et le fait de les faire exploser plus ou moins proche du sol permet de concentrer le tir ou au contraire de cibler plus large.

Les Tigre en opération emportent souvent des fumigènes également. Cela peut permettre soit de marquer une cible au sol pour une frappe aérienne lourde, soit pour vérifier qu’il s’agit bien de la cible (ou d’un point reconnaissable) décrite par les troupes au sol avant d’effectuer la frappe.

Seul soucis à l’heure actuelle: les roquettes dans un panier sont tirées dans l’ordre. C’est donc à l’équipage de déterminer, en fonction de sa mission, de combien de roquettes fumigènes il aura besoin, et comment les placer dans le panier. Par exemple, si les 4 premières roquettes sont des fumigènes mais que le Tigre tombe directement sur une cible à traiter d’urgence à la roquette, il faudra qu’il sélectionne une salve de 8 roquettes, les 4 premières seront tirées pour rien sur la cible, seules les 4 dernières auront un véritable effet militaire.
Par contre, j’ai oublié de demandé s’il était possible de choisir le panier qui va tirer, et si donc il était possible dans une configuration 4 paniers d’avoir un panier pour les fumigènes et 3 pour les fléchettes. Si quelqu’un a une idée, je serais ravis d’avoir plus d’infos sur ce point précis.

La version HAD et les nouveaux missiles sont très attendus, autant pour leur capacité anti-bâtiments que leur capacité anti-char finalement. Cela dit, même après l’arrivée du HAD, la Gazelle continuera d’être utilisée avec ses missiles HOT. L’emploi des deux hélico est très complémentaire, la Gazelle restant plus rustique et bien moins cher à faire voler (10 fois moins cher à l’heure de vol en OPEX). Même après l’arrivée des HAD, il ne sera pas rare de voir des Gazelle Hot en compagnie de Tigre (HAD ou HAP) dotés de roquettes uniquement.
Eurocopter présentait sur son stand une maquette de Tigre avec des Hellfire en point externe. Il m’a été confirmé que ce n’était pas du tout prévu par les opérateurs, et que ça n’avait pas été demandé à l’industriel.

En l’occurrence, il ne s’agit pas d’un problème mais d’un choix cohérent: le Tigre est fin, discret et maniable et n’est pas le plus à son aise dans les configurations lourdes. Je n’ai plus en tête les chiffres qui m’ont été donnés, mais l’utilisation de 4 lanceurs quadruples de Hellfire n’aurait pas grand intérêt puisque cela ponctionnerait de trop sur l’emport en carburant.
On en revient au soucis habituel: ça ne sert à rien de pouvoir détruire 16 blindés à portée de son artillerie quand on peut en détruire 8 loin derrière la ligne de front.

Des réservoirs externes ont déjà été utilisés en opération, souvent en configuration asymétrique avec un réservoir d’un côté et un panier à roquettes de l’autre (rien en externe), même s’il est théoriquement possible d’emporter 2 réservoirs et 2 paniers légers en points externes.

Les réservoirs de voilure sont de 350 litres (1400 litres en interne si mes souvenirs sont bons), et l’autonomie avec 2 réservoirs externes passerait de 2h30 avec réserve de carburant à plus de 4h de vol. Même si le choix doit souvent se faire entre emport de carburant et emport en armement (plein obus, armements sous voilures etc.) pour respecter la masse maximale au décollage.

La version HAD avec ses nouvelles turbines devrait apporter une demi tonne d’emport supplémentaire, et il sera possible de décoller en configuration lourde armement avec le plein carburant sans se poser trop de questions.

Des roquettes à guidage laser seraient «sur le point d’arriver» d’après le pilote, qui avait l’air confiant du fait que les RETEX des dernières OPEX montrent le besoin pour une telle arme. Je ne sais pas quelles sont ses sources, ni ou en est ce projet en France pour être tout à fait honnête. Je ne savais même pas qu’on devait passer en 70 mm.

L’intérêt de la roquettes guidée laser (qui garde le terme de «roquette» puisqu’il s’agit plus de maintenir et corriger légèrement la trajectoire que de véritable capacité d’évolution type “missile“) se verrait surtout en anti-véhicule ou en anti-bâtiments, pour ne pas gaspiller un missile bien plus coûteux, sans pour autant risquer de se retrouver à court de munitions.
Parce que ça, apparemment, ça a été un vrai problème dans plusieurs missions de longue durée et/ou de haute intensité.

Et c’est là qu’on en arrive à la partie fun: à court de munitions et/ou devant le besoin impérieux d’intervenir rapidement à longue distance, des Tigre au dessus de la Libye ont détruit des véhicules et des infrastructures au sol à coups de ... Mistral.

Cela n’est pas un scoop, on en avait entendu parlé, mais c’est la première fois que j’en avais le compte rendu détaillé. Tout l’intérêt d’une telle solution bricolée est de pouvoir détruire une cible précise, parfois à moyenne portée, dans un environnement très contraint notamment en termes de dommages collatéraux ou de défense anti-aérienne. Je n’ai pas eu de détails précis sur la nature des cibles, mais j’ai cru comprendre de la discussion qu’il avait été question à au moins une occasion de faire taire une arme de DCA adverse.

La procédure normale aurait recommandée de faire appel à des Gazelle HOT, mais il s’agissait là de tir d’opportunité ou de «time sensitive target». Alors, ça nécessite «d’arriver à chopper la bonne cible sur l’autodirecteur» répercutée sur les écrans tactiques, ce qui est franchement illusoire dans certains contextes tactiques, mais apparemment c’est tout à fait possible dans bien des cas.

Et ce n’est pas tout. A court de munitions ou de roquettes de désignation, on a également vu des équipages de Tigre larguer... des grenades à main. Fumigènes, ou explosives. J’en avait entendu parlé par des fantassins, sous forme de rumeur, mais là c’est la première fois qu’on me le confirmait. J’ai également eu plusieurs sous-entendus moyennement discrets de la part d’autres personnels Tigre comme quoi certains équipages avaient aussi utilisé du FAMAS pour tirer au sol (on m’a même montré où et comment il était placé dans l’habitacle pendant le vol).

Une “originalité“ qui aurait été héritée des équipages de Gazelle semble-t-il. Ça ne me surprend pas. On a même eu droit à un petit commentaire d’un pilote de Rafale : «Non mais les pilotes de Tigre, de toute manière, ce sont des tarés ! Ils sont complètement fous ces types !» en parlant de ce genre de facéties. Logique, quand on connait la différence de problématique opérationnelle entre ces deux armes.

Autrement, le Mistral reste une arme de DA très efficace pour le Tigre, soit en défense anti-hélico, soit en anti-drones, mais aussi en anti-aérien.

En défense de site ou de convoie, le Tigre est apparemment très efficace. En quasi stationnaire au dessus de l’objectif à protéger, il reste très difficile à spotter pour un chasseur, même moderne (on reviendra plus loin sur la furtivité du Tigre), dans un environnement électronique complexe, ce qui peut obliger l’assaillant à tenter une approche en radada à vitesse assez réduite, ce qui le fera entrer dans le champs d’action d’un tir de Mistral ou même de canon.

Le Tigre est extrêmement manoeuvrable pour un hélicoptère, malgré l’absence de CVDE. Il réagit très rapidement au doigt et à l’oeil (littéralement dans le cas de cet appareil), et effectue de vraie manoeuvres de combat aérien. Apparemment la différence est très nette par rapport aux autres hélicoptères de combat de nos forces armées (Gazelle ou famille Ecureuil). L’absence de CDVE ne semble aucunement un problème en terme de qualités de vol. J’ai pu en discuter tant avec les pilotes de Tigre qu’avec les “béta-testeurs“ du NH-90: l’intérêt se fait surtout en terme de masse à vide, mais pas en terme de manoeuvrabilité ou de maniabilité (ce qui n’est pas la même chose).

Ceux qui étaient au Bourget ont vu quelques démonstrations de manoeuvres, sachant que j’ai eu trois confirmations différentes que "les trucs funs, on a pas le droit de les faire". Tonneaux, boucles, le Tigre peut faire ce genre de choses sans broncher mais ce n’est pas dans le domaine de vol autorisé par le constructeur, et donc par l’utilisateur. "On ne peut pas faire d’erreur de pilotage. Si on en fait, l’appareil les corrige automatiquement et se remet dans une position stable". Ceci étant dit, le fait que ce ne soit pas autorisé ne veut certainement pas dire que ce n’est pas pratiqué m’aura-t-on glissé entre deux clins d’oeil.

En combat anti-hélicoptère, la seule vraie menace réaliste c’est le Mi-24/35, et peut-être un jour le Ka-50/52, des menaces que le Tigre surclasse de très loin, que ce soit en combat canon ou en combat missile.

Tout le but d’une manoeuvre de dog-fight entre hélicoptères est en fait de coller au cul de l’adversaire. La position idéale est entre 150 et 300m: suffisamment pour pouvoir anticiper ses manoeuvres et ne pas rentrer en collision avec lui ou ses débris quand on l’a touché, et pas assez loin pour lui permettre de se retourner sans qu’on ne puisse rien faire. Mais le canon du Tigre a le meilleur débattement et la meilleur réactivité du marché actuel et futur pour ce type de combat, sans même parler des Mistral.

Ces derniers vont acquérir leur cible automatiquement une fois leurs caches dépliés, mais ne vont pas scanner en permanence devant l’hélicoptère: ce dernier doit être prévenu de la présence potentielle d’un hostile par un autre moyen (interne ou externe) pour entamer une recherche de cible. Quand la cible est trouvée, un signal sonore prévient le pilote qui peut soit tirer immédiatement, soit vérifier sur ses écrans s’il s’agit de la bonne cible.

Au delà des cibles «réalistes», les pilotes ont été interrogés sur les capacités de leur hélicoptère face à d’autres cibles occidentales. La réponse est sans appel: c’est le meilleurs dog-fighter de sa catégorie, loin devant l’Apache, le Mangusta ou le Cobra, sans même parler des derniers Hind et Kamov russes. Non seulement c’est l’un des plus manoeuvrant, mais il est l’un des très rares hélicoptères du marché à avoir un canon de 30mm conçu pour le combat aérien tournoyant, avec un fort débattement dans toutes les directions.
Reste qu’un Super Cobra dans sa dernière mouture ou un AH-64E équipés de Sidewinder ou de Stinger ne feraient rigoler personne, mais c’est pas demain la veille qu’on aura un adversaire comme ça en face d’un Tigre. Mais même là, s’il leur a «chopé l’arrière-train», il est extrêmement difficile de faire lâcher prise à un Tigre.